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Des tribunes politiques collectives appellent à voter pour un candidat à la présidentielle : qui, pourquoi, quel impact ?

Suite au résultat du 1er tour de l’élection présidentielle, différents groupes de personnes se sont réunies pour révéler leur futur vote et influencer le choix des citoyens pour le 2e tour. Ces tribunes politiques n’émanant pas toujours de politiques et semblent relever d’objectifs sensiblement différents. Revue.

Remarque préliminaire : nous avons sélectionné les tribunes collectives et non les tribunes individuelles qui relèvent d’un avis personnel assumé.

12 avril : une cinquantaine de SPORTIFS appellent au vote Macron

Comment l’articulation Sport-position politique est-elle faite ?

« Le sport auquel nous croyons, celui des valeurs de l’olympisme, est fait d’amitié et de respect ; il est le lieu de la mixité. Il refuse toutes les discriminations. Partout sur le territoire, dans nos villes, nos banlieues et nos campagnes, le sport est un remède puissant à l’exclusion. »

« le vote pour un parti qui mettrait en danger les valeurs républicaines serait le pire des remèdes ». Ils appellent à « faire barrage à l’extrême droite » en votant pour Emmanuel Macron au deuxième tour.

Ainsi ces sportifs considèrent que le projet de Mme Le Pen est contraire aux valeurs sportives d’inclusion. Cela reste très politique et général, mais on ne peut nier l’articulation d’un argumentaire.

14 avril : 220 SPORTIFS appellent à voter Macron

On retrouve le même argumentaire que dans la tribune précédente, avec en plus un commentaire sur le programme de Marine Le Pen : « Dans le projet du Rassemblement National , les mesures pour le sport se focalisent uniquement sur les clubs « devenus de véritables officines de recrutement tant pour l’extrémisme religieux que pour la délinquance ». »

14 avril : 500 « intellectuels de gauche » annoncent voter Macron

Nous ne rentrerons pas ici dans les détails, ni ne rechercheront une quelconque articulation, ces citoyens engagés politiquement s’expriment dans leur registre.

15 avril : 500 ARTISTES annoncent voter Macron

 Ils dénoncent le programme de « la xénophobie et du repli sur soi » de Marine Le Pen.

« Rien dans le programme de Marine Le Pen ne nous rapproche de l’histoire de la France résistante, humaniste, généreuse et ouverte sur le monde »
« Demain, nous n’osons imaginer ce que deviendrait la culture au sein de notre pays si c’était elle que le suffrage désignaitNous ne pouvons imaginer, à la tête de la France, une candidate dont le programme reste celui de la xénophobie et du repli sur soi, une candidate qui a fait alliance avec des puissances totalitaires et bellicistes. »

Comment l’articulation Arts-position politique est-elle faite ?

La tribune est essentiellement politique et l’assume, elle parle d’histoire politique et de valeurs républicaines.
Le lien : tout cela fait les signataires s’inquiéter pour la culture, sans autre détail de la nature des craintes, c’est idéologique et assumé.

16 avril : 1 000 ACTEURS DE LA SANTÉ appellent à voter Macron

La mobilisation est importante en nombre de signataires de la tribune, qui sont effectivement en très grande majorité des professionnels de santé et soignants, auxquels s’ajoutent quelques citoyens patients et quelques élus (donc politiques).

La tribune est pour partie politique « pure », mettant en avant que « le vote qui nous attend est un choix entre deux conceptions de la République », et axé sur la Santé.

Comment l’articulation Santé-position politique est-elle faite ?

Des éléments du programme Santé de Marine Le Pen sont critiqués : la suppression de l’Aide médicale d’État (AME) pour « la remplacer par un dispositif a minima pour prendre en charge les soins urgents »[…] ce qui mettrait en danger toute la population en favorisant la propagation de maladies infectieuses en apparence non urgentes ».

Est aussi critiqué le souhait de « stigmatiser les médecins et professionnels étrangers », car ils seraient « désignés comme intrus », mettant en outre en avant le fait que « 30 % des postes de médecins sont vacants à l’hôpital ».

Entre le poids du nombre de signataires, légitimes car effectivement tous acteurs terrain de la santé, et l’argumentation effective basée sur l’analyse des éléments pertinent du programme politique critiqué, cette tribune est crédible.

17 avril : les Secrétaires Généraux de la CFDT et de la CGT appellent à ne pas voter Le Pen

Dans le JDD

Là encore, nous ne rentrons pas dans les détails pour cette tribune collective de citoyens résolument engagés en politique et représentant leurs instances.

17 avril : 164 AVOCATS appellent à voter Macron

Dans le JDD également, côte à côte avec la tribune qui précédente.

Ici, une fois n’est pas coutume, nous avons une tribune d’experts du Droit, qui s’attaquent au programme de Marine Le Pen en matière de Droit. Ce collectif est donc dans son registre d’un point de vue technique, pour prendre une position politique.
Il critique le risque de l’instauration d’une « discrimination légale entre nationaux et étrangers » et donc la remise en cause de l’égalité de tous devant la loi, ainsi que l »instauration de peines plancher et la suppression de « toute possibilité de réduction et d’aménagement de peine » et le rétablissement de « la perpétuité réelle ».

Nous pourrions mettre cette tribune sur le même plan que celle des professionnels et acteurs de la santé : une position collective politique justifiée par le volet technique d’un programme qui concerne leur métier.

