IA à l’école : La Cour des comptes alerte sur un retard massif préjudiciable et exhorte le gouvernement à l’action
Dans un rapport publié le 19 novembre 2025, la Cour des comptes épingle les lacunes de la Stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA) en éducation, réclamant une accélération pour former élèves et enseignants face à une technologie qui bouleverse déjà 27 % des tâches salariées.
Diagnostic alarmant sur la stratégie nationale
Le rapport de la Cour des comptes brosse un tableau contrasté de la SNIA, initiée en 2018 et qui a permis à la France de se hisser au troisième rang mondial en recherche IA en 2023. Pourtant, en éducation, les failles sont béantes : « Le retard pris en matière d’adaptation à l’IA de l’ensemble des formations initiales et continues n’a pas été rattrapé », martèle le document, qui pointe du doigt les phases 1 et 2 (2018-2022 et 2023-2025) pour leur obsession de la recherche supérieure, reléguant au second plan les niveaux primaires et secondaires. Cette priorisation a laissé des projets éducatifs essentiels en jachère, avec une consommation des crédits limitée à 35 % au 30 juin 2025, due à des démarrages tardifs. L’annulation du PEPR « numérique et éducation » après deux ans et 77 millions d’euros engloutis a creusé un retard de plusieurs années dans la transformation pédagogique par l’IA. Analysant cette inertie, la Cour met en lumière un émiettement des initiatives : des pilotes multidisciplinaires via les Clusters IA ou l’AMI « compétences et emplois d’avenir » existent, mais sans traçabilité ni échelle nationale. Prospectivement, ce hiatus expose la France à un risque compétitif majeur, alors que l’IA impacte déjà 60 % des emplois (13 millions de travailleurs), nécessitant 1,2 à 1,7 million de mobilités professionnelles d’ici 2030, soit 4 à 6 % de la population salariée. Sans rattrapage, cela pourrait entraver une croissance de productivité de 3 % par an, comme le soulignent les études internes citées. La Cour somme le Premier ministre et les ministères de mobiliser pour faire de l’éducation un pilier de souveraineté numérique.
L’initiation précoce à l’IA comme pilier pour contrer les usages informels
L’initiation à l’IA dès le primaire émerge comme un « chantier incontournable » ignoré jusqu’alors, selon le rapport. La Cour insiste : « L’école est le lieu où peut et doit se développer une formation à l’IA permettant à tous les élèves et futurs citoyens d’en faire un usage critique, éthique et raisonné. » Sans cela, les élèves, déjà rompus aux outils génératifs pour leurs devoirs, risquent une maîtrise anarchique, faute de « briques souveraines » adaptées aux écoles. Les inspections de mai et juillet 2025, citées dans le document, soulignent les craintes et espoirs des enseignants, plaidant pour une intégration structurelle de l’IA dans les curricula. Analysant ces lacunes, la Cour critique l’exclusion de l’éducation scolaire des financements France 2030, laissant des initiatives locales – comme des ateliers de codage en Occitanie – isolées. Prospectivement, une initiation précoce via des modules sur l’éthique des données ou la détection de biais pourrait non seulement démocratiser l’accès, mais aussi catalyser une créativité pédagogique inédite. À l’horizon 2030, cela forgerait une génération résiliente, capable de « questionner » l’IA plutôt que de la subir, dans une économie où 60 % des emplois seront hybridés. Sans financement dédié dans la phase 3 de la SNIA, lancée en février 2025, ce potentiel risque de s’évaporer, transformant l’IA en facteur d’exclusion plutôt qu’en égalisateur social.
