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Cinéma : « Emmanuelle » : un film érotique en 2024 ? un défi transformé avec une Noémie Merlant hypnotique

Audrey Diwan nous propose un film esthétique et épuré, cérébral, à l’ambiance feutrée qui marque par sa singularité

Synopsis : « Emmanuelle est en quête d’un plaisir perdu. Elle s’envole seule à Hong Kong, pour un voyage professionnel. Dans cette ville-monde sensuelle,
elle multiplie les expériences et fait la rencontre de Kei, un homme qui ne cesse de lui échapper
. »

« Emmanuelle« , c’est un film iconique des années 1970, il a fait la gloire de Silvia Kristel, actrice et mannequin tout comme Noémie Merlan dans le rôle titre 2024. Le film de 1974, comme celui de 2024 est tiré du roman éponyme d’Emmanuelle Arsan, alias Marayat Bibidh, une romancière d’origine thaïlandaise de la haute société née à Bangkok en 1932. Elle a écrit son roman autobiographique à grand succès en 1959.
La production prévient qu' »avec ce film, Audrey Diwan nous livre une libre adaptation du roman d’Emmanuelle Arsan et pose un regard féminin sur la quête intime de celle dont le prénom évoque encore aujourd’hui l’un des personnages les plus sulfureux du cinéma. » Le ton et l’objectif sont donnés. Ici on ne fera aucune comparaison avec le film de 1974 ni même avec le roman ; on vient déjà suffisamment de donner pour Le comte de Monte Cristo.
Alors plaçons nous sous l’œil du novice qui s’interroge sur ce qu’est un film érotique au XXIe siècle, plus propice à nous placer des limites d’âge pour autoriser la violence ou le sexe sont exprimés trop crûment au cinéma plutôt que faire dans la dentelle. C’est là qu’on comprend déjà qu’Audrey Diwan fait le pari de se lancer dans un genre qui risque de paraître un peu désuet : l’évocation du sexe sans être trop explicite ou démonstratif, qui plus est en adaptant un livre qui se passe dans les années 50, au temps du patriarcat et à l’aube de la libération sexuelle. On est bien loin du genre et de cette époque aujourd’hui. Alors c’était un pari périlleux. Mais un pari qui s’avère magistralement réussi. D’abord parce qu’Audrey Diwan a totalement recentré le sujet sur le ressenti de son héroïne, plus que sur l’objet sexuel qui peut transparaître de l’œuvre littéraire originale et son adaptation cinématographique initiale. Et puis, en conséquence parce qu’elle a fait le choix de tout miser sur une actrice, Noémie Merlant, très convaincante de par son charme et son jeu naturels, tout à fait déconcertants qu’il s’agisse d’être insolente, curieuse, ou séduisante. Il y a aussi le choix judicieux de Noami Watts, qui apporte avec elle toute l’ambiguïté de ses incarnations antérieures dans des thrillers psychologiques, de Mulholland Drive de David Lynch à la série Netflix Gypsy, dont malheureusement la poursuite a été abandonnée. Sa scène clé, une explication sur la façon dont elle gère son hôtel de luxe au son de la musique, est épatante. Avec Emmanuelle, on va découvrir un chemin initiatique sur la quête de plaisirs et l’interrogation de ses désirs. Audrey Diwan prend tout le temps de créer une atmosphère, de s’attarder sur des expressions. Il y a une lenteur certaine, bien travaillée, feutrée ou dépouillée, souvent éthérée, qui nous met hors du temps et nous scotche au fond du fauteuil (capitonné et en velours rouge, bien sûr). Un rythme qu’on pourrait trouver ennuyeux ou désuet, mais qui donne en réalité une vrai profondeur au film, et captive. Il n’y aucune tentative de se remettre dans le bain des années 70, le film est totalement contemporain comme l’atteste la technologie : ordinateurs portables, et même le Samsung flip dernier cri d’Emmanuelle. À vrai dire, le film a un côté féministe tout à fait moderne. Les plans sont très serrés, tout est travaillé, postures et gestes pour nous offrir une Noémie Merlant parfaitement class et sexy. L’esthétisme est au rendez-vous, les lumières sont bien étudiées, au début plutôt froides, ancrée sur l’intérieur (un palace à Bangkok) pour progressivement s’ouvrir sur des éclairages plus naturels et plus élargis sur l’extérieur (la ville populeuse). On peut y voir une allégorie du parcours initiatique de l’héroïne. L’ambivalence d’Emmanuelle est palpable, toute en retenue ou au contraire audacieuse. C’est lent, c’est intimiste, mystérieux aussi du début à la fin. On imagine pourtant déjà les critiques de type : « il ne se passe rien » pour ceux qui sont moins sensibles aux ambiances et à la suggestion qu’aux scénarios à intrigues trépidantes et scènes choc, ou encore ceux qui espèrent un remake musclé du film de 1974. Il n’y a pas de scènes osées au sens cru limite pornographique et ça va en décevoir certains qui font l’amalgame avec le genre érotique. Justement c’est ça qui est osé, le thème est exploré sur le mode cérébral intimiste. Audrey Diwan et l’impressionnante Noémie Merlant redonnent ainsi au genre de belles lettres de noblesse, axées sur le mystère, la quête, l’interrogation de soi et la langueur, sans jamais la moindre trace de vulgarité. C’est hot, mais pas là où on l’attend. Déroutant, élégant et beau tout à la fois.


« Emmanuelle » d »Audrey Niwan avec Noémie MERLANT, Naomi WATTS, Will SHARPE, Jamie CAMPBELL BOWER, Anthony WONG, Chacha HUANG – Durée : 1h45 – Sortie : 25/09/2024

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