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Médicaments génériques : le numéro 1 français Biogaran, filiale du laboratoire pharmaceutique Servier, en passe d’être vendu

Ce sont des investisseurs étrangers qui sont sur le coup, comme l’a révélé le journal Les Echos le 17 avril, ce qui a fait réagir vivement et peu favorablement Roland Lescure, ministre délégué à l’industrie et à l’énergie

En plein lancement de mesures de réindustrialisation de la France par le gouvernement, et suite à la médiatisation importante de pénurie de médicaments problématiques qui touchent des médicaments essentiels, comme des antibiotiques de base tel l’amoxicilline, la perspective passe mal pour Roland Lescure.
Le laboratoire Servier est lui-même tristement médiatique avec l’affaire du Mediator, ce médicament détourné de son usage qui a entraîné l’an dernier sa condamnation en appel pour homicides involontaires, tromperie aggravée et escroquerie. Oui mais Servier c’est aussi Biogaran, une filiale de médicaments génériques majeure en France puisqu’elle vend environ un tiers des génériques sur le marché français.
Pour rappel, les médicaments génériques sont des copies aussi sûres et efficaces que les médicaments originaux de marque dont le brevet de protection pour son découvreur a échu (durée protégée d’une vingtaine d’années). Ces copies, beaucoup moins chères car n’incorporant pas le coût de recherche et développement supportés par les laboratoires ayant commercialisé initialement les médicaments, sont encouragés à la vente, les pharmaciens ayant un droit de substitution des médicaments de marque en faveur de leurs génériques, alors que les médecins sont encouragés à prescrire au format générique (nom du principe actif du médicament en lieu et place du nom de marque du médicament original).

Bas prix imposés, rentabilité ruinée

C’est l’éternel problème avec l’industrie pharmaceutique, toujours montrée du doigt pour faire de l’argent avec les besoins de santé. Pourtant sans elle, et malgré les « affaires » qui peuvent survenir comme dans toute industrie, pas de développement de nouveaux médicaments car les activités de Recherche & Développement (R&D) coûtent une fortune.
Certains rêvent d’un monde idéal où la filière médicaments est gérée de la conception à la vente en gros et au détail par les États, ce qui relève de l’illusion car Il faut injecter beaucoup d’argent. Les États n’en ont pas les moyens. On voit déjà combien les systèmes de santé sont dans le rouge sans investir ou très peu dans la R&D pour les médicaments. L’industrie finance la R&D, et donc l’innovation pharmaceutique et les progrès médicaux par son activité commerciale de vente des médicaments qu’elle met sur le marché. S’agissant de santé publique, l’autorisant et la vente des médicaments sont régulés.

Une particularité française est que le gouvernement fixent des prix plancher aux industriels pour les médicaments génériques, les plus bas en Europe. Depuis des années, les laboratoires s’en plaignent et expliquent que la France est un marché non rentable pour cette activité. Les lois du marché s’imposent à toutes les industries, dont l’industrie pharmaceutique.
Aujourd’hui Biogaran vend beaucoup de génériques, dont la quasi-totalité est fabriquée en Europe (90 %) et la moitié en France, mais à prix trop bas.
Pour Servier, une filiale non rentable qui devient un centre de coût n’est pas gérable, et grève sa R&D dont les besoins sont énormes notamment en cancérologie. Le laboratoire a ainsi engagé un processus de vente de Biogaran.

Ministre de l’industrie « énervé » contre Servier

Ce sont, sans surprise, des investisseurs étrangers qui sont sur le coup pour reprendre Biogaran, mais qui dit attrait de l’étranger fait envisager la perspective d’une délocalisation de la production. Elle permettrait de faire retrouver à l’entreprise de médicaments génériques une rentabilité que ne permet pas une production en France. Quand on apprend par Les Echos que deux sociétés indiennes sont intéressées par Biogaran, pays phare comme la Chine pour la fabrication des principes actifs des médicaments, la menace se précise.
Roland Lescure voit d’un mauvais œil la vente possible de Biogaran et a déclaré le 19 avril sur RMC : « J’ai dit clairement au laboratoire Servier que je ne souhaitais pas qu’ils vendent Biogaran », précisant que l’État est « très vigilant » concernant cette éventuelle opération. Si Biogaran a moins de 250 salariés, son intense activité de sous-traitance représente près de 9 000 emplois.
Il faut dire que le gouvernement est sur une corde sensible ici avec son projet de réindustrialisation de la France. En particulier, dans le secteur du médicament illustré par des pénuries touchant de plus en plus de molécules et de plus en plus longues, il projette d’assurer une souveraineté française en relocalisant tout ou partie d’une cinquantaine de médicaments essentiels.

Roland Lescure a ainsi ajouté : « Ce qui m’énerve le plus, c’est que ça fait des mois qu’on met en place une politique pro-active pour faire venir de grands laboratoires pharmaceutiques en France, Pfizer, AstraZeneca, Novo Nordisk, ils viennent en France et c’est le moment que choisit le laboratoire Servier pour vendre ».  Une concomitance qui n’est qu’apparence, puisqu’on sait par Les Echos que cela un bon moment que Servier veut vendre et a engagé cette procédure avec les deux entreprises indiennes retenues à ce stade au bout d’un long parcours. Outre ce processus, une telle vente ne se décide certainement pas sur un coup de tête du jour au lendemain. Il faut là encore rappeler que les industriels du médicament mettent en garde d’année en année sur le problème du prix trop bas des génériques en France.

Les politiques de divers bord ont réagi également, notamment Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France, adressant le 18 avril un courrier au Premier ministre Gabriel Attal, diffusé sur son compte X (anciennement Twitter), prenant à parti également le ministre de l’Économie Bruno Le Maire en déclarant notamment : « il est crucial que le gouvernement s’oppose à cette vente tant qu’un repreneur européen ne se positionne pas !« 

Menace de procédure IEF

L’État peut-il s’opposer à la vente d’une filiale appartenant en propre à une entreprise privée ? La réponse a été donnée par Roland Lescure sur RMC : « Nous nous laissons la possibilité d’activer la procédure dite IEF », en précisant que ce dispositif permet de  » « contrôler les investissements réalisés par des entreprises étrangères en France dans des secteurs stratégiques ».

Cette procédure IEF (Investissements étrangers en France), prévue à l’article L 151-3 du Code monétaire et financier, établit une exception aux relations financières par principe libres entre la France et l’étranger, pour des secteurs exhaustivement listés qui touchent à la défense nationale, ou pouvant mettre en jeu l’ordre public et des activités essentielles à la garantie des intérêts du pays. La France peut dans ce cadre imposer une procédure d’autorisation préalable pour les investissements étrangers. La procédure, introduite lors de la crise sanitaire du Covid-19 pour protéger les entreprises en difficulté face aux risques de prise de participation extra-européennes, a été renforcée le 1er janvier 2024 par le ministère de l’Économie qui l’avait mise en place.

Image d’en-tête : source site internet Biogaran

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