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Au cinéma demain : « Hors-saison » : passage à vide et retour de flamme en demi-teinte

Un duo d’acteurs crédible et une introspection certes délicate mais qui manque de mordant

Mathieu (Guillaume Canet) est un comédien célèbre presque quinquagénaire en proie au doute sur ses choix de vie. Professionnellement, il vient de lâcher son équipe de théâtre pour le projet qui devait le faire monter pour la première fois sur les planches. Il s’accorde une pause d’une semaine dans un centre de thalassothérapie en Bretagne. il y retrouve par hasard Alice, une ex femme de sa vie qui réside dans la station balnéaire.

Mathieu arrive de Paris et la tristesse quitte difficilement son visage, hormis pour accorder un sourire ravageur à l’occasion d’un selfie réclamé par des fans. Il arrive dans le centre de thalasso moderne aux couleurs claires et formes cubiques, une ambiance impersonnelle et aseptisée qui rappelle une clinique. D’ailleurs, il croisera des « pensionnaires » âgés qui se meuvent difficilement. Ambiance Ehpad ? Dans sa chambre, Mathieu s’affale sur le lit, on le retrouvera flotter dans le sacro-saint peignoir, les bains d’algue, les dispositifs bizarres y compris la machine à café ultra-moderne actionnée par détecteur de mouvements qu’il ne parvient pas à maîtriser. Il y a un peu de comique de situation. Plus tard, on le retrouvera en train de jouer à répétition avec la télécommande d’une porte à double battant automatisée devant laquelle il semble hagard. Dehors, c’est le désert dans la station balnéaire, on est hors saison et on aura surtout la sensation des embruns et la vision d’une mer agitée entre écume et rouleaux d’un bleu délavé sous le ciel maussade.
Outre son téléphone qui lui permet de rester connecté avec sa femme présentatrice TV vedette (Marie Drucker, co-scénariste du film) et de nous proposer les échanges téléphoniques réguliers du couple, il a des scénarios à lire pour de prochains films. Voilà les deux ingrédients qui combleront à l’écran les quelques scènes où Mathieu apparaît seul dans le film suite à des retrouvailles imprévues à venir.

Si la météo bretonne (filmée du côté de Quiberon, Pontivy et Arzon) ne change pas au cours du film, celle du mental de Mathieu va prendre rapidement un tournant avec la rencontre fortuite d’Alice, une femme qu’il a aimée mais dont il s’est séparé y a 15 ans. On aurait imaginé cette rencontre sur la plage ou au bar ou à la crêperie, mais non. Cela ne se passe pas comme ça. C’est sans importance mais un tout petit peu décevant, et peut-être un peu symbolique des sentiments mitigés que génère le film. Il y a quelques occasions non exploitées d’un peu de piquant et d’émotions vraiment fortes. Il faut dire que les deux personnages sont tout en retenue. Pour Mathieu c’est le passage à vide et le questionnement format dépressif. Pour Alice, c’est la vie paisible et stable ponctuée par les cours de piano qu’elle dispense, vie bien rangée au bord du littoral qui est bouleversée par le passage de celui qu’elle a aimé, mais aussi regretté, réalisera-t-on avec elle plus tard.
Il y a aussi un interlude un peu surprenant au milieu du film, pas inintéressant, mais qui casse un peu le rythme des retrouvailles du couple. Il ne dépareille cependant pas dans cet exercice d’introspection, d’analyse de chemins de vie, et tout cela confine à la mélancolie. Heureusement, le film dispense quelques petites scènes cocasses, en petites touches, au milieu de regards expressifs de non-dits, de regrets, mouillés de quelques larmes retenues ou non, et d’effusions.

Cette histoire cinématographique de couple désuni qui se retrouve et se demande s’il n’est pas passé à côté de quelque chose de durable, les questionnements sur les chemins pris, le temps qui a passé, ce qu’il aurait pu advenir, fait penser à des films de Claude Sautet. Une analogie pourrait être plutôt flatteuse mais qui au final pèse sur le bilan. Car si l’émotion est là, elle n’est pas forcément bouleversante, parfois un peu trop feutrée même si les acteurs sont à la hauteur et qu’il n’y a pas de volonté du réalisateur de nous présenter un pur mélo : plutôt les circonstances d’un retour de flamme au format doux-amer.
À l’instar de ce bilan en demi-teinte où finalement on s’est un peu ennuyé, il y a en bande sonore le piano de Vincent Delerm, des airs jolis et délicats qui vont bien au teint du film mais qui ne marqueront par comme les musiques de Philippe Sarde sur les images de Sautet. Allez, nostalgie pour tout le monde quel que soit le motif…

Hors-Saison de Stéphane Brizé, avec Guillaume Canet et Alba Rorhrwacher – durée 1h46. Sortie : 20/03/2024

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