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Ostéopathie : cette discipline non éprouvée est aussi agréée par l’État pour les animaux

C’est une particularité française que l’engouement pour une pratique sans fondement médical, dont la science n’a pu montrer l’efficacité, dispensée sans diplôme reconnu par des écoles bénéficiant d’un agrément gouvernemental. Humains mais aussi animaux sont concernés

L’ostéopathie, c’est un « système » à la fois diagnostique et thérapeutique développé au XIXe siècle par un médecin américain. Le concept, c’est en gros de dire que quand tous les éléments du corps sont en ordre et bien placées, la santé est là, en cas de désordre survient la maladie. L’ostéopathie consiste à faire des manipulations essentiellement musculosquelettiques après un diagnostic palpatoire. Le fondateur insiste sur la notion d’ensemble, le tout (on dit aujourd’hui « holistique » en jargon pseudoscientifique). On dit que les rebouteux ou autres guérisseurs sans formation médicale sont les ancêtres des ostéopathes pour guérir au moyen de manipulations manuelles sur le corps des patients. Faire des manipulations sur une personne qui a des plaintes physiques n’est pas anodin, et peut présenter des risques, qu’il s’agisse d’un risque « passif » de défaut de prise en charge médicale nécessaire (perte de chance) mais aussi de manipulation inadaptées qui peuvent s’avérer dangereuses.

80 % des ostéopathes sont Français

En 2020, on comptait environ 45 000 ostéopathes dans le monde. De quoi se dire que ces « thérapeutes » (jargon pseudoscientifique pour des non professionnels de santé), sans formation médicale (mais qui aiment dire qu’il font de la « médecine manuelle ») représentent une pratique répandue. Sauf que lorsqu’on regarde la répartition, on s’aperçoit que l’écrasante majorité est en France, soit environ 35 000 ! À l’heure des déserts médicaux, cela fait une densité phénoménale d’à peine plus d’un ostéopathe pour 1900 habitants. La croissance est régulière, et de plus de 200 % entre 2010 et 2020.

Il faut aussi savoir que l’ostéopathie peut être pratiquée par des professionnels de santé (médecins) et des auxiliaires de santé (paramédicaux, principalement des masseurs kinésithérapeutes) ayant suivi une formation spécifique. Selon l’IGAS, on en dénombre 10 000 en France, habilités à faire des actes d’ostéopathie.

Répartition des ostéopathes selon la catégorie professionnelle en décembre 2021

DILA  Source: Registre des ostéopathes de France (ROF)

Qualité des formations en question

En 2023, l’IGAS a alerté sur l’hétérogénéité de la qualité des formations dispensées par les organismes de formation agréés, soit une trentaine, ceux qui autorisent les ostéopathes non médicaux/paramédicaux à s’installer. Ces praticiens ont l’habitude d’apposer sur leur plaque professionnelle la mention « D.O. » pour « diplôme d’ostéopathie », bien que les diplômes en question ne soient pas reconnus par l’État. Seules les organismes qui les dispensent le sont. L’IGAS considère que la formation dispensée par certaines écoles d’ostéopathie agréées ne répond pas aux critères d’exigence. L’IGAS s’inquiète également de la difficulté de l’organisme délivrant ces agréments, la Commission consultative nationale d’agrément (CCNA) à valider justement ces critères d’évaluation de la qualité pédagogique des formations et de niveau de compétences professionnelles acquises.
En résumé, la qualité des diplômes est en jeu et donc au final, la sécurité des personnes qui se risquent à consulter des ostéopathes.

Ostéopathie animale

Toutes les pseudosciences et autres pratiques alternatives sont intéressées par le segment des animaux. On trouve donc des organismes qui proposent des formations et diplômes d’ostéopathie animale, et des écoles vétérinaires qui forment ces derniers en la matière. En pratique, l’acte d’ostéopathie est reconnu en médecine vétérinaire depuis 2011, une réglementation a été mise en place en 2017. Elle comporte, à la différence de l’ostéopathie humaine, un examen d’aptitude pour tous les aspirants praticiens en ostéopathie animale. Le ministère de l’Agriculture a décidé l’an dernier de faire le bilan à 5 ans du dispositif et une mission d’évaluation a été constituée.
On comptait en France en 2021 selon l’Ordre des vétérinaires environ 1200 vétérinaires formés en ostéopathie animale et 220 personnes non vétérinaires avec autorisation d’exercice. Les chevaux sont particulièrement ciblés par l’ostéopathie animale, mais on imagine bien que le marché énorme des animaux de compagnie – chiens et chats – doit être convoité.

Plus d’exigences qu’en ostéopathie humaine

Le rapport fait état des difficultés des nouveaux entrants ostéopathes pour animaux à vivre de leur métier, alors que dans le même temps, les organismes de formation se multiplient. Ce n’est guère étonnant, vu la manne générée pour l’ostéopathie humaine très à la mode : 16 écoles ont été créées en 12 ans dont 11 rien que sur les 5 dernières années. De façon inquiétante, la mission d’évaluation a fait face à des difficultés pour obtenir des informations via internet sur le contenu des formations, qui restent imprécises et parfois même non fiables. Dans cette situation, le rapport considère que le dispositif d’épreuve d’aptitude, géré par le Conseil national de l’ordre des vétérinaires, est clé. Actuellement, le taux de réussite à l’admissibilité est de 47 %, et le taux d’admission de 60 %.
La mission propose aussi de sécuriser le niveau de formation en posant une barrière à l’entrée : bac +2 et « bagage scientifique ».
Enfin, elle recommande d’engager une réflexion avec des organismes de formation, pilotée par « expert de haut niveau indépendant et légitime », pour élaborer une référentiel commun de compétences.

Des idées sans nul doute à exploiter pour le dispositif relatif à l’ostéopathie humaine aux services pléthoriques mais dont on cerne mal la qualité.

Image d’en-tête : dessin de presse VHAE pour Science infuse

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