Code de la santé publiqueConseil de l'OrdreÉtudesExercice de la médecineFranceJuridiqueMédecine

On peut être médecin sans être docteur (et inversement) !

En 2021, nous avions abordé le sujet du titre de « docteur » en passant en revue les différents types de doctorat. Dans cet épisode 2 sur les docteurs, nous allons étudier plus précisément le cas des médecins et l’usage de leur titre ; on verra que pour s’y retrouver, il faut bien comprendre le cursus des études médicales et ses jalons

Dans l’article « Vous avez dit docteur ?« , vous avez tout appris sur le doctorat en France, afin de savoir ce qui se cache derrière le mot ou le titre de « docteur », en fonction du diplôme que sanctionne un doctorat. On avait ainsi appris qu’un « docteur » n’est pas forcément médecin. Aujourd’hui, on va découvrir qu’un médecin n’est pas forcément docteur. Étonnant, non ? Pour comprendre pourquoi et dans quelles circonstances cela arrive, nous allons faire un « zoom » sur les des études médicales.

Diplôme de médecine : un doctorat d’État

Les professionnels de santé au sens strict en France couvrent deux domaines, la médecine et la pharmacie. Les professionnels de santé en médecine sont les médecins, les odontologistes, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes. Les professionnels de santé en pharmacie sont les pharmaciens. Tous ces professionnels de santé sont des docteurs une fois leur diplôme obtenu : un doctorat d’État dans leur domaine (bac+6 minimum).
Il y a aussi de nombreuses professions paramédicales, c’est le groupe des auxiliaires de santé. Parmi eux les infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes, orthoptistes, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes, diététiciens… liste non exhaustive.

« Le diplôme d’État de docteur en médecine est un diplôme de l’enseignement supérieur délivré par les universités accréditées« , nous précise le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) que nous avons interrogé en vue de cet article.

Le CNOM décrit pour Science infuse une synthèse de ce que valide le diplôme de médecine : « Il sanctionne un minimum de dix années d’études post Bac comportant : un enseignement théorique, un enseignement pratique, une pratique clinique ou technique organisée sous la forme de stages dans des structures agréées, une initiation à la recherche, avec la soutenance d’une thèse en vue de l’obtention du diplôme d’État.« 

Trois cycles d’études médicales

Cycle 1

Première année de concours déterminante

Le premier cycle des études de médecine débute dans le cadre d’une première année commune appelée Parcours Accès Spécifique Santé (PASS) sanctionnée par un concours. En cas de succès, les étudiants accèdent à la  2e année dans l’une 5 filières de santé MMOPK : Maïeutique (sages-femmes), Médecine, Odontologie (soins dentaires), Pharmacie ou Kinésithérapie. Il s’agir de professionnels de la santé sauf la kinésithérapie qui est une profession d’auxiliaire de santé. L’accès à l’une des 5 filières dépend du classement au concours et des souhaits de l’étudiant.

Deux années pré-clinique

Si la filière médicale et obtenue, l’étudiant se retrouve en 2e puis 3e année du Diplôme de Formation Générale en Sciences Médicales (DFGSM2 et 3). On y complète ses connaissances en biologie, on apprend la sémiologie et on entame l’apprentissage de l’exercice médical, de façon théorique. Des stages viennent agrémenter les cours pour les mettre en pratique et contextualiser les objectifs.

Cycle 2 : 3 ans de clinique

Ce 2e cycle des études médicales prépare au Diplôme de Formation Approfondie en Sciences Médicales (DFASM). On y étudie pendant les processus pathologiques, la thérapeutique et la prévention associées, l’organisation du système de santé, l’évaluation de la pratique des soins ainsi que la déontologie et la responsabilité médicale. En pratique, il s’agit d’une alternance de cours à l’université et de stages à l’hôpital. Dans le cadre de ces stages, les étudiants en médecine sont qualifiés d’externes.

À la fin du 2e cycle, soit après 6 ans d’études post-bac, les étudiants passent les Épreuves Classantes Nationales informatisées (ECNi). Il s’agit d’un concours qui permet le choix d’une spécialité médicale, en fonction du classement national à ce concours. 

Cycle 3 : la spécialisation

Le 3e cycle des études se déroulent en trois phases chronologiques. Il prépare au Diplôme d’Études Spécialisées (DES) de la spécialité médicale ou pharmaceutique choisie. Il existe près de 50 spécialités et donc autant de DES. Il est obligatoire pour les médecins, mais facultatif pour les pharmaciens, sachant que l’exercice de la pharmacie d’officine ne requiert pas de spécialisation. En revanche, les étudiants en pharmacie qui veulent exercer en laboratoire de biologie médicale ou en pharmacie hospitalière doivent se présenter aux ECNi et obtenir le DES correspond à l’une de ces deux spécialités.

Ce cycle comporte des cours théoriques et des stages pratiques. Dans ce cadre, les étudiants de 3e cycle deviennent des internes, car autrefois on ne parlait pas de 3e cycle mais d’internat. La durée du 3e cycle est de 4 ou 5 ans selon la spécialité choisie. Il est à noter que la médecine générale est une spécialité parmi les autres et qu’il a donc son propre DES (durée 4 ans).
Les 3 phases du cycle 3 sont suivantes :

la phase socle, qui est l’année d’étude qui suit le concours des ECN. S’ensuit la phase d’approfondissement, et enfin la phase de consolidation.

