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Déontologie et éthique médicale : un tournant dans l’expression publique des médecins en France

Une décision du Conseil d’État rendue le 19 septembre 2025 inflige un blâme à un médecin pour une tribune controversée dans l’affaire Vincent Lambert, soulignant l’importance croissante de l’éthique et de la déontologie dans l’expression publique des praticiens. Ce cas marque une évolution vers une régulation plus stricte, loin de l’idée d’une profession intouchable, et s’inscrit dans une tendance récente à saluer pour sa rigueur.

La tribune révélatrice de 2018 dans l’affaire Vincent Lambert

L’affaire qui focalise l’attention concerne un médecin impliqué dans le débat autour de Vincent Lambert, patient en état végétatif dont l’interruption des soins a divisé la société française. En avril 2018, ce praticien a co-signé une tribune dans Le Figaro intitulée « L’appel de 70 médecins : il est manifeste que Vincent Lambert n’est pas en fin de vie », où il dénonçait avec des termes qualifiés d’« agressifs » et d’« accusatoires » les décisions de l’équipe médicale du CHU de Reims. Précisons d’emblée que le titre est trompeur, avec une grande proportion de non médecins dans les signataires (paramédicaux voire secrétaire médicale), un stratagème hélas fréquent dans les médias pour donner plus de poids à une tribune.
Accusant ses confrères de « maltraitance sur personne vulnérable » et d’« abandon thérapeutique » assimilé à de l’euthanasie, il a suscité une polémique intense, mêlant débat éthique et attaques personnelles. Le Conseil d’État, après une procédure disciplinaire, a rendu une décision le 19 septembre 2025, infligeant un blâme au médecin. La cour a estimé que ces propos, bien que publiés dans un contexte de débat public, violaient l’article R. 4127-56 du code de la santé publique, qui exige des praticiens une retenue dans leurs déclarations publiques, surtout lorsqu’elles visent des confrères. Cette sanction, mesurée mais significative, souligne que l’expression publique des médecins doit respecter des cadres déontologiques stricts, même dans des affaires aussi sensibles.

Conseil d’État : un arbitrage entre liberté d’expression et déontologie

La décision du Conseil d’État s’appuie sur une analyse détaillée, reconnaissant le droit du médecin à participer au débat public, mais soulignant que ses « accusations graves à l’égard de confères, préciséments désignés » dépassaient les limites de la critique légitime, avec « usage de termes très agressifs ». pour le médecin condamné, à l’égard de confrères désignés de façon précise.
La tribune sur la sellette accuse l’équipe du centre hospitalier universitaire de Reims de « conditions de vie (…) aussi incompréhensibles qu’inadmissibles » qui « s’apparentent à une incarcération prolongée, indigne de provoquer la mort d’un homme », de prise en charge qualifiée d' »abandon thérapeutique et maltraitance sur personne vulnérable », et de pratique d' »euthanasie qui ne dit pas son nom ». Le Conseil précise que la tribune, en désignant nommément des collègues et en employant un langage jugé excessif, portait atteinte à la dignité de la profession et à la confiance des patients. Il Cette interprétation reflète une volonté de concilier la liberté d’expression avec les obligations éthiques, un équilibre délicat dans une société où les affaires médicales polarisent.
Le blâme, bien que léger, tranche avec une perception historique d’une profession médicale parfois perçue comme autosuffisante. En validant cette sanction, le Conseil d’État affirme que les médecins ne sont pas au-dessus des lois, mais soumis à des règles déontologiques applicables à tous, renforçant ainsi la responsabilité individuelle des praticiens dans leurs prises de parole.

