Autorités sanitairesBiaisDebunkDésinformationEsprit critiqueFact-checkingMédicamentsPensée critiquePharmacologiePolitique de santéPseudoscienceSantéSanté publiqueScience

Fact-checking d’une « analyse d’une controverse »sur l’homéopathie par les étudiants de Science Po Toulouse – Agrobiosciences – INRAE

Passons en revue cet article du 1er février intitulé « Dérembourser l’homéopathie : l’assurance de « se faire sucrer » ? »

La science n’est pas une opinion : épisode trouze mille

On démarre d’emblée en mettant le pied dans le plat avec ce piège dans lequel beaucoup tombent – il faut dire que les médias n’aident pas à faire la part des choses – à savoir que l’on met en balance l’avis scientifique sur la non efficacité de l’homéopathie avec le fait que beaucoup de citoyens sont convaincus que ça marche et l’utilise beaucoup

Une conviction n’est pas une preuve d’efficacité, c’est une opinion. Or la science et la médecine sont basées sur les preuves. Il en va de même de l’intensité de l’utilisation. Cette intensité n’est pas une preuve, ni proportionnelle à l’efficacité du produit utilisé.

Autre point, l’utilisation du mot « controverse ». Ici, on fait l’amalgame entre le consensus scientifique, qui est que l’homéopathie, ça ne fonctionne pas, et d’ailleurs, ne peut pas fonctionner vu les principes de préparation des produits homéopathiques qui ne contiennent aucun principe actif, et le consensus dans le sens opinion/avis d’une majorité, qui n’a rien à voir avec la science.

Un médicament DOIT contenir un principe actif pour être un médicament

Nos auteurs se posent une question existentielle à savoir pourquoi « l’usage » veut qu’on qu’on démontre une efficacité.

La réponse est simple : les médicaments et leur reconnaissance, ce n’est pas un « usage », c’est de la science et une réglementation très stricte qui permet d’éviter les poudres de perlimpinpin du type homéopathie.
La science du fonctionnement des médicaments et de leurs effets s’appelle la pharmacologie – c’est la matière principale étudiée pendant pas mal d’années par les pharmaciens pendant leurs études.

-  un principe actif, substance d’origine chimique ou naturelle caractérisée par un mécanisme d’action curatif ou préventif précis dans l’organisme,

-  des excipients, substances d’origine chimique ou naturelle qui facilitent l’utilisation du principe actif mais inertes (sans effet curatif ou préventif)

Les sciences pharmaceutiques et les médicaments n’ont ainsi rien à voir avec la pensée magique à laquelle semble faire appel les auteurs dans leurs questionnements ci-dessus, qui permettraient de financer des poudres de perlimpinpin par la société.

Les considérations de coût d’un médicament… oui, s’il s’agit bien d’un médicament

Voici encore un argument classique totalement nul et non avenu.

On peut bien sûr faire valoir un argument de coût ou de tarif pour un médicament. Mais seulement après avoir prouvé son efficacité, évalué le rapport bénéfice/risque pour la santé de ce médicament. Bref, après avoir déterminé qu’on parle bien d’un médicament et non d’une poudre de perlimpinpin.

Voilà un argument qui nous rappelle tristement 2 ans de crise sanitaire Covid avec les argumentaires des désinformateurs et complotistes ventant des « médicaments » pas cher ou moins chers que d’autres pour traiter le Covid,…. sauf que ces médicaments n’ont démontré aucune efficacité dans le Covid. Il s’agit bien sûr de la triste histoire de l’hydroxycholoroquine et de l’ivermectine. Ces produits pourraient même être gratuits, qu’on ne les valideraient pas comme médicaments pour le Covid.

Vient ensuite un nouvel argument qui témoigne du hors-sujet récurrent : la non compréhension de ce qu’est un médicament.

Il nous faut donc répéter que pour qu’un médicament soit un médicament, son efficacité doit être prouvée.

Ainsi, le sucre n’a pas d’effets secondaires, cela n’en fait pas un médicament. Et puis, manger trop de sucres n’est pas bon pour la santé donc il peut quand même y avoir des effets secondaires à l’ingestion massive de granules homéopathiques, si tant est que certains voudraient faire une indigestion de tubes de perlimpinpin.

Libertaaaaayyyy !! & …. opinion à nouveau

Ensuite, on a un plaidoyer qui est quand même le pompon :

Tout d’abord la récurrente notion de liberté, invoquée ces derniers temps à toutes les sauces. Au nom de la liberté, on devrait avoir le droit de s’assoir sur la science, la définition d’un médicament, son efficacité.
Et toujours cette omission de prise en compte de la nécessité d’une efficacité pour parler de médicaments, avant même d’orienter vers « des traitements plus sûrs ».

Et voilà qu’on nous propose que la décision d’autorisation des médicaments – et donc leurs remboursement – devrait tenir compte « des attentes et désirs des Français » même si c’est contraire à la science.

Et c’est reparti pour un tour d’indignation sur le fait que les médicaments doivent avoir une efficacité prouvée – on insiste lourdement.

« Que faire de l’effet placebo » nous assène-t-on comme un joker. Et bien l’effet placebo, on le mesure dès lors qu’on étudie l’effet d’un médicament scientifiquement, ce qui signifie qu’on en tient compte, et comme quel que soit le produit que l’on donne ou que l’on prend « en y croyant », il y a un effet placebo. Même avec un verre d’eau sans sucre.

Ultracrépitruc et dénialisme comme antichambre de la pseudoscience

On a vu que cet article démontre la méconnaissance de ce qu’est un médicament, de ce que sont les bases de son évaluation par les auteurs. Finalement, nous sommes face à des personnes qui dissertent sur un domaine qu’ils ne connaissent pas, avec des postulats et des démonstrations erronées, amenant à des pseudo-controverses.
C’est l’ultracrépidarianisme (« ultracrépitruc » dans le jargon de Citizen4Science) à savoir disserter hors de notre champ de compétence avec une sorte d’excès de confiance, car il se trouve que moins on en sait, plus on est sûr de soi (effet Dunning-Kruger).

La conclusion surprend malgré tout par sa lucidité :

Les auteurs reconnaissent finalement remettre en cause la notion même de santé, et fustigent « la prévalence de la médecine conventionnelle occidentale »

La médecine n’est pas « conventionnelle » ou « occidentale », la médecine est la médecine, et elle est basée sur les preuves, soumise au Code de la santé publique afin de protéger la santé justement et assurer la mise à disposition de médicaments qui ont prouvé leur efficacité.

L’obscurantisme rôde ici, est c’est très inquiétant, émanant d’étudiants Science Po au sein d’une institution publique scientifique comme l’INRAE !


Pour aller plus loin :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
24 ⁄ 8 =