Ophtalmologie : exemple d’excès de diagnostic pointé et corrigé
Il est beaucoup de domaines médicaux pour lesquels le dépistage, éventuellement systématique peut s’avérer clé pour la santé publique et la prévention. Mais la santé publique ne rime pas avec hygiénisme et la mesure est parfois nécessaire. Exemple avec l’endophtalmie endogène à Candida.
Récemment, l’Académie d’ophtalmologie américaine (American Academy of Ophthalmology, AAO) a modifié sa ligne directrice relative au dépistage de routine des infections intraoculaires dans le cadre de septicémies à Candida.
La levure Candida, les candidoses
Candida un une espèce de champignons, plus précisément de levures, dont l’espèce la plus connue et la plus importante est Candida albicans. Cultivée en boîte de Petri, elle prolifère en de grandes colonies de couleur blanc à crème (d’où son nom). Elle est à l’origine de la très grande majorité des mycoses à Candida, qui sont ainsi des champignon pathogènes.
Selon le lieu d’attaque dans l’organisme hôte, les affections sont variées, du muguet buccal à la vulvo-vaginite de la femme en passant par différents tronçons du tube digestif, où Candida albicans est saprophyte strict, c’est-à-dire qu’il est n’y est pas pathogène contrairement à toute autre localisation où il est pathogène, sauf s’il se met à y proliférer.
Candidémie : du traitement présomptif au diagnostic systématique
Des septicémies, à savoir l’infection du sans, est possible par les agents infectieux comme le Candida, notamment chez les immunodéprimés; elles peuvent être mortelles. On parle alors de candidémie. Il s’agit parfois d’infections nosocomiales (contractées à l’hôpital).
Le traitement à base d’antifongiques peut être complexe et le diagnostic, microbiologique, tardif, ce qui peut orienter vers un traitement présomptif c’est-à-dire sur seule base de forte suspicion.
En ophtalmologie, la pratique du dépistage systématique de l’infection au niveau intraoculaire chez les patients atteints de candidémie est ancienne. Cette pratique a été établie à l’époque précédant l’utilisation de médicaments antifongiques systémiques et l’établissement de définitions de la maladie opthtalmologique via candidémie. Une étude systématique récente sur 7 500 patients américains dans la pratique clinique a montré une prévalence inférieure à 1 % de septicémie à Candida chez les patients atteints d’endophtalmie (infection intraoculaire) . En outre, les patients concernés présentent souvent des comorbidités telles qu’hypertension, thrombocytopénie ou anémie, qui peuvent rendre difficile le diagnostic avec le risque de rendre à tort Candida responsable.
Si l’Infectious Disease Society of America (IDSA) est d’avis qu’il est surtout important de suspecter et de diagnostiquer rapidement une candidémie systémique, l’AAO ne recommande pas une consultation ophtalmologique de routine après des résultats de laboratoire de septicémie systémique à Candida, qui apparaît comme une pratique de faible valeur. La consultation ophtalmologique paraît raisonnable uniquement pour les patients présentant des signes ou des symptômes d’infection oculaire, avec ou sans candidémie d’ailleurs.
Ainsi, l’Académie préconise d’éviter le surdiagnostic et le surtraitement, et donc de minimiser le dépistage systématique. Elle a ainsi mis à jour sa ligne directrice en la matière, sur cette base.
Et comme tout est question de balance bénéfice/risque, il faudra poursuivre la recherche scientifique pour affiner le rapport entre l’incidence des pathologies menaçant la vision et le bénéfice potentiel d’un dépistage de la candidémie via consultation ophtalmologique telle que constaté dans la littérature.
Tout cela prouve que l’excès de soins, ça existe, et cela peut être sans intérêt voire contre-productif.
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