BiaisDebunkDésinformationEsprit critiquePsychologieScienceSciences comportementales

Déni de science : Pourquoi cela arrive et 5 choses que vous pouvez y faire

Par Barbara K. Hofer , Pr émérite de Psychologie, Middlebury, et Gale Sinatra, Pr d’Éducation et de Psychologie, University of Southern California

Le déni de science est devenu mortel en 2020. De nombreux dirigeants politiques n’ont pas soutenu ce que les scientifiques savaient être des mesures de prévention efficaces. Au cours de la pandémie, des personnes sont mortes du COVID-19 en croyant qu’il n’existait pas.

Le déni de la science n’es évidemment pas nouveau. Mais il est plus important que jamais de comprendre pourquoi certaines personnes nient, doutent ou résistent aux explications scientifiques, et ce qui peut être fait pour surmonter ces obstacles à l’acceptation de la science.

Dans notre livre « Science Denial : Why It Happens and What to Do About It », nous vous proposons des moyens de comprendre et de combattre ce problème. En tant que psychologues chercheuses toutes les deux, nous savons que tout le monde est susceptible d’être confronté à certaines formes de déni. Mais nous savons surtout qu’il existe des solutions.

Voici nos conseils sur la façon d’affronter cinq défis psychologiques qui peuvent conduire au déni de la science.

Défi n° 1 : l’identité sociale

Les personnes sont des êtres sociaux et ont tendance à s’aligner avec ceux qui ont des croyances et des valeurs similaires. Les médias sociaux amplifient les alliances. Vous êtes susceptible de voir davantage de choses pour lesquelles vous êtes déjà d’accord et moins de points de vue alternatifs. Les gens vivent dans des bulles d’information créées par de puissants algorithmes. Lorsque les membres de votre cercle social partagent des informations erronées, vous êtes plus susceptible de les croire et de les partager. Les fausses informations se multiplient et le déni de science se développe.

Action n° 1 : Chaque personne a des identités sociales multiples. L’une de nous a discuté avec un négationniste du changement climatique et a découvert qu’il était également grand-parent. Il s’est ouvert en pensant à l’avenir de ses petits-enfants, et la conversation s’est orientée vers des préoccupations économiques, à l’origine de son déni.
Ou peut-être qu’une personne hésite à se faire vacciner parce que les mères du groupe de jeu de son enfant le font aussi, mais elle est aussi une personne bienveillante, préoccupée par les enfants immunodéprimés…

Nous avons constaté qu’il est efficace d’écouter les préoccupations des autres et d’essayer de trouver un terrain d’entente. Une personne avec laquelle vous vous sentez en phase est plus persuasive que celle avec laquelle vous avez moins de points communs. Lorsqu’une identité bloque l’acceptation de la science, tirez parti d’une deuxième identité pour établir un lien.

Défi n°2 : Les raccourcis mentaux

Tout le monde est occupé, et il serait épuisant d’être de grands penseurs vigilants en permanence. Vous voyez un article en ligne avec un titre putaclic tel que « Mangez du chocolat et vivez plus longtemps » et vous le partagez, parce que vous supposez qu’il est vrai, que vous voulez qu’il le soit ou que vous le trouvez ridicule.

Action n° 2 : Plutôt que de partager cet article expliquant à quel points les OGM ont des effets néfastes sur la santé, apprenez à ralentir et à contrôler les réactions rapides et intuitives que le psychologue Daniel Kahneman appelle le système de pensée 1. Au lieu de cela, activez l’esprit rationnel et analytique du système 2 et demandez-vous : comment puis-je savoir si c’est vrai ? Est-ce plausible ? Pourquoi est-ce que je pense que c’est vrai ? Puis vérifiez les faits. Apprenez à ne pas accepter immédiatement les informations auxquelles vous croyez déjà, ce que l’on appelle le biais de confirmation.

Défi n° 3: Croyances sur ce que vous savez et la façon dont vous le savez

Chacun a son idée sur ce que sont les connaissances, leur origine et à qui faire confiance. Certaines personnes pensent de manière binaire : Il y a toujours un bien et un mal. Mais les scientifiques considèrent que l’incertitude est une caractéristique de leur discipline. Certaines personnes peuvent ne pas comprendre que les affirmations scientifiques changent au fur et à mesure que l’on recueille des preuves. Elles peuvent donc se méfier de la façon dont la politique de santé publique a évolué autour de la COVID-19.

