ActualitésConseil de l'OrdreFake MédecineFranceHaute autorité de santéHoméopathieMédecinePharmaciePseudoscienceSantéSanté publiqueSécurité Sociale

Pseudoscience : L’enseignement de l’homéopathie aux médecins et son statut de médicament comme causes de sa persistance

On vient souvent blâmer les pharmaciens d’officine pour vendre ces produits qui ne contiennent aucune substance active. Il ne sont pourtant que les derniers maillons d’un dispositif législatif et de lobbies qui contribuent à cette situation, avec un Ordre des médecins qui entérine le tout

La fabrication, la dispensation et la vente des médicaments sont une affaire sérieuse de santé publique. Toutes les étapes en sont régulées par voie législative dans le Code de la santé publique. Pour ne pas voir l’homéopathie promue et vendue en pharmacie, encore faudrait-il ne pas l’enseigner et la prescrire et cesser de lui attribuer réglementairement le statut de médicament.

Principe de l’efficacité et de l’innocuité des médicaments

Pour être commercialisé, un médicament doit bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Celle-ci est délivrée par les autorités sanitaires sur la base de l’évaluation de la sécurité d’emploi du médicament et de l’efficacité de ce dernier. Les deux aspects sont comparés, afin d’établir un rapport bénéfice/risque qui doit impérativement être favorable.
Il est important de savoir qu’il existe de nombreuses normes en vigueur pour évaluer l’efficacité et la sécurité d’emploi des médicaments évalués, dans le cadre d’études cliniques. Leur méthodologie doit permettre notamment de prouver que l’efficacité du médicament étudié est bien dû au médicament lui-même, et non à un effet placebo. L’effet placebo est ainsi tout à fait connu en science. En résumé, de façon simplifiée : si l’on présente un verre d’eau à un patient comme un médicament efficace, ou simplement si lui-même le croit, bien que l’eau ne contienne aucun principe actif, il est possible que le fait de boire cette eau présente un effet favorable pour le patient. C’est pourquoi

Régime d’exception pour l’homéopathie concernant l’efficacité

Les médicaments homéopathiques sont évalués depuis des décennies au moyen d’études cliniques, malgré que par conception, ces produits ne contiennent pas la moindre substance active, si ce n’est du sucre. Pour en savoir plus, sur les principes de l’homéopathie, lisez cet article très accessible. Il y a bien eu une tentative de rebondissement sur cet aspect avec un gros canular scientifique made in France par le chercheur Jacques Benveniste: la théorie de la mémoire de l’eau, en 1988. À l’arrivée, la Haute autorité de santé (HAS), invitée à se prononcer à ce sujet à la fin des années 2010, a confirmé que ces médicaments n’avaient démontré ni efficacité dans les affections pour lesquelles il sont donné, ni démontré le moindre intérêt pour la santé publique. On l’a bien compris puisqu’il n’y a pas la moindre substance pharmacologiquement active dans les médicaments homéopathique.
Alors les dossiers d’autorisation de mise sur le marché se contentent de vérifier la méthode (homéopathique) et la qualité de fabrication, et la sécurité d’emploi des produits. Quoi qu’il en soit, que le rapport bénéfice/risque est égal à zéro.

Des pharmaciens tenus de dispenser les produits d’homéopathie

Les médicaments homéopathiques ont malgré tout cessé d’être remboursés par l’assurance-maladie, récemment puisqu’en 2021, du fait de leur efficacité non éprouvée. Mais ils figurent toujours comme une classe de médicaments dans le Code de la santé publique. Ainsi seuls les professionnels de santé, c’est-à-dire les médecins et les pharmaciens, peuvent conseiller et prescrire des médicaments homéopathiques.

De fait, c’est dans la loi. Voici la définition des médicaments homéopathiques qui y figure : « tout médicament obtenu à partir de substances appelées « souches homéopathiques », selon un procédé de fabrication homéopathique décrit par la pharmacopée européenne, la pharmacopée française ou à défaut, par les pharmacopées utilisées de façon officielle dans un autre État membre (loi n°2007-248)« .

