Molnupiravir : le médicament anti-Covid de Merck provoque-t-il des variants du SARS-Cov2 plus transmissibles pouvant aggraver la pandémie ?
C’est ce qu’affirme une étude scientifique parue dans la revue « Nature » le 25 septembre et basée sur les données de séquençage au fil du temps du virus à l’origine de la pandémie en 2020.
L’étude parue dans la prestigieuse revue scientifique lundi émet l’hypothèse que le médicament de Merck peut causer des mutations qui occasionnellement vont se propager à d’autres personnes infectées. Elle reconnaît néanmoins ne pas en apporter la preuve.
Rappelons en premier lieu que ce médicament (nom commercial Lagevrio), une simple gélule à prendre par voie orale, a suscité beaucoup d’espoirs lors de sa commercialisation en 2021. Il est administré dès les premiers signes de Covid-19 Néanmoins, les autorités sanitaires, dont la FDA américaine et la Haute autorité de santé française, et beaucoup de scientifiques sont resté dès le départ sur la réserve en raison du mécanisme d’action de la molécule molnupiravir : cet antiviral s’intègre en effet directement dans les gènes du coronavirus, et les dérègle, au point de compromettre le fonctionnement du virus, entraînant sa mort.
Dans ce contexte, on peut rappeler que Pfizer, grand « gagnant » des vaccins à ARNm contre le Covid, a commercialisé peu après le paxlovid, autre médicament anti-Covid par voie orale.
Les chercheurs qui ont réalisé l’étude parue dans Nature ont analysé la base de données Gisaid, la base de données collaborative mondiale alimenté par tous les pays de séquences virales du SARS-CoV2, ce qui permet de surveiller l’évolution du virus du Covid et ses mutations. À noter que ce programme suit aussi les virus de la grippe. Les chercheurs affirment que la commercialisation du molnupiravir coïncide avec l’apparition d’un génome modifié spécifique du SARS-CoV2, constituant une « signature » de mutations dont l’usage du médicament antiviral serait à l’origine.
Les chercheurs, pour en arriver là, ont étudié pas moins de 15 millions de génomes. Ils appellent à aller plus loin dans l’analyse. Ils ont déterminé que ces mutations étaient particulièrement présentes là ou le médicament de Merck étaient particulièrement utilisé, notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis. En outre, en termes d’analyse de populations concernées, ce sont les personnes âgées les plus concernées, ce qui correspond à la population de prescription principale du molnupiravir.
Réponse de Merck : corrélation n’est pas causalité
Le laboratoire pharmaceutique américain qui commercialise le médicament incriminé a réagi en rejetant purement et simplement les conclusions de l’étude, sur la base qu’une corrélation temporelle n’est pas la preuve d’une causalité. Il a déclaré à l’AFP que les auteurs de l’étude ont fait des « associations circonstancielles » qui associent sans preuve le molnupiravir aux mutations identifiées.
Dans tous les cas, quelle que soit la cause, les scientifiques considèrent que le travaux sont d’importance car ils mettent en évidence des mutations susceptibles de générer un coronavirus beaucoup plus transmissible.
Les auteurs interrogés sur la réserve
Dans le journal anglais The Guardian, Theo Sanderson, qui est l’auteur principal de l’étude, a exprimé des réserves : « La signature est très claire, mais il n’y a pas de variants largement diffusés portant a signature. Pour l’instant, il n’y a rien qui soit impacté à grande échelle et t dû au molnupiravir »: « L’observation selon laquelle le traitement par molnupiravir a laissé une trace visible dans les bases de données de séquençage mondiales, y compris la transmission ultérieure de séquences dérivées du molnupiravir, sera un élément important pour l’évaluation des effets et de la sécurité d’emploi évolutive de ce médicament », a-t-il déclaré au journal.
Alors, que faut-il en conclure ? De notre point de vue, on en revient toujours à : Corrélation n’est pas causalité. C’est l’argument invoqué par Merck avec raison. Cela ne veut pas dire pour autant que leur médicament est hors de cause… Comme l’a déclaré la scientifique Emmanuelle Charpentier, prix Nobel : « La science, c’est long » – et très loin des effets de manche…
Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0324Z94873) édité par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique.
Notre média dépend entièrement de ses lecteur pour continuer à informer, analyser, avec un angle souvent différent car farouchement indépendant. Pour nous soutenir, et soutenir la presse indépendante et sa pluralité, faites un don pour que notre section presse reste d’accès gratuit, et abonnez-vous à la newsletter gratuite également !
via J’aime l’Info, association d’intérêt général partenaire de la presse en ligne indépendante :