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Cinéma : ‘Deux pianos’ : une partition cinématographique avec beaucoup de bémols

Arnaud Desplechin mêle regrets et musique dans un Lyon vibrant, mais peine à trouver son crescendo.

Synopsis : « Mathias Vogler rentre en France après un long exil. La mentore de sa jeunesse, Elena, souhaite qu’il donne une série de concerts au piano à ses côtés à l’Auditorium de Lyon. Mais dès son retour, une rencontre avec un enfant qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, son double, plonge Mathias dans une frénésie qui menace de le faire sombrer, et le mènera à Claude : son amour de jeunesse. »

Arnaud Desplechin, avec Deux Pianos, s’attaque aux amours impossibles et aux regrets, ces notes mélancoliques qui hantent une vie, mais livre un récital bancal, plus exaspérant qu’envoûtant. Le film, porté par une ambition romanesque, promet un voyage poignant dans les méandres du cœur et de l’art, mais s’enlise dans un scénario emberlificoté et une lenteur qui, trop souvent, frôle l’ankylose. On y suit Paul (François Civil), pianiste virtuose au bord de l’effondrement, rattrapé par un passé amoureux et artistique, où se croisent une ancienne flamme (Nadia Tereszkiewicz) et une mentore impériale (Charlotte Rampling). L’idée est belle : tisser une fresque où la musique, Bach et Chopin en tête, devient le miroir des âmes fracturées. Pourtant, l’exécution patine, comme un pianiste qui rate ses gammes. Le sujet des amours impossibles, fil rouge du cinéma de Desplechin, porte ici une charge émotionnelle indéniable. Les regrets de Paul, ses choix manqués, ses passions avortées, résonnent comme une sonate inachevée. On sent l’envie de fouiller les silences entre les notes, les instants où le cœur hésite entre battre et se taire. Mais le film, à force de vouloir tout dire, s’égare dans une narration alambiquée. Les allers-retours entre passé et présent, les coïncidences trop commodes, les dialogues parfois sentencieux donnent l’impression d’un puzzle mal assemblé. À trop vouloir jouer sur plusieurs partitions telles que le drame intime, la quête artistique, la nostalgie, Deux Pianos perd en clarté et en force. Ses près de 2h semblent s’étirer à l’infini, le rythme s’effilochant dans des scènes contemplatives qui, loin de captiver, endorment. Les personnages, hélas, ne viennent pas rattraper cette dérive. François Civil, omniprésent sur les écrans français, semble ici à la peine. Son Paul, censé incarner un génie torturé, reste étrangement fade, comme si l’acteur, prisonnier de sa « gueule » charismatique, peinait à disparaître dans un rôle de composition. Le drame pur, celui qui demande de creuser les fêlures, n’est peut-être pas son terrain de jeu. Ses regards tourmentés, ses silences appuyés frôlent parfois la pose, sans jamais transpercer. Face à lui, Nadia Tereszkiewicz, en héroïne romantique, s’en sort avec plus de grâce. Son personnage, bien que sous-écrit, dégage une fragilité touchante, une lumière qui vacille mais ne s’éteint pas. Elle fait ce qu’elle peut pour exister dans l’ombre du protagoniste, et on regrette que le scénario ne lui donne pas plus d’éclat. Un rayon de soleil, toutefois, illumine ce tableau inégal : Charlotte Rampling. Elle est convaincante en diva virtuose du piano. Ses regards, gestes et mots portent le poids d’une vie entière. Elle incarne une autorité douce, une sagesse blessée, et vole la vedette sans effort. Ses scènes, où la musique devient un langage universel, sont les plus vibrantes du film, celles où l’on sent véritablement le pouls de l’histoire. Et puis, il y a Lyon. Desplechin filme la ville avec une tendresse palpable, ses quais, ses ruelles, ses parcs et squares, ses lumières dorées. Elle devient un personnage à part entière, un écrin mélancolique qui soutient l’atmosphère du film. Les plans sur la Saône, les façades ocre, les passages secrets confèrent une âme au récit, une ancre dans un chaos narratif. Deux Pianos n’est pas un désastre mais son souffle s’essouffle, ses personnages ne nous habitent pas, et son lyrisme tortueux sonne un peu faux.

‘Deux pianos’ de Arnaud Desplechin, Avec François Civil, Nadia Tereszkiewicz, Charlotte Rampling, Hippolyte Girardot
durée 1h55
Sortie 15 octobre 2025

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