Chronique marocaine 1/4 : La grande Mosquée Hassan II à Casablanca
La chronique Culture d’Alain Girodet
C’est un peu le Mont Saint Michel du monde arabe. Du moins, un occidental ne peut qu’y penser en la découvrant, perchée, solitaire et grandiose sur sa presqu’île de béton, juste au bord de l’Atlantique. La main de l’homme a dressé la pierre à l’endroit même où le poing de Dieu fait trembler les flots : c’est béton contre vague, c’est rocher contre houle. En cas de gros temps, d’immenses poussées liquides viennent se briser contre le parapet de la grande Mosquée
C’est un peu aussi le Taj Mahal du monde musulman puisqu’à la façon de celui-ci, elle ne se laisse voir que dans les interstices architecturaux des immeubles modernes du bord de mer.
Comme le Mont Saint Michel et comme le Taj Mahal, la grande Mosquée Hassan II se mérite : il faut, pour en franchir enfin le seuil, en arpenter l’immense parvis. Le mot même, parvis, est dérivé de paradis : encore une question de mérite.
Seuls les superlatifs la peuvent définir. Elle est de ces objets que l’homme a créés pour faire croire en Dieu ; donc, elle est la plus grande (en fait la troisième au monde), la plus haute, la plus impressionnante. Ce n’est rien de dire que l’intérieur, lui aussi, est massif. Ce n’est rien, et c’est surtout, insuffisant. La grande Mosquée, c’est trois cent mille tonnes de béton, vingt-cinq mille tonnes de marbre, cinquante millions d’heures de travail, dix mille artisans et trois mille ouvriers.
Un ingénieux (et tout à fait typique) système architectural de paliers mène progressivement l’œil vers la plafond : toute une série de courbes élégantes pour adoucir d’irrésistible et impressionnante verticalité. De plus, les matières et les teintes se mélangent harmonieusement : la marqueterie au marbre, le marbre à l’albâtre.
Rien de brusque ni d’ostentatoire : il ne s’agit pas d’écraser l’individu mais de le flatter, de l’attirer, de l’envouter en exécutant pour lui cette danse immobile de la pierre et du bois.
Au-dessus de chaque porte, une coquille Saint Jacques vient rappeler les connexions historiques entre l’Islam et la Chrétienté. Des symboles judaïques rendent un discret hommage aux frères sémites. Il n’est pas question de convertir mais d’inspirer, pas de convaincre mais d’intriguer. D’où l’accès autorisé aux non-musulmans. D’où ces rappels d’un œcuménisme du cœur qui mêle les trois grandes religions monothéistes. Nous nous trouvons dans un espace de réconciliation et de partage où un même Dieu peut prendre différentes formes et mener à des célébrations différentes. Il n’est pas de vérité ultime et unique en terre de religion.

Il convient d’ajouter l’existence, face à la Mosquée même, d’un modeste mais judicieux musée où sont déclinés les artisanats traditionnels convoqués pour l’édification : tadelakt, l’art de la chaux ; azzawwaq, art de la peinture sur bois ; al kharrat, l’art des essences de bois ; annaquach, l’art de la marqueterie ; dinanderie, l’art du cuivre, du maillechort et de l’argent. Quelques explications sont fournies sur les matériaux et les techniques et l’on peut voir, de beaucoup plus près, des exemples de travaux d’art qui ont été réalisés.
Juste en face de la grande Mosquée Hassan II, la résidence moderne se nomme Gatsby : c’est magnifique !

Photos : Alain Girodet, tous droits réservés
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