Fin du permis de conduire à vie : une réforme européenne pour sauver des vies
L’Union européenne met fin au permis illimité, imposant un renouvellement tous les 10 à 15 ans avec contrôles médicaux. Une victoire pour la sécurité routière, portée par des victimes comme Pauline Déroulède
L’héritage tragique de Pauline Déroulède
En octobre 2018, Pauline Déroulède, alors joueuse de tennis professionnelle, voit sa vie basculer à Paris. À l’arrêt sur son scooter, elle est percutée par une voiture conduite par un nonagénaire qui confond accélérateur et frein, entraînant l’amputation de sa jambe gauche. Ce drame personnel devient un engagement public. Comme le relate notre article publié en janvier 2023, Pauline Déroulède mène un combat acharné contre le « permis de conduire à vie » en France, un système unique en Europe où aucune visite médicale n’est requise après l’obtention du permis. Dans notre échange et publiquement, elle dénonce l’absurdité d’un titre valable indéfiniment, malgré le vieillissement ou les pathologies potentielles. « C’est dingue qu’en France, on ait le permis à vie sans aucun contrôle, on peut conduire jusqu’à 100 ans« , confie-t-elle, soulignant que des conducteurs désorientés restent autorisés à prendre le volant. Son plaidoyer, nourri de données sur les accidents liés à l’inaptitude, met en lumière un vide législatif : l’alcool et la vitesse sont sanctionnés, mais pas l’inaptitude médicale. Ce témoignage, enrichi d’analyses sur les lobbies automobiles et assureurs qui freinent les réformes, illustre comment un accident isolé révèle un problème systémique. Pauline Déroulède ne vise pas à « interdire aux vieux de conduire », mais à imposer des visites régulières, avec des alternatives de mobilité pour les seniors, évitant d’opposer ruraux et urbains. Son parcours, jalonné de campagnes et d’interviews, a sensibilisé l’opinion, transformant une tragédie en levier pour le changement.
La réforme européenne : un tournant pour la sécurité
Il y a quelques jours, le 21 octobre 2025, le Parlement européen a adopté une directive historique, marquant la fin officielle du permis à vie dans l’Union. Désormais, les permis pour motos et voitures seront valables 15 ans maximum, avec une option pour les États de réduire à 10 ans si le document sert de pièce d’identité, comme en France. À chaque renouvellement, une visite médicale obligatoire, incluant examens ophtalmologiques et cardiovasculaires, vérifiera l’aptitude. Les pays peuvent opter pour des auto-évaluations ou d’autres outils nationaux, offrant une flexibilité. Pour les plus de 65 ans, les durées pourront être raccourcies, avec des formations de remise à niveau possibles. Cette mesure, transposée en droit français d’ici trois ans plus une année de mise en œuvre, répond à un constat alarmant : en 2024, 19 800 morts sur les routes européennes, dont 40 % impliquant des conducteurs sanctionnés mais impunis transfrontière. L’analyse révèle une harmonisation progressive : avant 2025, les permis variaient, mais la nouvelle directive unifie les renouvellements et crée un fichier partagé des sanctions, empêchant un conducteur suspendu en Espagne de rouler en Italie. Prospectivement, cette réforme pourrait réduire les accidents de 10 à 20 %, selon des modélisations basées sur des pays pionniers, en détectant précocement les risques comme la confusion pédales ou les troubles cognitifs. Elle anticipe aussi un permis numérique d’ici 2030, facilitant les vérifications. En France, où le permis illimité persiste depuis des décennies, cette évolution administrative – sans repassage d’examen – allège les files d’attente tout en sauvant des vies, transformant un droit acquis en responsabilité partagée.