Et c’est bien là, en réalité, que le bât blesse : la persistance de l’homéopathie dans le Code de la santé publique ; car dès lors, les médicaments homéopathiques intègrent le circuit de distribution des médicaments et aboutissent à l’officine. Là, le pharmacien doit assurer l’approvisionnement, assurer la vente et le conseil en la matière au grand public. Comme il se doit en ces circonstances, les étudiants en pharmacie sont formés Il s’agit de médicaments qui peuvent être vendus sans ordonnance, aussi les retrouve-t-on dans la catégorie de ce que l’on appelle dans le jargon pharmaceutique les médicaments de « conseil » que proposent les pharmaciens.

Des médecins qui pratiquent et prescrivent l’homéopathie

Le pharmacien ne fait pas que dispenser des produits homéopathiques sur la base de son conseil pharmaceutique ou de la demande des patients. Il exécute des ordonnances médicales les prescrivant. Le déremboursement récent de l’homéopathie n’a été qu’une demi-mesure, sur la base que la solidarité nationale ne doit financer que des médicaments dont l’efficacité est démontrée. Pourtant, le contribuable finance le système de santé, en particulier la formation des médecins et ses honoraires en grande partie. Le remboursement des médicaments par la sécurité sociale n’est qu’un élément parmi les autres.
Dans la plupart des pays en développement, on est allé au bout du raisonnement, puisque l’homéopathie ne peut plus y être prescrite par les professionnels de santé.

Le rôle de l’Ordre des Médecins, le poids du laboratoire Boiron

En 1974, l’Ordre des médecins avait validé la possibilité (aujourd’hui supprimée) pour les médecins la possibilité d’apposer la mention « orientation en homéopathie » sur leurs plaques et leurs ordonnances. Une mention particulière car il n’existe pas, fort heureusement, de spécialité médicale « Homéopathie ». Il n’existait pas à cette époque non plus de diplôme complémentaire spécialisé dans le domaine. Alors, d’où venait cette tolérance et reconnaissance d’une pseudo-médecine, non éprouvée ? du laboratoires Boiron ! Et oui, Boiron est le leader mondial de l’homéopathie, et il est français. Leader des granules homéopathiques aux noms latins en divers dosages exprimés en « CH », et même de nombreuses spécialités homéopathiques. Qui ne connaît pas Oscillococcinum ? Et bien c’est Boiron seul qui dispensait à l’époque dans des écoles de formation privée, cette formation aux médecins leur permettant d’apposer leur spécialisation dans le domaine de l’homéopathie, en l’absence de diplôme. On voit le système pervers d’un laboratoire qui forme le corps médical pour valider une pseudoscience pour entretenir la vente de ses produits.

L’essor des diplômes de « thérapeutique homéopathique »

Mais la responsabilité de l’Ordre des médecins ne s’arrête pas là. À deux reprises en 1997 et 2007, il formule le souhait de la création d’un Diplôme universitaire d’homéopathie, pour en obtenir la pleine reconnaissance ! Ce n’est pas mis en œuvre à l’époque, mais aboutit il y a 20 ans. Aujourd’hui, la situation est donc tout autre. Il existe un Diplôme inter-universitaire DIU) de « thérapeutique homéopathique », en plein essor. Il a été créé par les facultés de médecine de Reims et de Marseille. Celle de Strasbourg, très versée dans les pseudosciences médicales, doit rejoindre le DIU en cette rentrée universitaire 2024.
300 heures de formation par des médecins et pharmaciens, sur 2 ans, avec des cours magistraux, des travaux dirigés et un stage chez un professionnel de santé pratiquant l’homéopathie. Ci-contre, une sommaire présentation du DIU par l’université de Reims.

La lutte contre les pseudo-médecines et pratiques non éprouvées en santé, ou du moins leur prise en charge par le contribuable, est loin d’être gagnée. Rappelons que le gouvernement Macron portait, avant la démission forcée de sa ministre de la santé Le Bodo, le projet de créer un système d’agrément des pseudo-sciences médicales en portant une association lobbyste en la matière afin d’en faire une agence en son sein.

Illustration Andea pour Science infused

Image d’en-tête : dessin de presse VHAE pour Science infused

Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0324 x 94873) piloté par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique doté d’une Rédaction avec journalistes professionnels. Nous défendons farouchement notre indépendance. Nous existons grâce à vous, lecteurs. Pour nous soutenir, faites un don ponctuel ou mensuel.

Propulsé par HelloAsso

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
25 − 1 =