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Budget 2026 : La défiscalisation des dons en question, un coup dur pour la solidarité, la recherche médicale et la démocratie

Le projet de loi de finances pour 2026 semble envisager la générosité come une niche fiscale, prévoyant une réduction drastique des avantages fiscaux liés aux dons des particuliers et des entreprises. Cette mesure, visant à combler le déficit public, menace notamment l’aide aux plus démunis, la recherche médicale et la presse indépendante, fragilisant ainsi les piliers de la démocratie.

À l’approche des arbitrages du projet de loi de finances pour 2026, une proposition alarmante émerge : réduire significativement la défiscalisation des dons aux associations et fondations. Selon un article publié par Le Parisien le 3 juillet 2025, un rapport commandé par l’ancien gouvernement à l’Inspection générale des finances (IGF) préconise de ramener la réduction d’impôt de 75 % à 66 % pour les dons aux organismes d’aide aux personnes en difficulté et de limiter les avantages pour le mécénat d’entreprise. Cette mesure, visant à récupérer environ 450 millions d’euros pour l’État, risque de porter un coup dur à des secteurs vitaux comme l’aide aux démunis, la recherche médicale et la presse indépendante, dans un contexte de concentration médiatique préoccupante.

Une réduction fiscale aux effets dissuasifs

Le dispositif actuel encourage la générosité par des incitations fiscales attractives. Les dons aux associations venant en aide aux personnes en difficulté, comme les Restos du Cœur ou le Secours populaire, permettent une réduction d’impôt de 75 % dans la limite de 1 000 euros par an, et de 66 % au-delà. Les dons à d’autres organismes d’intérêt général, incluant la recherche médicale ou la presse indépendante, ouvrent droit à une réduction de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable. Les entreprises, via le mécénat, déduisent 60 % de leurs dons, jusqu’à 20 000 euros ou 0,5 % de leur chiffre d’affaires.
Selon les informations de notre confrère Le Parisien, le rapport de l’IGF propose de ramener la réduction de 75 % à 66 % pour tous les dons et d’abaisser ou supprimer le plafond de 1 000 euros.
Plus récemment, plusieurs sources concordantes évoquent un plafonnement à 2 000 euros du montant des dons pouvant être pris en compte pour la réduction d’impôt des particuliers au titre du mécénat, et le remplacement pour les entreprises de réductions d’impôt par des déductions de charges de mécénat, qui serait en outre plafonnée à 50 %. À l’évidence, ces mesures pourraient décourager les donateurs, en particulier les ménages modestes et les PME, pour qui l’avantage fiscal est crucial. Les associations anticipent une chute de l’ordre de 25 % leurs ressources privées.

L’aide aux démunis, première victime

Les associations d’aide aux personnes en difficulté dépendent fortement des dons pour fournir repas, soins ou hébergements d’urgence. En 2024, les Restos du Cœur ont collecté 750 millions d’euros, en grande partie grâce à la défiscalisation, rapporte Le Parisien. Une baisse de la réduction de 75 % à 66 % pourrait réduire les contributions des particuliers, déjà fragilisés par l’inflation. « C’est une chasse aux dépenses sur le dos des plus fragiles », déplore un responsable associatif cité par Le Parisien.
Les conséquences seraient immédiates : moins de repas distribués, moins d’hébergements d’urgence et une pression accrue sur les services publics. Les associations comme la Croix-Rouge ou le Secours catholique, qui soutiennent aussi les victimes de violences domestiques (éligibles à la réduction de 75 % depuis février 2025), verraient leur capacité d’action amoindrie. Dans un pays où 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, on atteint un taux de pauvreté en France jamais atteint depuis au moins 30 ans.

La recherche médicale sous pression

La recherche biomédicale est principalement financée par l’industrie pharmaceutique, pour laquelle la France est de moins en moins attractive. Notre pays a largement chuté dans le classement des pays où l’on effectue des études cliniques. La recherche publique est quant à elle sous-financée par l’État. Elle s’appuie ainsi substantiellement sur la générosité privée. L’Institut Pasteur tire un tiers de ses ressources des dons, l’AFM-Téléthon 85 %, et la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer près de 100 %. Ces fonds financent les salaires des chercheurs, les équipements et les essais cliniques. Une baisse des avantages fiscaux pourrait réduire ces ressources, menaçant des projets de recherche publique comme par exemple ceux mettant en œuvre les thérapies géniques d’avenir ou les traitements contre les cancers rares.
Les grandes fondations s’inquiètent d’une perte significative de financements, compromettant les ambitions de la France en matière d’innovation scientifique. À long terme, ce choix risque de creuser l’écart avec les pays investissant massivement dans la recherche, au détriment de la santé publique et de la compétitivité française.

La presse indépendante, un rempart démocratique fragilisé

Dans un paysage médiatique dominé par une poignée de milliardaires, la presse indépendante est essentielle pour garantir le pluralisme. Des médias modestes et non subventionnés comme Science Infused, qui privilégient une information rigoureuse et des angles journalistiques originaux sans jamais rechercher le buzz, dépendent intégralement des dons pour financer leur travail. La réduction fiscale de 66 % pour les dons soutenant le pluralisme de la presse est cruciale pour ces structures, souvent privées de subventions publiques.
Une baisse de cet avantage fiscal pourrait asphyxier ces médias, déjà concurrencés par des groupes bénéficiant d’aides massives. En 2020, les grands groupes de presse ont reçu 666 millions d’euros d’aides exceptionnelles, selon notre confrère Libération, souvent captées par des titres détenus par des milliardaires. Cette concentration, couplée à la fragilisation des médias indépendants, menace la diversité des voix, et donc la démocratie.

Un paradoxe budgétaire

Si l’objectif est de redresser les finances publiques, cette mesure pourrait être contre-productive. En réduisant les dons, l’État risque de devoir compenser la baisse des services associatifs et scientifiques par des dépenses publiques accrues. Les 450 millions d’euros escomptés, selon Le Parisien, semblent dérisoires face aux 490 milliards de dépenses prévues pour 2026. D’autres pistes, comme la taxation des superprofits ou la lutte contre l’évasion fiscale, pourraient générer des recettes plus significatives sans pénaliser la solidarité et la démocratie, note RTL. Ce choix reflète une vision court-termiste voire méprisante à l’endroit du secteur asosciatif, négligeant les bénéfices sociaux et économiques de ces acteurs et des dons qui leur permettent souvent d’exister. Les associations, la recherche et la presse indépendante ne sont pas des charges, mais des investissements pour une société plus juste et éclairée.

Le projet de loi de finances pour 2026, en prévoyant de raboter la défiscalisation des dons et son attrait, menace l’économie solidaire et sociale et des secteurs vitaux pour la cohésion sociale et la démocratie. L’aide aux démunis, la recherche médicale et la presse indépendante, déjà sous pression, risquent de payer le prix d’une austérité mal ciblée. Face à la concentration médiatique et aux défis sociétaux, préserver ces piliers de la solidarité et du pluralisme est urgent, sous peine d’aggraver les fractures d’une société déjà divisée à l’heure où les associations et fondations, organismes à but non lucratifs et souvent d’intérêt général, sont essentiels à la cohésion sociale.

Illustration d’en-tête : Andrea pour Science infused

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