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Les recommandations de l’Assurance maladie pour améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses

La CNAM a publié le 6 juillet un volumineux rapport qui l’amène à formuler une trentaine de recommandations qui seront prises en considération pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2024

Le rapport aborde de façon thématique, sur 300 pages, les différents domaines d’action dont elle fait le bilan pour préconiser toute une série de mesures. C’est un document qui est bien sûr largement pris en compte habituellement pour préparer le financement de la sécurité sociale pour l’année suivante. Cette année le prochain PLFSS sera présenté tout début octobre en Conseil des ministres.

Quantitativement, la recherche d’économies est chiffrée à 1,265 milliards d’euros avec les solutions proposées, contre 1,213 milliards en 2023.

Cartographie des pathologies et dépenses 2021

L’Assurance maladie utilise cet outil cartographique depuis 10 ans pour son analyse du système de soins en France. Voici quelques tableaux et infographies qui en sont issues pour savoir de quoi l’on parle.

En 2021, 68,7 millions de personnes ont été prises en charge par l’Assurance maladie, 185 milliards d’euros ont été remboursés soit +10,9 % par rapport à 2020, et 35 % de la population a été prise en charge pour pathologie et/ou traitement chronique.

Source : site Ameli

Typologie des dépenses d’assurance maladie remboursées

Source : site Ameli

Quels sont les effectifs de soignants libéraux ? En 2021, la variation depuis 20 ans est contrastée selon la profession : forte augmentation pour tous sauf… les médecins, en régression.

Source : site Ameli

La cartographie propose aussi une série d’indicateurs en matière de prévention :

Source : site Ameli

Quelles sont dont ces recommandations par dizaines ? En voici une synthèse avec un regroupement thématique.

Pathologies : Obésité, diabète, cancer et santé mentale en ligne de mire

Ce sont des pathologies graves dont l’incidence est croissante et dont la prise en charge coûte cher. La prévention et le dépistage sont donc des priorités de santé publique.

Le cancer colorectal, du sein et du col de l’utérus sont déjà organisés, la proposition est de l’intensifier pour améliorer les taux de dépistage.

Le diabète de type 2 qui explose est une préoccupation majeure, l’Assurance maladie propose de lancer une campagne de dépistage qui cible les 45-50 ans à risque, au moyen d’un questionnaire court spécifique (FINDRISC) dont le résultat peut conduire à un test de glycémie à jeun.

Pour ces deux pathologies que sont le cancer et le diabète, l’Assurance maladie propose de développer progressivement une thérapeutique non médicamenteuse : l’activité physique adaptée (APA) pour les patients qui peuvent en tirer profit. Il y aurait une prise en charge d’un cycle de 3 mois renouvelable une fois. D’une façon générale, l’activité physique étant bénéfique pour la santé, sa promotion est encouragée.

Pour l’obésité et le diabète de type 2, on notera une préconisation spécifique d’assurer un meilleur usage des nouveaux médicaments contre le diabète qui ont été détourné de leur usage comme coupe-faim (plusieurs articles à consulter sur ce média dont le cas de la spécialité Ozempic).

Côté santé mentale, la proposition est de renforcer le dispositif Monsoutienpsy avec une campagne de promotion, le faire évoluer pour renforcer son attractivité. Pour rappel, il permet la prise en charge par un psychologue conventionné d’une série de consultations.
Le second versant d’action proposé est doubler le nombre de sessions de formations aux premiers soins en santé mentale (PSSM), permettant le dépistage des troubles psychiatriques chez les jeunes.

Populations : préserver les dents des jeunes, surveiller la polymédication des personnes âgées

Les dents ne sont pas en reste avec la proposition d’un investissement massif pour aller vers une « génération sans carie ». Pour cela, l’accent est mis sur la prévention bucco-dentaire des jeunes. Chacun connaît le programme « MT’dents » avec des consultations de contrôle gratuites à différents âges pour les enfants et les jeunes de 3 à 24 ans. Il a été amplifié en 2019 avec le 100 % Santé sur les prothèses dentaires.

Il y a aussi le problème de la polymédication des personnes âgées, qui est un réel problème que l’on appelle la iatrogénie, à savoir les effets indésirables multipliés par la prise de médicaments, d’autant plus importants qu’ils sont variés. Pour les plus de 75 ans consommant de multiples médicaments, la proposition est d’expérimenter un accompagnement par équipe de soins coordonnés pour un bilan de médication et un auto-questionnaire de prévention des risques de perte d’autonomie.

Déserts médicaux : renforcer la régulation pour l’installation et les urgences

Pour la régulation territoriale, l’Assurance maladie voit la régulation de l’installation comme le nerf de la guerre et propose d’étendre les zones régulées où s’opère la règle du « 1 départ pour 1 installation », et d’étendre également les catégories de professionnels de santé soumis à régulation. Elle n’ose pas évoquer pour autant cette extension aux médecins, qui résistent dans une espèce de dogme des libertés et privilèges acquis, et y échappent encore. Récemment, Guillaume Garot, député porteur d’un projet de loi transpartisane rejeté proposant cette régulation des installations de médecins, évoquait, au-delà du corporatisme puissant, leur soutien important à l’Assemblée nationale contrairement aux autres professionnels de santé. Les dentistes viennent d’accepter cette régulation. Il n’y a aura bientôt plus que les médecins. Pour combien de temps ?

