Tueurs en séries et crimes non élucidés : la justice appelle le grand public à la rescousse avec « En quête d’indices » sur les cold cases
Des vidéos courtes qui retracent les enquêtes, voilà le dispositif innovant d’appels à témoins lancé par le ministère de la Justice
L’initiative a été annoncé le 2 avril lors d’une conférence de presse de Pascal Prache, Procureur de la République de Nanterre, sur une affaire en cours. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur est intervenu pour présenter les capsules vidéos en « En quête d’indices » qui concernent des affaires suivies par le Pôle national des crimes sériels ou non élucidés (PCSNE), un service basé au tribunal judiciaire de Nanterre, de création récente puisqu’il a tout juste 2 ans.
Le PCSNE, dispositif judiciaire unique au monde
C’est la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021 qui acte son besoin et sa création 3 mois plus tard (mars 2022). Il s’agit d’un service dédié à l’examen des affaires criminelles et disparitions non élucidées plus de 18 mois après les faits. C’est la réponse à la demande des familles de victimes et leurs avocats. Organe centralisateur, le PCSNE tente de faire le lien entre les procédures judiciaires souvent complexes et éparses sur le territoire, pour tenter de mettre la main sur de nouveaux éléments, trouver des pistes d’enquête non explorées, mettre à profit l’évolution des techniques scientifiques. En outre le PCSNE est un point de contact d’entraide judiciaire au niveau européen et international. Ce service est composé de magistrats dont juges d’instruction, juristes et greffiers chevronnés dédiés à plein temps au PCSNE, qui organisent leur travail sur la base de trois principes : la spécialisation, le regroupement et la centralisation, la mémoire criminelle.
Cette unité ne peut pas prendre en charge toutes les affaires, la loi a prévu des critères : complexité du dossier, qualification juridique des faits (meurtre, viol, séquestration, actes de torture et de barbarie). « La sérialité est également un critère, même s’il ne suffit pas à lui seul » précise Pascal Prache. Dans tous les cas l’ancienneté doit être d’au moins 18 mois comme précisé précédemment. Pour ce qui est de l’instruction de ces cold cases, le Procureur de la République explique les grands principes : « L’un des actes d’enquête stratégique du pôle est la relecture croisée des dossiers. Nous repartons de zéro, vérifions ce qui a été fait, ouvrons des portes, en fermons d’autres. Nous nous appuyons aussi sur l’amélioration des capacités techniques : dans certains dossiers, nous pouvons faire une nouvelle exploitation des scellés, recourir à l’ADN généalogique par exemple, qui est une avancée scientifique récente. » La « mémoire criminelle » est également essentielle, Pascal Prache la décrit comme « l’un des angles morts du fonctionnement policier ou judiciaire. Construire une mémoire criminelle, c’est petit à petit établir un recueil des éléments d’information de l’ensemble des affaires criminelles non élucidées, pour avoir une vision complète des dossiers sur une période utile pour les investigations à mener. Dimension géographique, chronologique… « . La prise de recul nécessaire pour en somme, reconstituer le puzzle des affaires sur lesquelles on bute.
Mais quel est le bilan à 2 ans ?
10 % des affaires confiées au Pôle national des crimes sériels ou non élucidés ont évolué
Au 1er mars 2024, on parle ici de 385 affaires étudiées par le parquet, entraînant 77 ouvertures d’information judiciaire permettant de rapatrier les deux tiers des scellés concernés (le Pôle dispose d’un local dédié aux scellés de 150 m2) et 11 parcours criminels, représentant 88 affaires saisies par les juges d’instruction. En proportion, ce la représente 10 % des affaires mises entre les mains du PCSNE. En pratique, c’est 5 mises en examen et une condamnation définitive, celle de Monique Olivier, ex-femme du serial killer Michel Fourniret, récemment jugée en cour d’assises.
Pascal Prache complète le bilan : « 17 préliminaires sont également en cours d’enquête dirigées par le parquet, dont 1 parcours criminel. »
Le président du tribunal judiciaire de Nanterre tient à préciser que ce bilan doit s’apprécier tenant compte que le travail entrepris est de longue haleine : « Ces résultats non négligeables doivent s’inscrire dans la durée. Quant au travail de fond mené, que l’on ne peut quantifier, il portera ses fruits ultérieurement. Notre objectif demeure de répondre à des problématiques humaines lourdes, avec parfois plusieurs décennies de passif – le dossier le plus ancien traité au sein du pôle remonte à 50 ans«
Capsules vidéos « En quête d’indices » : « Nous avons besoin de vous ! »
Ces vidéos, récapitulant chacune un cold case, sont élaborées par la Délégation à l’information et à la communication du ministère de l’Intérieur, en collaboration avec le service homologue du ministère de la Justice. Elles seront diffusées sur le site internet du ministère de l’Intérieur dans un espace dédié ainsi que sur les comptes de réseaux sociaux des deux ministères. L’objectif : le recueil de nouveaux témoignages du grand public sur les affaires étudiées. Cette formule est déjà exploitée dans d’autres pays, notamment aux États-Unis ou aux Pays-Bas.
La première vidéo est parue, il s’agit de l’affaire du « violeur au couteau ». En 3 minutes 39, les trois agressions commises par un inconnu dont on nous dresse le portrait-robot nous sont décrits avec de nombreux détails situant très précisément les zones géographiques des crimes, avec l’intervention de Pascal Prache, Procureur de la République de Nanterre, d’un Commandant de police judiciaire de Bayonne , d’un major de police. Les actes ont été perpétrés en 2002 et 2011 par la même personne comme l’ont révélé les prélèvements d’ADN pour lesquels trois femmes ont été les victimes dans des lieux publics.
De Melun en 2002 à Gujan-Mestras et Saint-Paul-lès-Dax en 2011, n’hésitez pas à visionner la vidéo ci-dessous ; « la police a besoin de témoignages » pour identifier le meurtrier en série, « la police relance l’enquête aujourd’hui », pour les victimes, pour les femmes à l’avenir victimes de prédateurs sexuels, nous expliquent les policiers. « On a besoin de vous ! » conclut la vidéo.
Image d’en-tête : Image extraite de la 1ère vidéo d’appel à témoins « En quête d’indices »
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