Cinéma : « Yannick », un spectateur qui en veut pour son argent
Quentin Dupieux a écrit et réalisé cette comédie dramatique. Pour la « vieille » génération, on connaît ce presque cinquantenaire surtout pour sa production de musique électronique sous le nom d’artiste Mr. Oizo, et son hit intitulé House Flat Beat qui a fait un carton en 1999, et a été suivi de nombreuses productions et collaborations musicales internationales. En parallèle et depuis l’enfance, Quentin Dupieux filme, au départ avec des caméscopes, en amateur. La musique et la caméra se rencontrent quand le DJ Laurent Garnier lui propose de réaliser le clip de l’un de ses morceaux. Côté films, Quentin Dupieux a à son actif une vingtaine de productions hétéroclites, toujours originales et souvent teintées d’humour noir, réparties de façon égale entre courts et long métrages sur une vingtaine d’années.
L’intrigue
Le héros, Yannick, est un banlieusard (originaire de Melun), de son état gardien de nuit dans un parking, venu à Paris aux Bouffes Parisiens pour assister à une représentation d’une pièce de théâtre, un vaudeville intitulé Le Cocu. On comprend très vite et facilement qu’il est venu se changer les idées et s’évader de son quotidien pas forcément très gai. On plonge directement avec lui devant la scène où évoluent trois acteurs dans une salle à moitié vide. Mais Yannick est déçu. La pièce ne lui plaît pas, et l’interprétation non plus. Yannick intervient pour se plaindre de la qualité du spectacle, avant d’être embarqué vers la sortie, et moqué par les spectateurs et comédiens. Il revient en colère et ,armé, prend la salle en otage. Il parviendra à réécrire la pièce, et à la faire jouer par les comédiens, avec un franc succès auprès des spectateurs.
Intrusion disruptive
L’originalité du scénario tient en son début à l’intervention inattendue d’un spectateur auprès des comédiens sur scène, avec lesquels il n’est censé en aucun cas interagir. Le cinéma a déjà utilisé ce type de péripétie disruptive, qui apporte toujours une espèce de quatrième dimension à une histoire. On ne va pas énumérer tous les antécédents cinématographiques mais citons à titre d’exemple, un bien vieux film de Woody Allen, datant de 1985 : La rose pourpre du Caire, avec Jeff Daniels et Mia Farrow. Dans ce film, une fan inconditionnelle d’un film va voir en boucle au cinéma son film fétiche. Lors d’une séance, le héro du film crève l’écran au sens littéral du terme, pour aller la chercher et l’embarquer dans le film.
Du mépris
Quels sont donc les messages de ce film court, qui dure à peine plus d’une heure ? On peut y voir la critique de la bienséance et des conventions mais aussi celle du mépris visant certaines classes sociales, ce qui est susceptible de générer des mouvements sociaux. Dans ‘Yannick’, on peut avoir l’impression de vivre un mouvement social, la révolte d’une classe sociale non prise en compte, méprisée, qui se bat pour faire passer ses revendications, et ici, use de la force pour se faire entendre. Yannick en veut pour son argent, il n’estime pas avoir ce pour quoi il a payé.
Dans son exercice de réécriture de la pièce qui ne lui a pas plu, Yannick prend à parti les spectateurs. Au final, il parviendra à les ramener à sa cause sur la pièce réécrite, alors que ces spectateurs sont pris en otage. Une prouesse s’il en est, qui n’était pas gagné car Yannick n’est pas un littéraire voué à écrire des pièces de théâtre.
Finalement, on peut voir ce film comme une fable sociale, qui remet en cause le positionnement de chacun dans son rôle social, face à l’éthique, la morale, et les classes sociales, et la difficulté de se faire entendre d’une classe à l’autre
Interrogé par Le Parisien le mois dernier, le réalisateur Quentin Dupieux réagit au franc succès de son film (200 000 entrées en 3 semaines : « Avec ‘Yannick’, j’aborde le rapport des gens au divertissement, le fait qu’ils attendent de la légèreté car l’époque n’est pas marrante et la fonction du spectacle qui devrait être de les aider à oublier leurs problèmes »
Une bonne définition d’un film populaire ?
Yannick, un film de et par Quentin Dupieux, avec Raphael Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin – Date de sortie : 2 août 2023 – Durée : 1h07
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