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Nomination de Patrick Hetzel au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : un camouflet et des inquiétudes

Cet homme politique de droite conservatrice, issu du sérail universitaire, propulsé en politique par François Fillon, a fait partie des soutiens au Pr Raoult et à son hydroxychloroquine contre le Covid-19 en 2020, en tout déni de science mais vrai populisme médical ; un mauvais signal pour la médecine et la recherche, dans la continuité des erreurs du gouvernement Macron

Le nouveau gouvernement de Michel Barnier a été nommé hier en fin de journée du 21 septembre, après 2 mois d’attente. Nous avons décidé de nous pencher aujourd’hui sur le choix du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, car cette décision nous semble inquiétante à la lumière des prises de positions de l’intéressé pendant la période très révélatrice des débuts de la pandémie de Covid-19, mais aussi dans le débat sur la loi fin de vie dont il est un opposant farouche. Évoquons tout d’abord le parcours de l’intéressé.

Universitaire de carrière

Né en Lorraine, Patrick Hetzel, issu d’une famille protestante, a grandi et étudié en Alsace, à commencer en école de commerce (IECS, Institut d’enseignement commercial supérieur) à Strasbourg. En droite ligne, il approfondit ses études dans le domaine du marketing à l’université de Lyon III où il obtient un doctorat avec la thèse intitulée : «  »Design management et constitution de l’offre » en 1993. En tant que professeur des universités, il enseigne depuis 1999 à l’université Panthéon Assas Paris II, dont on connaît la mouvance à droite, où il obtiendra son agrégation en sciences de gestion. Il se partage alors entre l’enseignement et la recherche, comme tout bon universitaire de carrière.

Entrée tardive en politique

À Assas, Patrick Hetzel rencontre François Fillon (UMP), alors ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le gouvernement de Jacques Chirac. Son nouvel ami va propulser l’enseignant en politique. Il commencera par être le représentant du ministre dans une académie régionale, suite à sa nomination comme recteur à Limoges en 2005. Devenu Premier ministre du gouvernement Sarkozy (il le sera trois reprises), François Fillon l’embauche à son cabinet comme conseiller en éducation en 2007, ce qui aboutit à sa nomination comme Directeur général de l’Enseignement général en 2008. Quatre ans plus tard, il devient député UMP en Alsace à Saverne, et il le restera sans interruption.

Conservatisme de droite, morale et religion

On peut noter dans les prises de position politique de Patrick Hetzel un conservatisme de base sur la famille, qu’il voit à l’évidence comme devant être basé sur un schéma « classique » : il a milité activement contre le Mariage pour tous, contre tout allongement des délais relatifs à l’avortement, mais aussi contre la PMA (procréation médicale assistée) pour les femmes célibataires.
Son combat le plus récent sur un sujet de société a été son opposition très active à la loi sur l’aide à mourir. Celle-ci reprenait les choix de la convention citoyenne sur la fin de vie, en passe d’être adoptée après de longs débats, juste avant la dissolution de l’Assemblée nationale qui a empêché la loi d’être votée in extremis. Patrick Hetzel s’était fendu en avril 2023 d’une tribune très virulente dans Le Figaro, dans laquelle il dénonçait « un cas d’école de malhonnêteté intellectuelle », de « l’amateurisme et des « manipulations », jouant pourtant lui-même du sophisme du faux dilemme, prétextant qu’autoriser l’aide à mourir c’était renoncer aux soins palliatifs ; alors que la loi comportait justement les deux versants dans le but de rendre le soins palliatifs actuellement en manque largement accessibles. Il évoquait des « enjeux sociétaux, médicaux, juridiques et philosophiques » rendant le sujet trop complexe pour légiférer. On peut dès lors se demander où est l’honnêteté intellectuelle dans ce plaidoyer contre la loi fin de vie, car dans les enjeux ne sont jamais évoqués la morale et la religion qui semblent pourtant sous-tendre en réalité la position farouchement opposée du député du Bas-Rhin.

Très actif sur les réseaux sociaux, le député avait lui-même fait publicité pour sa tribune ; transparaissait bien la notion de « protéger la vie » à tout prix comme valeur fondamentale ; il allait jusqu’à parler de loi « apocalyptique » à ce titre, terme évocateur d’un positionnement religieux selon lequel la vie, sacrée, n’appartient pas à ceux qui la vivent et donc qu’il n’est pas acceptable de permettre d’y mettre fin de son propre choix.