17 avril : 30 SOIGNANTS annoncent voter Macron

Libération :

À noter en préambule, le titre « Nous, soignants » est trompeur : un tiers des signataires de la liste ne sont pas soignants.

Le positionnement est d’emblée résolument idéologique : « Notre vote sera d’abord un combat contre l’exclusion, le sectarisme, l’intolérance, le racisme et la xénophobie, qui ne peut souffrir aucune abstention », avec évocation « du seul objectif qui nous semblera absolument prééminent le jour du vote : faire barrage à l’extrême-droite ».

S’ensuit une longue énumération de performances sur « notre combat contre le Covid ». Cet auto-plébiscite ne représente pas moins de la moitié de la tribune et où sont promues « nos expertises » nos valeurs », nos « combats », nous laisse à la lecture nous interroger sur son lien concret avec l’objet de la tribune, avant de se rendre que ce n’est pas un paragraphe de transition mais le « plat de résistance » du texte.

La troisième et dernière partie est une série d’attaques contre Marine Le Pen, mais son programme n’est jamais évoqué, Il s’agit d’une juxtaposition d’anecdotes dont la pertinence est douteuse : une phrase prononcée il y a 2 ans sur la gestion de la crise (donc au tout début de la pandémie), l’évocation d’un santon de Didier Raoult dans une crèche, une position sur les vaccins russes.

Comment l’articulation « Soignants-position politique est-elle faite ?

Elle n’est pas évidente en l’absence d’éléments factuels de critiques en lien avec le domaine des soins contre celle à qui la tribune s’oppose, Le texte se cantonne finalement à mettre en avant les performances de lutte anti-Covid d’un groupe présenté comme soignants/acteurs du terrain du soin, terme fort que le lecteur pourrait assimiler de façon erronée à l’expression de l’avis du monde des soignants – vu la composition disparate du groupe, c’est d’autant plus regrettable.
Mise à jour le 19 avril : un lecteur de notre article nous indique avoir signalé ce dernier problème auprès du journal, qui a rectifié l’information trompeuse. Il est important de savoir que les journaux sont tenus de corriger les informations incorrectes ou trompeuses de leurs articles, c’est un principe déontologique et ils s’exécutent diligemment sur demande. Encore faut-il, pour faire jouer ce droit de rectification en temps utile, que les auteurs fassent également leur job de relecture à parution, avant de relayer.

Cette dernière tribune apparaît donc, par contraste avec les autres, comme une curiosité avec un positionnement trompeur (« soignants »), un argumentaire lacunaire éclipsé par une mise en avant personnelle,

18 avril : une douzaine d’institutions mémorielles enjoignent au « vote républicain » (implicitement pour Macron)

Dans Libération, cette tribune regroupe notamment des associations et des musées, comme « Recherche et enseignement de la Shoah, « Amnésie internationale », « Centre national d’Oradour-sur-Glane ».

Ce collectif rappelle sa missio de « transmettre la mémoire des crimes contre l’humanité de notre histoire, qui voient monter à nouveau la xénophobie, le nationalisme, les racismes et l’antisémitisme, et le négationnisme. Avec leurs menaces contre les libertés et la paix civile au sein de la société française ».

« nous considérons qu’il relève de notre mission d’intérêt public de nous adresser à nos concitoyens pour leur dire qu’aujourd’hui l’histoire alerte le présent, et que le vote républicain et démocratique le 24 avril est le meilleur moyen d’éviter l’accès au pouvoir d’un régime intolérant et extrémiste et de ses dérives autoritaires et mortifères. »

Comment l’articulation « Organisations mémorielles-position politique est-elle faite ?

Ici c’est évident, l’articulation est naturelle puisqu’on peut considérer que les rappels historiques, la mise en garde voire l’incitation au vote pour un candidat émane directement de la mission statutaire de ces organisations.

Quelle est l’influence des tribunes appelant à un vote ?

L’Express s’est interrogé à ce sujet et a recueilli l’avis de Frédéric Darbi de l’IFOP, institut de sondage : pour lui, les tribunes ont une influence qui est « devenue extrêmement marginale ».

« Les campagnes de signature n’ont pas une impact fort sur les comportements des électeurs » a confirmé à L’Express Pascal Perrineau, politologue. Les élites et autres personnalités médiatiques sont « devenues source de méfiance ». « Il y a une crise de toutes les autorités », en particulier pour les artistes, explique Pascal Perrineau, considérant que ça peut mettre être « contre-productif pour Emmanuel Macron.

Visée politique, impact métier/mission, auto-promotion

  • des tribunes d’engagement politiques par des politiques, sans surprise et de « bonne guerre » ;
  • des tribunes de professionnels ou d’organisation dans leur domaine ou mission qui justifient factuellement leur choix de vote sur l’analyse d’un programme sur les aspects impactant leur métier/mission ;
  • des tribunes politiques où l’on se met copieusement et avantageusement en scène et qui semblent surtout relever d’un objectif de recherche de visibilité et d’auto-promotion, avec un argumentaire de fond négligé et le risque d’être contre-productives, du moins quant à l’objectif affiché.

Dans tous les cas, on l’a vu plus haut avec les investigations de L’Express, les tribunes sont de peu d’impact sur le vote lui-même.
Mais elles peuvent en avoir une sur la crédibilité et l’image des signataires.

article mis à jour le 19 avril

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