ActualitésAnalyseFranceIslamismePolitiqueReligionSociologie

Frères musulmans en France : un rapport choc expose une menace protéiforme et polarise les débats

Un rapport gouvernemental de mai 2025 révèle l’entrisme insidieux des Frères musulmans en France, ciblant l’éducation, les municipalités et les réseaux associatifs. Ses conclusions, bien que saluées par certains, divisent profondément la classe politique et la société.

Le 21 mai 2025, un rapport intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France », examiné lors d’un Conseil de défense présidé par Emmanuel Macron, a jeté une lumière crue sur l’influence croissante des Frères musulmans dans l’Hexagone. Ce document de 76 pages, rédigé par deux hauts fonctionnaires, décrit une stratégie d’entrisme « par le bas », qualifiée de « subtile et providentialiste », qui infiltre les sphères éducatives, municipales et associatives. Incarnée notamment par Musulmans de France (ex-UOIF), cette mouvance hybride ses pratiques avec des courants fondamentalistes comme le salafisme ou le tabligh, tout en adoptant un double discours pour masquer ses objectifs antirépublicains. Relayé par Le Figaro, Public Sénat et d’autres médias, le rapport a suscité des réactions vives, révélant une société française divisée face à cette menace.

Une idéologie subversive et structurée

Le rapport définit le « frérisme » comme une idéologie héritée des Frères musulmans, fondée en 1928 en Égypte, et adaptée au contexte français sous l’influence de figures comme Youssef al-Qaradawi ou la famille Ramadan. Cette mouvance repose sur un double discours : un langage modéré en public, prônant solidarité et intégration, et une rhétorique rigoriste en privé, affirmant la suprématie de la loi coranique (« le Coran est notre constitution »). Le rapport identifie des pratiques antirépublicaines, comme l’infériorisation des femmes, l’antisémitisme religieux et la ségrégation des genres, véhiculées par un « cercle restreint » de militants assermentés.
Musulmans de France, principal relais national, forme la première délégation du Conseil des musulmans européen (CEM, ex-FOIE), organisation faîtière des Frères musulmans en Europe. Ce réseau tentaculaire, structuré depuis les années 1980 à Creil, s’appuie sur des associations satellites comme FEMYSO (jeunesse), le CEFR (théologique) ou Islamic Relief (humanitaire), et sur des financements opaques, notamment du Qatar via des fonds comme Al-Wakf, récemment dissous.

L’éducation et le social : des cibles prioritaires

L’éducation est un terrain privilégié pour les Frères musulmans. Le rapport met en garde contre des écoles privées confessionnelles et des initiatives culturelles qui promeuvent des valeurs contraires à la laïcité, comme le port du voile ou la séparation des genres. Ces structures, souvent soutenues par des financements étrangers, influencent une partie de la jeunesse, favorisant une « rigorisation » des pratiques religieuses. Le social, central dès la création de la confrérie, reste un vecteur clé, avec des réseaux de mosquées et des centres de formation de cadres religieux qui structurent des écosystèmes locaux puissants, particulièrement dans les années 2000.
Des organisations comme Europe Trust (financière) relaient cette influence, tandis que des figures comme Hassan Iquioussen, expulsé en 2022, ou des associations comme le CCIF, dissous en 2020 pour incitation à la haine, illustrent la continuité idéologique de la mouvance.

Un entrisme municipal alarmant

L’infiltration des municipalités, observée dans une vingtaine de départements, est une préoccupation majeure. Les Frères musulmans, via Musulmans de France, exercent une influence croissante sur les politiques locales, en obtenant des subventions pour des associations confessionnelles ou des créneaux horaires réservés dans des équipements publics (piscines, gymnases). Cet « islamisme municipal », qui a culminé dans les années 2000, repose sur une stratégie transactionnelle mêlant légitimation et rapport de force électoral. Des élus locaux, parfois sous pression, cèdent à ces dynamiques, fragilisant la neutralité de l’État.
Le rapport pointe également des stratégies de dissimulation, notamment via des sociétés civiles immobilières (SCI) et des financements étrangers, souvent en provenance du Qatar. Ces pratiques, opaques, compliquent la détection par les autorités.

Une réponse gouvernementale sous pression

Face à cette menace entriste, Emmanuel Macron a exigé des « propositions concrètes » d’ici juin 2025. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a annoncé la création d’un parquet administratif dédié aux dissolutions d’associations et la désignation d’un « chef de file » pour coordonner les efforts de renseignement. Le rapport recommande un contrôle accru des financements étrangers, une meilleure formation des élus locaux et une vigilance renforcée dans l’éducation et le sport. Il insiste sur un discours laïque renouvelé, accompagné de signaux positifs envers la communauté musulmane pour éviter les amalgames.
Cependant, le concept de « séparatisme » ne rend pas pleinement compte du caractère subversif du frérisme, qui vise non pas à marginaliser ses affidés, mais à transformer les institutions de l’intérieur sur une temporalité longue.

Un débat public polarisé

Le rapport a déclenché une vague de réactions, reflétant une société française profondément divisée. À droite, Jordan Bardella (RN) a appelé à interdire les Frères musulmans et à revoir la convention fiscale avec le Qatar, tandis que Xavier Bertrand (LR) a plaidé pour une « offensive républicaine ». Des sénateurs LR, comme Mathieu Darnaud et Dominique Estrosi Sassone, ont dénoncé une menace de « subversion » et annoncé un groupe de travail sénatorial. À l’inverse, Jean-Luc Mélenchon (LFI) a fustigé une « islamophobie d’État », accusant le rapport de menacer l’unité nationale.

Des experts comme Franck Frégosi (CNRS) et Haoues Seniguer ont critiqué la méthodologie du rapport, estimant qu’il exagère l’influence des Frères musulmans. Nicolas Cadène a dénoncé une instrumentalisation politique, tandis que Florence Bergeaud-Blackler a salué la prise de conscience de l’entrisme. Georges Malbrunot, co-auteur de Qatar Papers, a confirmé le rôle du Qatar comme bailleur de fonds, tout en relativisant la portée de la mouvance (7 % des mosquées, 139 lieux de culte, 91 000 fidèles).

Musulmans de France et le CFCM ont rejeté les accusations, dénonçant des « amalgames dangereux ». Sur le réseau social X (ex-Twitter), les réactions oscillent entre appels à des mesures fermes et accusations de « chasse aux sorcières », amplifiant la polarisation.

Que retenir ?

Le rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France » met en lumière une menace complexe, portée par une mouvance qui, depuis quatre décennies, infiltre la société française à travers l’éducation, les municipalités et les réseaux associatifs. Si ses stratégies de dissimulation, de légitimation et de victimisation compliquent la réponse des autorités, les mesures annoncées – parquet administratif, contrôle des financements étrangers – marquent une volonté de riposte. Cependant, la polarisation des réactions, entre alarmisme et accusations d’islamophobie, risque de compliquer l’action publique. Une réponse équilibrée, combinant fermeté contre l’islamisme et dialogue avec la communauté musulmane, sera probablement cruciale pour préserver la cohésion nationale face à ce défi insidieux.

Illustration d’en-tête : Illustration du rapport gouvernemental

Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0329 X 94873) piloté par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique.
Non subventionné, notre média dépend entièrement de ses contributeurs pour continuer à informer, analyser, avec un angle souvent différent car farouchement indépendant. Pour nous soutenir, et soutenir la presse indépendante et sa pluralité, faites un don pour que notre section site d’actualité et d’analyse reste d’accès gratuit !

avec J’aime l’Info, partenaire de la presse en ligne indépendante

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
4 × 13 =