Les journalistes qui présentent les « deux côtés » des accords scientifiques établis peuvent, sans le savoir, persuader les lecteurs que la science est plus incertaine qu’elle ne l’est en réalité, transformant l’équilibre en parti pris.Seuls 57 % des Américains interrogés acceptent que le changement climatique soit causé par l’activité humaine, contre 97 % des climatologues, et seuls 55 % pensent que les scientifiques sont certains que le changement climatique a bien lieu.

Action n° 3 : Reconnaissez que d’autres personnes (ou peut-être même vous) peuvent avoir des croyances erronées sur la science. Vous pouvez les aider à adopter ce que le philosophe des sciences Lee McIntyre appelle une attitude scientifique, c’est-à-dire une ouverture à la recherche de nouvelles preuves et une disposition à changer d’avis.

Reconnaissez que très peu de personnes se fient à une seule autorité en matière de connaissances et d’expertise. L’hésitation vaccinale, par exemple, a été combattue avec succès par des médecins qui contredisaient de manière convaincante des croyances erronées, ainsi que par des amis qui expliquaient pourquoi ils avaient changé d’avis. Les membres du clergé peuvent se manifester, par exemple, et certains ont proposé des lieux de culte comme centres de vaccination.

Défi n° 4 : Raisonnement motivé

Vous ne penseriez peut-être pas que l’interprétation d’un simple graphique puisse dépendre de vos opinions politiques. Pourtant, lorsqu’on a demandé à des personnes de regarder les mêmes graphiques représentant soit les coûts du logement, soit l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère au fil du temps, les interprétations différaient selon l’affiliation politique. Les conservateurs étaient plus susceptibles que les progressistes de mal interpréter le graphique lorsqu’il représentait une hausse du CO2 que lorsqu’il montrait les coûts du logement. Lorsque les personnes ne raisonnent pas seulement en examinant les faits, mais avec un préjugé inconscient pour arriver à une conclusion préférée, leur raisonnement est faussé.

Action n° 4 : Vous pensez peut-être que la consommation d’aliments provenant d’organismes génétiquement modifiés est nuisible à votre santé, mais avez-vous vraiment examiné les preuves ? Regardez les articles contenant des informations pour et contre, évaluez la source de ces informations et soyez ouvert(e) aux preuves qui penchent dans un sens ou dans l’autre. Si vous vous donnez le temps de réfléchir et de raisonner, vous pouvez court-circuiter votre propre raisonnement motivé et ouvrir votre esprit à de nouvelles informations.

Défi n° 5: Émotions et attitudes

Lorsque Pluton a été rétrogradé au rang de planète naine, de nombreux enfants et certains adultes ont réagi avec colère et opposition. Les émotions et les attitudes sont liées. Les réactions à l’idée que les humains influencent le climat peuvent aller de la colère (si vous n’y croyez pas) à la frustration (si vous craignez de devoir modifier votre mode de vie), en passant par l’anxiété et le désespoir (si vous admettez que cela se produit mais pensez qu’il est trop tard pour arranger les choses). Vos sentiments à l’égard de l’atténuation du changement climatique ou de l’étiquetage des OGM correspondent à votre position pour ou contre ces politiques.

Action n° 5 : Reconnaissez le rôle des émotions dans la prise de décision concernant la science. Si vous réagissez fortement à un article sur les cellules souches utilisées pour développer des traitements contre la maladie de Parkinson, demandez-vous si vous n’êtes pas trop optimiste parce que vous avez un parent qui en est aux premiers stades de la maladie. Ou êtes-vous en train de rejeter un traitement qui pourrait sauver des vies à cause de vos émotions ?

Les sentiments ne doivent pas (et ne peuvent pas) être mis dans une case distincte de la façon dont vous pensez à la science. Au contraire, il est important de comprendre et de reconnaître que les émotions sont des moyens totalement intégrés de penser et d’apprendre les sciences. Demandez-vous si votre attitude à l’égard d’un sujet scientifique est basée sur vos émotions et, si c’est le cas, donnez-vous le temps de réfléchir, de raisonner et de ressentir la question.

Tout le monde peut être sensible à ces cinq défis psychologiques qui peuvent conduire au déni de la science, au doute et à la résistance. Prendre conscience de ces défis est le premier pas vers la prise de mesures pour les relever.

Traduction : Citizen4Science sur la base de l’article original

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
20 − 12 =