Évolution dans l’éthique médicale : au-delà du corporatisme

Cette décision s’inscrit dans un mouvement plus large de renforcement de l’éthique médicale au-delà des critiques souvent adressées au corporatisme. Si l’Ordre des médecins a longtemps été vu comme un rempart protégeant ses membres, les récentes évolutions montrent une volonté de réguler les comportements, y compris dans l’espace public. L’affaire Lambert illustre cette transition : elle ne vise pas à protéger une caste, mais à garantir que les discours médicaux respectent des standards éthiques, notamment en évitant les jugements hâtifs ou les attaques personnelles. Un exemple récent de décision disciplinaire renforce cette tendance, objet d’un article dans ces colonnes : un médecin anesthésiste de l’Est de la France en croisade « anti-Raoult » au sein de clans radicalisés sur les réseaux sociaux a été condamné à une interdiction d’exercice pour des manquements graves à la déontologie sous forme de propos agressifs et choquants sur le réseau social X (ex Twitter). Cette sanction, prononcée par l’Ordre des médecins, illustre une montée en puissance de la régulation éthique, visant à aligner les pratiques sur des bases objectives plutôt que sur des intérêts professionnels ou sectoriels.

Aspect connexe d’instrumentalisation politique de la science

Dès qu’il est question de fin de vie, comme dans le débat récent sur la loi française sur l’aide active à mourir votée en 2025, un sujet récurrent émerge : certains médecins instrumentalisent politiquement la science, ici pour confisquer un sujet sociétal en le faisant passer pour uniquement médical, là pour défendre une position motivée en réalité par des convictions religieuses. Par exemple, des médecins ont parfois rejeté les avancées législatives, arguant que la vie doit être préservée à tout prix, au détriment d’une approche strictement médicale ou scientifique. Dans l’affaire Lambert, bien que la tribune ne mentionne pas explicitement une motivation religieuse, la virulence des termes utilisés pourrait refléter une posture idéologique, potentiellement influencée par des convictions personnelles plutôt que par des données cliniques. Cette instrumentalisation, qu’elle soit politique ou motivée par la religion, pose un défi éthique : elle risque de brouiller la frontière entre expertise médicale et militantisme, un point que le Conseil d’État semble vouloir encadrer par des sanctions déontologiques.

Une avancée pour la confiance publique et l’éthique médicale

La rigueur déontologique illustrée par la décision de blâme du Conseil d’tat est une avancée majeure pour restaurer la confiance des patients dans une profession parfois critiquée pour son opacité. L’affaire Lambert, marquée par des années de controverses judiciaires, a révélé les risques d’une expression médicale non encadrée, susceptible d’alimenter des désinformations ou des tensions sociales. En sanctionnant un médecin pour des propos non fondés, le Conseil d’État pose un précédent qui pourrait inciter à une plus grande prudence dans les médias, un espace où les prises de position influencent fortement l’opinion. Prospectivement, cette évolution pourrait mener à des codes déontologiques plus précis, notamment sur l’usage des réseaux sociaux et des tribunes, où les médecins sont de plus en plus actifs. L’Ordre des médecins a entamé la publication de textes à cet effet. Elle pourrait aussi encourager une formation renforcée à l’éthique, permettant aux praticiens de concilier leur rôle d’experts avec leurs devoirs publics. Si cette régulation risque de limiter certaines libertés, elle garantit une médecine plus responsable, où l’éthique prime sur l’idéologie.

Un nouvel horizon pour la déontologie médicale

La sanction dans l’affaire Lambert, associée à des cas comme celui de l’anesthésiste de l’Est interdit d’exercice temporairement, marque un tournant dans l’évolution du respect de la déontologie médicale en France. Elle réaffirme que les médecins, loin d’être au-dessus des lois, sont tenus à des standards éthiques stricts, même dans leurs expressions publiques. En s’appuyant sur de telles décisions, il est possible d’envisager un avenir où la profession s’adapte à une société exigeante, privilégiant la transparence et la rigueur, et en évitant l’instrumentalisation politique la science. Cette mutation, bien que complexe, pose les bases d’une médecine plus alignée sur les besoins des patients et les exigences éthiques du XXIe siècle.

Illustration d’en-tête : façade du Conseil d’État

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