Former les enseignants : du diagnostic à l’action concrète
La formation des enseignants est qualifiée de « talon d’Achille » par le rapport, avec une recommandation ferme : « Définir et mettre en œuvre un programme de formation initiale et continue de l’ensemble des enseignants des filières concernées. » Les professeurs, confrontés à des productions assistées par IA, manquent cruellement d’outils pour évaluer l’apport humain ou intégrer ces technologies éthiquement. Le document révèle un retard criant : les instituts des 3IA, censés former des cadres, ont négligé l’éducation de base, et aucune plateforme nationale, à l’image du French Digital Skills Hub, n’offre de modules certifiés gratuits. Cette fragmentation, entre MOOC épars et partenariats avec Inria, laisse les enseignants démunis face à la protection des données ou à la personnalisation des apprentissages. Dans une veine analytique, la Cour envisage une « formation de formateurs » en amont, mobilisant 300 à 500 millions d’euros sur cinq ans pour certifier 19 000 personnes en formation continue via les Clusters IA d’ici 2030. Prospectivement, cela métamorphoserait les classes en espaces hybrides, où l’IA réduit le taux d’échec de 20 % dans les zones rurales par une différenciation personnalisée. Mais sans réallocation budgétaire, les enseignants, surchargés, pourraient percevoir l’IA comme une menace, freinant une adoption qui, bien gérée, pourrait booster l’efficacité pédagogique de 15 % d’ici une décennie, alignée sur les ambitions européennes.
Repenser les filières : au-delà du supérieur, une refonte globale
La Cour exhorte à « passer en revue le contenu de l’ensemble des formations supérieures (…) afin d’adapter chaque filière aux nouveaux besoins qui résultent de la diffusion de l’IA dans l’économie. » Bien que la SNIA ait dopé les diplômés en IA de 39 200 en 2023 à un objectif de 50 000 en 2025, elle a omis une refonte transversale du primaire à l’université. Le rapport fustige l’absence de synergies entre clusters IA et programmes scolaires, notant que les chaires IA (AI Faculty France) se limitent au supérieur, ignorant les « murs de formation » pour 13 millions de travailleurs exposés. Analysant ces faiblesses, la Cour dénonce un court-termisme : les appels à projets privilégient des emplois temporaires, et le soutien aux entreprises reste timide. Prospectivement, une cartographie des compétences par Inria, couplée à une interdisciplinarité accrue (IA + santé, IA + ingénierie), pourrait viser 100 000 diplômés annuels d’ici 2030, en phase avec les priorités de l’UE. Cela impliquerait des évaluations hybrides type portfolios IA-humain, favorisant une créativité augmentée et une productivité sectorielle accrue de 3 %. Ainsi, la diffusion sociétale de l’IA est menacée en France. Sans ambition, on risque de produire dans notre pays des experts cloisonnés, inadaptés à un marché où l’IA redéfinit aujourd’hui presque la moitié des métiers qualifiés.
Équité éducative : un risque majeur d’aggravation des fractures
L’équité est un fil rouge du rapport, avertissant que sans initiation inclusive, l’IA exacerbait les disparités territoriales et sociales. La Cour note que « les actions à destination des territoires et d’un public large n’ont pas non plus constitué une priorité de la SNIA jusqu’ici », isolant les zones rurales, l’Outre-mer ou les banlieues. Les usages informels chez les élèves modestes, sans encadrement, perpétuent les biais algorithmiques et creusent les inégalités. Analysant ce piège, le document évoque une concentration des opportunités dans les pôles urbains, avec des impacts jobs inégaux : moitié complémentaire (gains de productivité avec formation), moitié destructrice (pertes d’emplois). Aux États-Unis, l’adoption de l’IA générative a déjà fait chuter les emplois des jeunes de 13 % (22-25 ans) depuis fin 2022. En France, un tiers des reconversions internes et un quart d’embauches externes masquent une fragilité sous-jacente. Prospectivement, étendre le compte personnel de formation à des modules IA incitatifs, en concertation régionale, pourrait générer une croissance inclusive de 3 % de productivité, en transformant l’IA en « bien commun ». Une dépêche d’AEF Info le confirme : ce chantier reste à bâtir, mais vital pour que l’IA ne devienne pas un amplificateur de fractures, comme aux États-Unis où les jeunes défavorisés perdent 15 % d’accès aux emplois dans le domaine de la technologie.
