Éditorial – 7/12/2024
L’insolite et croustillante cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris
On ne comptait pas regarder cette cérémonie, mais on a été pris au jeu de l’arrivée des personnalités accueillies sur le parvis de la cathédrale par le couple Macron, qu’on lorgnait du coin de l’œil sur un écran secondaire d’ordinateur. Il y avait quand même une quarantaine de chefs d’État et autres têtes couronnées. On s’est amusé de l’arrivée de Donald Trump, rappelant sa première rencontre avec le jeune Macron fraîchement arrivée à la tête du pays. Sur le parvis de Notre-Dame, les Macron et Trump se livrent à un drôle de jeu de poignées de main à plusieurs reprises, qui semblent relever du bras de fer à peine déguisé. À ce petit jeu de pure gestuelle, Trump s’avère gagnant malgré l’expérience d' »Em-manuel » en matière de signes tactiles : dans le dernier round de cette série, Trump lui assène un KO de poignée de main en relevant son bras à la verticale, maintenant le poing du Français en aval en position visiblement fort inconfortable. Jeux de mains, jeux de vilains ?
En l’absence de Joe Biden, l’arrivée de sa femme Jill et de sa fille Ashley originalement vêtue, sont saluées par Brigitte Macron qui semble se faire des compliments mutuels sur leurs tenues. On s’amuse de retrouver Trump engager un peu plus tard, dans la cathédrale, un court échange avec Mme Biden ; une seule chaise, vide alors, les sépare. Plus tard, sur son réseau social Truth, il détournera la photo de cette rencontre de façon humoristique, évoquant le lancement de son nouveau parfum baptisé « Fight, fight, fight« , auquel assure-t -il, même vos pires ennemis ne peuvent résister. L’arrivée du président ukrainien Zelensky sera moins surprenante, avec sa tenue invariablement anti-protocolaire format sportwear kaki. Pour Giorgia Meloni, la patronne de l’Italie, on est attentif, espérant capter la réitération de sa moue agacée au contact d’Emmanuel Macron, qui avait été immortalisée dans une séquence reine sur les réseaux sociaux. On n’y a pas droit, mais reste l’espoir de la voir se se pâmer devant Elon Musk comme elle l’avait fait en le recevant en Italie. Un espoir non vain pour le coup. Le milliardaire libertarien promis à un ministère par le président élu Donald Trump arrive avec prestance dans son costume sombre, tel un chef d’État parmi ses pairs. Quand il passe devant les ex chefs d’États, assis en rang d’oignon avec leurs épouses (Nicolas Sarkozy et Carla Bruni, François Hollande et Julie Gayet), le regardant l’ai dubitatif, agacé voire craintif. La cérémonie d’entrée de l’archevêque de Paris est un spectacle rare et curieux : il y a un scénario, une chorégraphie et un texte. Ses vêtements liturgiques ne sont pas blancs immaculés mais plaqués de taches multicolores qui rappellent les couleurs du Uno : bleu, rouge, jaune, vert. Certains commentateurs râleront en disant que l’Église a cédé aux couleurs du wokisme et autre LGBT+ avec ce bariolé. Monseigneur porte un énorme sceptre au gros cœur d’un bleu magnétique, avec lequel il frappera les portes de la cathédrale une dizaine de fois, avant, tel un Ali Baba, de sommer à la cathédrale : « Notre-Dame, ouvre tes portes !« . À l’intérieur, les chants des enfants de cœur, eux aussi vêtus d’un bleu très franc vont bon train depuis le début de la cérémonie commencée depuis 30 minutes. Une jeune choriste semble transcendée de joie du début à la fin. Anne Hidalgo, toute souriante, a rejoint le couple Macron sur le parvis pour pénétrer dans la cathédrale sur les pas de l’archevêque. De façon drôle, le pré carré dans la cathédrale formé par le gouvernement Barnier ; ils sont tous assis, en sursis, semblant réduits à penser que désormais ils ne vont plus vaquer qu’aux affaires courantes pour quelques jours, et on a l’impression qu’ils n’ont pas le moral. Ils lorgnent sur Trump juste à côté d’eux, ce dernier, toujours loquace après ses mots à Jill Biden, finit par en lancer quelques-uns à, semble-t-il à Michel Barnier ou à l’un de ses voisins, peut être Rachida Dati. Le Premier Ministre déchu détourne son regard réprobateur posé initialement sur le président élu américain. Le petit film de rétrospective du drame de Notre-Dame sacrifiée aux flammes destructrices et de sa reconstruction est émouvant, s’achève en crescendo avec au moins 200 pompiers, artisans et ouvriers qui défilent ensemble dans la cathédrale et se font longuement applaudir. On a droit à un discours d’Emmanuel Macron, et on se dit qu’il toujours l’as du marketing, toujours prêt à voler la vedette ou a minima, à se poser comme le rassembleur de l’événement du jour, à défaut de l’être en politique. Les frères Capuçon, Renaud le violoniste et Gautier le violoncelliste, ouvrent magistralement le bal sur un morceau de Haendel. On a beaucoup apprécié aussi la formation de 70 choristes menés par Pharrel Williams sur le parvis de la cathédralE, qui on parfaitement maîtrisé leur prestation malgré la pluie et au vent glacials. On a moins été convaincus par l’Ave Maria d’un jeune ténor franco-suisse et par les prestations pop de respectivement Clara Luciani (reprise de La romance de Paris de Charles Trenet) et Vianney (reprise gentillette mais fade d’Halleluia de Leonard Cohen) ; celle de Marion Cotillard déclamant Le Pont de Victor Hugo, qui a du mal à capter notre émotion malgré ses efforts manifestes limite larmoyants. Le DJ qui colle sa musique sur un spectacle de lumières projetées sur Notre-Dame n’est pas à la hauteur des illuminations, selon non pour la scène de clôture. Décidément, il est toujours difficile de trouver un casting pertinent pour honorer la France sur la scène d’événements de portée internationale. On se rappelle la difficulté à trouver un chanteur français pour les JO. Au rayon je râle et je m’indigne, sur les réseaux sociaux les « franchouillards » typiques de ce comportement ne sont pas absents : « Quelqu’un peut m’expliquer pourquoi le pape n’est pas là ? » clame un internaute. Un sujet pourtant médiatisé à tort et à travers après que le pape François a décliné l’invitation, ne se considérant pas là pour voler la vedette à Notre-Dame (ou à Macron ?) et sachant que son rôle n’est pas d’être présent à des inaugurations d’édifices religieux aussi prestigieux (et à l’histoire controversée pour la cathédrale phare de Paris) soient-ils. Toujours est-il qu’un rapide tour d’horizon de la presse internationale montre que si la cérémonie a été appréciée à sa juste valeur vu de l’étranger, beaucoup ont vu l’image d’un président français vibrer aux tonalités de son propre requiem, face au retour d’un président américain réélu en grâce (on n’a pas dit gracieux).
Image d’en-tête : Brigitte Macron, Emmanuel Macron et Anne Hidalgo derrière Monseigneur Ulrich, archevêque de Paris le 7 décembre 2024 à Notre-Dame de Paris – capture écran cérémonie télévisée
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