Il y a deux jalons clés pendant le cycle 3 qui vont déterminer si on peut se prévaloir du titre de médecin, de médecin spécialiste, (pour les étudiants en médecine) et de docteur (étudiants médecine et pharmacie) : l’obtention de la thèse de doctorat d’État, et l’obtention du DES.

Source : UFR Médecine – Université de Nantes

Médecin mais pas (encore) docteur

Pendant la plus grande partie du cycle 3 des études de santé, on est interne, et ce jusqu’à l’obtention de son doctorat. Pour les étudiants en médecine : lors des stages, on pratique des actes médicaux, mais pas en autonomie : cela a lieu uniquement sous la responsabilité de son maître de stage (médecin). L’étudiant est un alors un praticien en formation. L’événement déclencheur permettant d’obtenir le titre de docteur est …. le doctorat.

Le Conseil de l’Ordre des médecins nous précise : « Le diplôme d’Etat de docteur en médecine est conféré après soutenance avec succès d’une thèse de doctorat. (Article L632-4 du Code de l’éducation). Par conséquent, dans le cursus de médecine en France, un médecin ne peut pas se prévaloir d’un titre de docteur en médecine avant la réussite d’une thèse d’exercice. »
En pratique : pour pouvoir se présenter ou se faire présenter comme « Docteur » (ou Dr), il faut avoir en poche son diplôme de Docteur d’État, qui n’est délivré que si l »étudiant présente son attestation de réussite à la soutenance de thèse. En effet, la soutenance n’est pas qu’une formalité, il y a un jury, qui décide ou non de la réussite de la soutenance.

Docteur (mais junior) et toujours étudiant

La fin de la phase d’approfondissement du cycle 3 est le moment est le moment où l’étudiant passe sa thèse qui lui permettra de devenir docteur. Le Conseil de l’Ordre nous précise :  » les docteurs junior c’est-à-dire les étudiants du 3èmecycles en médecine qui ont validé la thèse et obtenu le diplôme d’État de docteur en médecine s’inscrivent à l’Ordre des médecins sur un tableau spécial (Article L4111-1-1 du Code de la santé publique« .

Pour passer en phase 3 de consolidation du cycle 3, il faut donc que l’étudiant en médecine réponde cumulativement aux 3 conditions suivantes, nous détaille l’Ordre des médecins :

• »Avoir validé l’ensemble des connaissances et compétences nécessaires à la validation de la phase d’approfondissement de la spécialité suivie, conformément à l’article 3 de l’arrêté du 21 avril 2017  ;

Avoir soutenu avec succès la thèse mentionnée à l’article R. 632-23 du code de l’éducation ;

Avoir obtenu le diplôme d’Etat de docteur en médecine.« 

Ainsi, lorsque l’étudiant a rempli ces conditions, il entre dans la phase de consolidation et est nommé docteur junior par le directeur général du centre hospitalier universitaire (CHU) de rattachement. »

En pratique, la liste spécifique des docteurs juniors est tenue à jour par l’Ordre départemental du CHU de rattachement de l’étudiant, et non sur le tableau national consultable sur le site du Conseil national de l’Ordre des médecins.  » Il ne s’agit toutefois pas d’une inscription définitive à l’ordre qui lui permettrait d’exercer la profession de médecin » précise l’Ordre.

Le docteur junior est un étudiant praticien en formation spécialisée, en phase de consolidation, ce qui lui permet de « parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. C’est la raison pour laquelle il suit sa formation sous le régime de l’autonomie supervisée », nous explique l’Ordre.

Le docteur junior reste un étudiant de 3e cycle, ce jalon de docteur junior est donc assez symbolique. Il vise à permettre à l’étudiant de prendre la mesure de ses responsabilités en lui permettant pour la première fois de porter le titre de docteur en valorisant le succès de sa soutenance de thèse, et d’être inscrit sur une liste tenue par l’Ordre départemental pour le sensibiliser à l’inscription future au tableau national de l’Ordre quand il sera devenu médecin spécialiste à l’obtention du DES.

Le statut de docteur junior existe depuis 2018, avant cette date on était interne jusqu’à la fin de ses études et on se présentait comme tel aux patients. En pratique, cela reste souvent le cas, les étudiants n’étant pas forcément demandeurs de se présenter comme « Docteur junior Untel » pour un statut qui finalement est purement administratif et jugé par fois infantilisant face aux patients. Il est vrai que le moment où ils pourront se faire appeler « Docteur Untel » et « médecin spécialiste » est au bout du parcours et plus très lointain sous réserve de DES en poche.

L’obtention du DES signe l’accès au titre de médecin spécialiste et à l’autonomie

On l’a compris, les étudiants en médecine sont docteurs juniors de façon temporaire, normalement pendant un à deux ans, jusqu’à la fin de leurs études. L’étape ultime est l’obtention du DES de leur spécialité. C’est à ce moment-là, DES en poche, qu’ils pourront commencer à porter le titre et se présenter comme médecin dans leur spécialité, qu’ils exerceront alors en toute autonomie. Dès lors, ils figurent dans le tableau national de l’Ordre des médecins, qui est d’accès public .

Dessin de presse : Milleray pour Science infuse

Merci aux lecteurs qui nous ont sollicité pour ce sujet via la rubrique « Articles à la demande », ainsi qu’à l’Ordre national des médecins pour le soin apporté à répondre à à nos questions.


Science infuse est le média d’information en ligne de Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique doté d’une Rédaction avec journalistes professionnels. Nous défendons farouchement notre indépendance. Nous existons grâce à vous, lecteurs. Pour nous soutenir, faites un don ponctuel ou mensuel.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
26 ⁄ 13 =