Pour le volet des urgences et des soins non programmés, le modèle de « SAS (services d’accès aux soins) intégré » est proposé. Il permet une meilleure réorientation hôpital-médecin traitant et facilite la prise de rendez-vous en ville avec les médecins spécialistes et les infirmiers libéraux. Pour le reste, il s’agit de structurer de façon thématique le recours aux urgences : dentaires, psychiatriques, pédiatriques, obstétricales. Même suggestion pour les soins non programmées en ville, « à penser infra-territorialement ». Le but est d’éviter ainsi les recours aux urgences injustifiés dans un système de mutualisation de la charge entre professionnels libéraux. Cela passe par une organisation autour des centres 15 d’appel des urgences (SAMU).

L’Assurance maladie a remarqué la mise en œuvre d’un moyen de contournement de la régulation de l’installation libérale par le salariat, ainsi qu’une concurrence déloyale par des centres infirmiers et dentaires dans les zones non sous-dotées.

Les rendez-vous médicaux non honorés est un problème que l’Assurance maladie propose d’aborder via une campagne nationale d’information sur le bon usage du système de santé dès l’automne 2023; D’autres « petits gestes du quotidien » seraient abordés (par ex. ne pas oublier sa Carte vitale) pour sensibiliser les usagers à mieux recourir au système de santé.

Il est également souhaité que la création de centres de soins non programmés soit limitée (sauf maisons médicales de garde pour la traumatologie coordonnés avec les services d’urgence) pour repositionner les médecins traitants et l’équipe traitante comme acteurs de premier recours de ces soins non programmés.

Un volet rémunération est aussi abordé, visant à renforcer les modèles de financement de la qualité, sous forme de rémunération complémentaire à la performance pour les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), et favoriser la mutualisation de la rémunération forfaitaire pour les médecins libéraux exerçant en groupe.

Enfin, l’Assurance maladie mise sur les soins à domicile à l’aide d’une prise en charge par des binômes médecin traitant-infirmier à domicile, avec délégation d’actes, téléconsultations assistées par exemple.

Poursuite de renforcement du pharmacien comme acteur de santé de proximité

De nouvelles prérogatives sont proposées par l’Assurance maladie pour ce professionnel de santé : prescription d’antibiotiques pour la cystite aiguë simple après dépistage positif à l’officine (bandelette urinaire), de même que pour les angines bactériennes après TROD (test d’orientation diagnostique sur prélèvement buccal), un nouvel accompagnement des patients pour la prise d’opioïdes, la participation renforcée au dépistage du diabète, et favoriser les préparations magistrales à l’officine en cas de rupture de médicaments.

Maîtriser la financiarisation du système de santé

La privatisation de services de santé, comme par exemple les cabinets de radiologie massivement rachetés par des réseaux privés, est inquiétante car selon l’Assurance maladie, peut porter atteinte à l’indépendance professionnelle et à la qualité des soins. Elle propose la création d’un observatoire de ce phénomène et une mission permanente de contrôle.

Médicaments en accès rapide et sans rupture, réduction de l’impact environnemental

Ces derniers et plus globalement les produits de santé, c’est la moitié des émissions de gaz à effet de serre. La proposition pour ce problème est la création d’un système de bonus-malus visant à réduire le mésusage des médicaments et dispositifs médicaux à fort impact carbone, et envisager un dispositif expérimental de retour dans le circuit de distribution de certains produits non consommés.

On a évoqué dans ces colonnes le nouveau dispositif expérimental d’accès direct avant mise sur le marché visant à compléter celui de l’accès précoce. L’Assurance maladie propose de poursuivre la surveillance au niveau européen des délais de mise sur le marché pour les médicaments à progrès thérapeutique, ainsi que de renforcer la lutte contre les pénuries pour les médicaments matures, et adapter le prix des produits de santé dont le service médical rendu n’est pas satisfaisant ou mineur (ASMR IV/V)

E-santé

L’Assurance maladie donne plusieurs préconisations : un label d’État pour les meilleures applications santé sur smartphone, améliorer la qualité des téléconsultations via un cadre de régulation, accompagner les innovations numériques dans les thérapies digitales en santé mentale et dans l’aide au diagnostic utilisant des outils d’intelligence artificielle (IA).

Divers

D’autres recommandations de ce rapport sont des actions pour maîtriser les arrêts de travail, le développement du transport partagé pour faire face au coûts élevés des trajets itératifs non urgents pour les transports sanitaires. développer le tiers payant pour les médicaments biosimilaires, équivalent des médicaments génériques pour les médicaments biologiques, tout en continuant à inciter à leur prescription avec un objectif de taux de pénétration de 80 %. Autre préoccupation nécessitant mesure : la lutte contre la surprescription en pédiatrie de médicaments aux effets secondaires infectieux comme les inhibiteurs de la pompe à protons en cas de reflux gastro-œsophagien. Il est aussi question de renforcer les contrôles en chirurgie pastique, reconstructrice, esthétique et bariatrique, et pour les audioprothèses dont le marché est en plein essor avec près de 30 % de nouvelles sociétés en 3 ans, lutter contre les pratiques frauduleuses (exercice illégal, fausses ordonnances, dispositif délivré différent de celui prescrit.

Du côté des chiffres, voici le tableau de synthèse du rapport avec la répartition des économies envisagées par thématique pour parvenir au chiffre de 1,265 milliards d’euros :

Source : rapport CNAM pour 2024

Mise à jour 28/07/2023 : ajout du chapitre introductif sur la cartographie et d’infographies

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