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Le taux de mutations somatiques varie en fonction de la longévité chez les mammifères

Par Alex Cagan, Postdoctoral Fellow, Martincorena Group, Somatic evolution at Wellcome Sanger Institute, UK

Alex Cagan étudie les processus évolutifs dans les tissus somatiques. Ses recherches se concentrent sur la caractérisation des mutations et de la sélection dans les tissus sains et sur leur lien avec le cancer et le vieillissement.

Il est le premier auteur d’un article paru le 13 avril dans la prestigieuse revue scientifique Nature, intitulé :

Le taux de mutations somatiques varie en fonction de la longévité chez les mammifères

La Rédaction a envisagé de vous livrer une vulgarisation scientifique de ce travail, puis finalement a préféré donner la parole à Alex Cagan lui-même qui eu la superbe idée de cette vulgarisation avec des illustrations signées de sa main !

Tutoriel illustré et mis à jour par Alex Cagan

Nous avons intégré l’histologie et la génomique pour fournir une description sans précédent des mutations somatiques chez les mammifères.

Pourquoi avons-nous fait cela ?

En vieillissant, nos cellules accumulent des dommages à l’ADN. L’étude précise des mutations somatiques dans les tissus normaux n’est possible que depuis peu, et notre connaissance des mutations somatiques est actuellement très limitée en dehors de chez l’homme.

Nous sommes des mosaïques moléculaires – Évolution somatique

Paradoxe de Peto

Des questions importantes sont restées sans réponse.
Le risque de cancer est censé augmenter avec la taille du corps. Pourtant, il ne semble pas y avoir de corrélation entre la taille corporelle et le risque de cancer chez les espèces.
Les taux de mutation somatique auraient-ils évolué pour devenir plus faibles chez les grands animaux ?


L’incidence du cancer n’est pas corrélé au nombre de cellules présentes dans un organisme.
Les baleines nous forcent à nous interroger sur nos hypothèses.

Nous vieillissons tous, mais les causes du vieillissement restent débattues.
Depuis des décennies, on spécule que les mutations somatiques pourraient contribuer au vieillissement. Si c’est le cas, la théorie prédit que les taux de mutation somatique seraient inversement proportionnels à la durée de vie des espèces.

Cancer et vieillissement : les deux faces d’une même pièce ?

En d’autres termes, on pourrait s’attendre à ce que les espèces qui vivent peu accumulent des mutations somatiques relativement rapidement…

alors que l’on pourrait s’attendre à ce que les espèces qui vivent longtemps accumulent des mutations somatiques relativement lentement…

L’analyse comparative de la mutagenèse somatique pourrait donc faire la lumière sur la diversité des processus mutagènes entre les espèces et sur le rôle de la mutation somatique dans le cancer et le vieillissement.

Nous avons travaillé avec des collaborateurs exceptionnels pour obtenir des échantillons biologiques de 16 espèces de mammifères de tailles et d’espérances de vie différentes (y compris les superstars des études sur le cancer et le vieillissement : les rats-taupes nus !)

En intégrant l’histologie, la microscopie à capture laser et la génomique, nous avons séquencé le génome entier de 208 cryptes intestinales individuelles provenant de 56 individus.

Pourquoi les cryptes coliques ?
Parce que ce sont des unités histologiquement identifiables, relativement faciles à micro-disséquer au laser. De plus, toutes les cellules d’une crypte partagent un ancêtre commun récent, ce qui nous permet de quantifier les taux de mutation somatique. Enfin, tous les mammifères en possèdent

Nous avons développé un pipeline pour identifier les mutations somatiques de chaque espèce malgré la qualité variable de l’assemblage du génome. Nous avons confirmé que les cryptes étaient clonales et que les mutations s’accumulaient linéairement avec l’âge chez toutes les espèces.

Malgré des régimes alimentaires et des cycles de vie différents, nous avons trouvé des similitudes remarquables dans les spectres de mutation de chaque espèce.

Trois signatures mutationnelles sous-tendent les spectres à travers les espèces, avec une certaine variation dans leurs contributions relatives entre les espèces.

De façon remarquable, nous trouvons une échelle inversée des taux de mutation somatique avec la durée de vie, une prédiction de longue date de la théorie somatique du vieillissement. Ceci est cohérent avec un rôle causal des mutations somatiques dans le vieillissement. Et cela bien que nous débattions d’autres explications possibles.

En d’autres termes, malgré un facteur de variation de la longévité d’environ 30 et une facteur de variation de taille corporelle d’environ 40 000, la charge des mutations en fin de durée de vie n’a varié que d’environ 3 fois entre les espèces.

Si vous vous intéressez au vieillissement, veuillez consulter la note complémentaire 1 de l’article pour accéder à des considérations théoriques sur l’évolution du vieillissement et la nature multifactorielle du vieillissement, qui peuvent apporter une aider à l’interprétation et à la contextualsation de nos résultats.

Nous supposons que les mutations somatiques pourraient contribuer au vieillissement par une sélection positive sur les mutations qui provoquent des expansions clonales de cellules phénotypiquement aberrantes.

Les expansions clonales colonisent les tissues au fil du temps

Les mutations somatiques sélectionnées positivement dans les cellules souches favoriseraient la prolifération par rapport à la différenciation et pourraient conduire à des destins cellulaires biaisés, entraînant des déséquilibres de type cellulaire.

…alors que la sélection pour une prolifération accrue dans les tissus entretenus par l’auto-duplication des cellules souches différenciées pourrait favoriser la dé-différenciation, la perte de spécialisation fonctionnelle et la production réduite de produits protéiques clés.

Par conséquent, il semble peu probable que les mutations somatiques ponctuelles contribuent de manière significative au vieillissement par des effets délétères directs sur les cellules mutantes, la sélection positive de clones mutants égoïstes [un élément génétique « égoïste » se dit d’un élément génétique favorisant sa propre transmission au détriment du reste du génome de l’organisme considéré, NDT] constitue un mécanisme plausible par lequel les mutations somatiques pourraient contribuer au vieillissement.

Nous notons que la faible corrélation entre la masse corporelle et le taux de mutation somatique après correction de la durée de vie suggère que la réduction du taux de mutation n’a pas été un mécanisme courant pour réduire le risque de cancer chez les espèces à forte corpulence. D’autres mécanismes semblent plus probables.

C’est maintenant que les choses sérieuses commencent, car nous cherchons à comprendre précisément quels aspects du vieillissement pourraient être affectés par une mutation somatique. Dans quelle mesure ces tendances existent-elles au-delà des mammifères ? L’étude des espèces à grande longévité peut-elle nous en apprendre davantage sur la maintenance du génome ? Restez à l’écoute…

Traduction : Science infuse avec l’aimable autorisation d’Alex Cagan

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