Permis à vie ou renouvellement : un patchwork européen
L’Europe n’était pas un monolithe avant cette réforme. La France, avec l’Allemagne et la Pologne, formait un trio d’exception en délivrant des permis sans limite de validité médicale, ne nécessitant qu’un renouvellement administratif tous les 15 ans pour la carte plastifiée. Ailleurs, les pratiques étaient plus strictes. En Belgique, depuis 2010, le permis expire tous les 10 ans, avec certificat médical obligatoire ; en Espagne, un test de capacité est exigé tous les 10 ans, puis tous les 5 ans après 65 ans. L’Italie accorde 10 ans jusqu’à 50 ans, 5 ans jusqu’à 70 ans, et 2 ans au-delà, avec contrôles renforcés. Au Royaume-Uni, post-Brexit, les photocards se renouvellent tous les 10 ans, sans examen systématique mais avec auto-déclaration pour les seniors. Ces disparités soulignent une analyse contrastée : les pays à renouvellements fréquents affichent une mortalité routière inférieure de 15 % à la moyenne européenne, selon des données Eurostat, grâce à une détection précoce des inaptitudes. Prospectivement, l’harmonisation à 15 ans uniformisera les flux transfrontaliers, mais posera des défis logistiques : en France, 2,3 millions de permis expirent en 2025, surchargeant potentiellement les centres médicaux. Pour les seniors, qui représentent 20 % des accidents graves, cette mesure encourage une mobilité inclusive, avec subventions pour transports alternatifs. Au final, elle passe d’un modèle paternaliste, confiance absolue en l’obtention initiale, à un approche dynamique, adaptée au vieillissement démographique européen, où un conducteur sur trois aura plus de 65 ans d’ici 2040.
Au-delà de l’Europe, des modèles mondiaux inspirants
Hors continent, les systèmes varient entre rigueur et laxisme, offrant des leçons pour la prospective française. Aux États-Unis, les durées dépendent des États : 4 à 8 ans en moyenne, avec tests visuels obligatoires après 70 ans dans la plupart, et renouvellements annuels en Illinois pour les octogénaires. L’Arizona accorde même une validité jusqu’à 65 ans, puis tous les 5 ans, favorisant une longévité mais critiquée pour son faible contrôle. Au Canada, au Québec, un examen médical est requis à 75 ans, puis biannuel, listant les risques sans jugement direct. En Asie, Singapour délivre des permis jusqu’à 65 ans pour les citoyens, puis triennaux, avec auto-évaluation ; le Japon impose des renouvellements tous les 3 ans après 75 ans, incluant tests cognitifs, réduisant les accidents seniors de 30 % depuis 2012. L’Inde, plus laxiste, offre 20 ans pour les moins de 40 ans, puis 10 ans, sans contrôles systématiques, contribuant à une mortalité élevée. L’Australie, comme l’Espagne, exige des renouvellements décennaux avec médical pour seniors. Ces exemples analysés révèlent une corrélation : les pays à contrôles périodiques (Japon, Australie) voient leurs taux d’accidents diminuer de 25 % chez les plus de 70 ans. Prospectivement, la France pourrait s’inspirer du modèle japonais pour des formations incitatives, ou américain pour des tests modulés par État – ici, par région rurale/urbaine. À l’échelle globale, avec 1,3 million de morts annuels sur les routes (OMS), cette convergence vers des renouvellements sécurisés pourrait inspirer les BRICS, où la Chine teste déjà des IA pour évaluer l’aptitude. Pour la France, intégrer ces benchmarks accélérera l’adaptation, équilibrant sécurité et accessibilité.
Perspectives : vers une mobilité responsable
Cette réforme n’est pas une punition, mais un investissement dans l’avenir. En imposant des renouvellements, l’Europe dont la France anticipe un parc automobile vieillissant : d’ici 2035, les seniors représenteront 30 % des conducteurs, avec risques accrus de 40 % pour les troubles cognitifs. L’analyse prospective montre des bénéfices : une baisse projetée de 15 % des accidents graves, libérant 500 millions d’euros annuels en soins selon des estimations européennes. Pourtant, des défis émergent : équité territoriale, avec les ruraux dépendants de la voiture, et surcharge des médecins. Des solutions comme des cliniques mobiles ou des partenariats avec assureurs pourraient pallier cela. Pauline Déroulède, dans l’article de Citizen4science.org, appelait à une loi transpartisane ; aujourd’hui, son rêve se concrétise, avec une proposition française pour des visites tous les 15 ans puis 5 ans après 70 ans. À terme, cette évolution favorisera une culture routière proactive, où conduire rime avec responsabilité. En intégrant IA et véhicules autonomes, la France pourrait viser zéro mort d’ici 2050, transformant le permis d’un droit éternel en un privilège renouvelé.
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