Réseaux sociaux : le Conseil d’État formule 17 propositions pour un meilleur usage et pour « placer l’utilisateur au centre »
Son étude annuelle 2022 intitulée « Réseaux sociaux : enjeux et opportunités pour la puissance publique » est parue hier
Cette publication tombe à point nommé sachant que l’Union européenne fait évoluer à son niveau la législation pour une meilleure régulation des services numériques des plateformes grand public avec le paquet législatif dont font partie le Digital services Act (DSA) et le le Digital markets Act (DMA).
Un communiqué de presse du Conseil d’État est paru hier, accompagnant le rapport, dont voici l’en-tête :
Le constat est fait : les réseaux sociaux comme toute innovation technologique est porteur du meilleur comme du pire, et à cela s’ajoute dans le cas des RS la complexité du cadre légal qui relève d’un véritable millefeuille tant de branches du droit sont concernées. Les recommandations visent, à redonner une place centrale aux usagers des plateformes en « leur redonnant le contrôle ».
Le rapport fait 324 pages, les courageux pourront s’y plonger, après avoir lu l’introduction elle-même introduite par deux citations que chacun appréciera selon sa sensibilité :
Peu après, nous avons trouvé intéressante cette tentative de définir ce qu’est un réseau social :
Pour le Conseil d’État, le réseau social sont piégeux, « structuré pour rendre captif son usager » via son « modèle d’affaire ». « Intrinsèquement problématique », juge le rapport.
« Cette économie, fondée sur l’addiction, a été désignée par la formule
désormais célèbre de Shoshana Zuboff comme une manifestation du « capitalisme
de la surveillance. » Pour attiser cette attention, le sensationnel, l’outrance, la haine
et le complot sont des moteurs bien plus puissants que la nuance et la vérité. »
Classement des réseaux sociaux les plus actifs dans le monde, en nombre d’utilisateurs (millions) en janvier 2022 :
Les 5 défis des réseaux sociaux à la source des 17 recommandations
- l’autonomie stratégique : les plateformes de RS sont des puissances nouvelles de taille mondiale à fortes technologie et poids économique (« quand la palabre devient de l’or ») s’affranchissant de « toute limite spatiale et temporelle » et détenant les données personnelles de leurs usagers
- la démocratie ! les RS donnent du poids à l’expression citoyenne, mais on y trouve aussi : manipulation et désinformation
- fonctionnement du débat public : les règles sont changées avec les RS. Si chacun peut faire entendre sa voix, on assiste à une « fragmentation voire à l’atomisation du débat public », Ce dernier est pourtant censé être encouragé par ce biais, d’où un paradoxe de mise en danger de la démocratie représentative. Les algorithmes sont pointés, mettant en avant l’excès, les contenus virulents et les moins nuancés.
- identité et intimité de l’individu : l’homme, un « animal social » modifié par les RS, avec les contours de la vie privée « redessinés ». À la clé, une redéfinition du rapport de l’individu au monde, et le défi de maitriser son image, « l’e-réputation pouvant se réduire en quelques clics ».
- la prise en compte des mutations économiques, sociales et écologiques du fait des réseaux sociaux. Des écosystèmes sur base d’influenceurs, community managers et social listening, les RS responsables de 4 % des émissions de gaz à effet de serre, les dangers de l’addiction, l’atteinte à la tranquillité publique (harcèlement, doxxing, réputation…)
Redéfinir les conditions générales d’utilisation et les fonctionnalités
Le Conseil d’État propose une concertation au niveau européen, impliquant toutes les parties prenantes (associations, utilisateurs et plateformes,…) pour élaborer des « standards minimums pour les CGU et les politiques de confidentialité », en vue d’un « droit à la participation » des utilisateurs.
Il réclame des outils permettant d’une part que les usagers connaissent ses droits et puisse faire l’usage qu’il souhaite des RS, et non le subir. Les « contenus recommandés, bloqués ou notifiés » devraient donc être sous leur maîtrise. Il préconise la mise à disposition de tableaux de bord pour que chacun vérifie les modalités de son usage : temps d’écran, valorisation de contenus, propos virulents sont notamment cités.
Améliorer et développer les outils de protection
Les modes de signalement sont pointé et vus comme essentiels pour protéger les droits des usagers et les victimes des plateformes. Le Conseil d’État préconise un portail unique de signalements provenant des plateformes et des boutons plus faciles d’accès pour les signalements sur plateforme.
La question de la protection des mineurs est pointée, avec le constat que nombre d’entre trichent sur leur âge pour accéder à des contenus et fonctionnalités réservés aux adultes.
Promouvoir des réseaux sociaux internes à l’administration
Premier point objet d’une recommandation : renforcer la culture des réseaux sociaux (RS) dans les administrations. Et oui, on utilise bien que ce que l’on connaît bien. Les générations les plus anciennes ne sont pas les plus familières avec les RS et l’encadrement dans les administrations semble concerné. En fait ici, l’enjeu est d’éviter à dessein les RS grand public via des messageries instantanées et plateformes internes aux administrations, Le Conseil d’État souhaite l’extension de ces outils encore centralisés aux collectivités territoriales.
Promouvoir l’action publique via les réseaux sociaux grand public
Le Conseil d’État voit les réseaux sociaux publics comme une opportunité pour l’information des citoyens concernant l’action publique, centrale et locale, pour une communication directe. Il y a là une notion de rendre compte des actions. Pour le Conseil d’État, les RS peuvent être « des relais à part entière des politiques publiques » et une « révolution des modes de relations entre l’administration et les administrés ».
Une crainte exprimée : « ne pas dévoyer » cet objet.
Former aux risques de mésusage
Le Conseil d’État met en avant les dangers des réseaux sociaux : désinformation, comportements inappropriés, et propose ainsi de former les fonctionnaires pour leur donner la capacité de « déterminer les limites à ne pas dépasser », et « protéger les agents d’éventuels propos malveillants ».
Le rapport prône l’usage de réseaux alternatifs car eux seuls « sont, pour l’instant, à même de proposer un espace suffisamment sécurisé et serein ».
Préparer l’avenir
Le Conseil d’État propose de poursuivre des chantiers importants : messageries privées, métavers, publicité ciblée comme enjeux d’avenir nécessitant préparation.
Sont évoqués également le « droit à la mort numérique » (on a bien un « droit à l’oubli » via le Règlement général de protection des données) et le droit des familles d’accéder aux données des défunts.
Toujours au niveau européen, le Conseil d’État propose d’établir une « charte des droits fondamentaux à l’ère numérique ».
Des évolutions à suivre de près, les réseaux sociaux relevant résolument de l’enjeu démocratique.
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