Corporatisme et populisme médical en filigrane

Mais le corollaire du fait d’empêcher chacun de choisir sa fin de vie, c’est offrir au corps médical de le faire à sa place. Dans ce début de loi sur la fin de vie, Patrick Hetzel se positionne donc le médecin au-dessus de la volonté du patient. Et là, nous avons un historique lié à la pandémie qui est fort inquiétant. En effet, le député alsacien a activement défendu le professeur Raoult qui administrait de l’hydroxychloroquine à des patients atteints du Covid-19, en les rameutant par sa communication sur YouTube et les réseaux sociaux. En avril 2020, Patrick Hetzel a écrit au Président de la République pour lui demander que la Nation « fasse confiance à ses médecins » et autoriser le médicament expérimental dans le Covid sans la moindre preuve d’efficacité. Un soutien clair aux thèses et reprise sans réflexion des arguments de Didier Raoult qui affirmait traiter ses patients « en conscience » et réfutant l’intérêt des études cliniques en la matière.

Bonnes pratiques et éthique de la recherche clinique bafouées

Or, un principe de base en matière d’éthique médicale et pharmaceutique et de développement des médicaments, inscrite dans la loi et la déclaration d’Helsinki, et l’interdiction d’administrer des médicaments dont l’efficacité n’est pas prouvée dans l’indication en question. Ce principe est à la base de la médecine, basée sur les preuves, inscrite au Code de la santé publique. Un médicament dont l’efficacité n’est pas prouvée peut être administré uniquement dans le cadre d’études cliniques autorisées. En outre, il a fait preuve d’une incompréhension totale des phases de Recherche clinique, prenant pour vrai et revendiquant que les vaccins anti-Covid était en phase 3 de recherche (avant autorisation de mise sur le marché) alors qu’ils étaient autorisés. Une contre-vérité grave, amplifiée par de nombreux groupes anti-science.

Dans sa lettre au président, Patrick Hetzel a clairement succombé à un déni de science, et à un déni de méthodologie de recherche et d’éthique médicale inscrit dans la loi. Il s’est fait le porte-parole de ceux qui avaient abandonné la science pour succomber aux sirènes du populisme médical incarné par le Pr Raoult, affirmant en toute croyance erronée que « l’hydroxychlorquine a fait la preuve empirique de son efficacité« , réclamant la « liberté de prescrire en leur âme et conscience » absolue des médecins, les plaçant au-dessus des lois ; car de fait, la liberté de prescrire des médecins est réglementairement conditionnelle, et non pas absolue. La délivrance finale d’un médicament hors indication, quand bien même il serait prescrit dans ce cadre, est également soumise à évaluation pharmaceutique pour le pharmacien qui dispense les médicaments, un véritable garde-fou.

Ministre de la Recherche ignorant des principes et l’historique des bases de la Recherche médicale ?

Cet historique de prises de position est particulièrement inquiétant. Il pourrait s’agir, au pire, une forme d’instrumentalisation politique de la science et de la recherche, sous-tendue par de l’idéologie et des principes moraux et religieux, et une vision passéiste du médecin d’antan « tout-puissant ». Au mieux, il s’agit d’une profonde méconnaissance des principes de base dans le domaine de la recherche médicale impliquant la personne humaine. Ces principes sont dans la déclaration d’Helsinki, publiée suite aux atrocités commises pendant la Seconde guerre mondiale par des médecins au-dessus des lois qui s’adonnaient à des expérimentations sur des prisonniers. Depuis lors, la recherche médicale sur l’humain et le droit de prescription des médecins sont réglementés, limités et contrôlés. Si le grand public n’est pas forcément au courant de tous ces principes qui guident la recherche médicale et la profession médicale, on peut se demander s’il est raisonnable qu’un homme politique, désormais ministre de la Recherche, les ignorent ? et soit malgré tout choisi pour de telles responsabilités ? On est en droit d’avoir de sérieux doutes.

Image d’en-tête : Photo de Michel Barnier (à gauche) et Patrick Hetzel (à droite) publiée par ce dernier sur le réseau social X – 12/09/2024 à l’Assemblée nationale

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