Vers une phase 3 transformative : des perspectives concrètes et audacieuses
La phase 3 de la SNIA, axée sur la diffusion et la confiance, offre une fenêtre décisive, selon la Cour. La recommandation n°10 prône de « mettre l’IA au service du bien commun », via des investissements en données souveraines (n°8) et une transformation publique (n°9), potentiellement dotés de 200 millions d’euros pour les dispositifs compétences. Analysant les leçons des phases antérieures – avec seulement 35 % des crédits phase 2 consommés –, la Cour appelle à une coordination européenne pour contrer l’isolement. Mais au-delà du diagnostic, le rapport ouvre sur une prospective ambitieuse : imaginez, d’ici 2035, des écoles hybrides où l’IA personnalise les parcours pour 8 millions d’élèves, éradiquant les déserts éducatifs via des avatars tutoriels souverains et des simulations immersives éthiques. Cela pourrait non seulement combler le « mur de formation » par une massification des certifications (visant 400 000 diplômés IA d’ici 2030), mais aussi anticiper des mutations sociétales profondes – comme l’hybridation homme-machine dans 70 % des métiers –, en forgeant une « confiance algorithmique » collective. Le plan « Osez l’IA » de juillet 2025, avec ses 300 ambassadeurs et une académie pour 15 millions de professionnels, pourrait scaler via des partenariats public-privé, générant un ROI quantifiable : évitement de coûts sociaux (chômage, inégalités) et hausse des recettes fiscales via une productivité inclusive. Pourtant, sans une secrétariat général interministériel dédié d’ici fin 2025, et une évaluation environnementale systématique des dispositifs, cette vision risque de buter sur l’inertie budgétaire. En filigrane, le rapport esquisse un horizon optimiste : une France où l’IA, intégrée dès le berceau scolaire, propulse une souveraineté numérique équitable, évitant les pièges dystopiques d’une technologie capturée par les géants étrangers. À terme, cela pourrait repositionner l’éducation comme vecteur d’une prospérité durable, où l’humain, augmenté plutôt que supplanté, redéfinit le progrès – un legs pour les générations futures, si l’ambition suit les mots.
Pendant ce temps, le monde avance…
Les États-Unis ont déjà intégré l’IA dans les standards de 38 États ; la Californie forme 10 000 enseignants par an et déploie des assistants IA dans les écoles défavorisées. La Chine impose l’IA dès le primaire depuis 2021 : 40 000 écoles pilotes, manuels nationaux, épreuve optionnelle au gaokao. Singapour et l’Estonie enseignent l’éthique et la détection de biais dès 7 ans. En Europe, le Digital Education Action Plan 2021-2027 oblige les 27 États membres à un cadre commun ; la Finlande et le Portugal ont déjà formé 100 % de leurs enseignants.
La France, elle, n’a toujours rien de structuré. À l’horizon 2035, deux avenirs s’opposent. L’inaction livrerait 1,5 million de travailleurs non reconvertis, un décrochage scolaire aggravé dans les territoires oubliés et une dépendance totale aux outils étrangers dans les classes. Une mobilisation immédiate, avec modules obligatoires dès la rentrée 2027, 80 % des enseignants formés d’ici 2032, assistants pédagogiques souverains dans la moitié des établissements, offrirait un gain de productivité éducative de 15 à 20 % et la génération européenne la plus compétente en IA éthique. Le rapport trace la feuille de route précise d’une école où l’intelligence artificielle devient un bien commun maîtrisé. Reste à savoir si, à six mois de la présidentielle, le pouvoir osera enfin faire de l’éducation la priorité absolue de la phase 3 de la SNIA. L’écart avec le reste du monde ne se compte plus en mois, mais en années. Bientôt, il pourrait bien se compter en générations perdues.
Illustration d’en-tête : Andrea de Santi
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