Anne Hidalgo quitte définitivement X (ex Twitter), l’infectiologue Karine Lacombe suit. Qui d’autre aura le courage de ses opinions sur le réseau social d’Elon Musk ?
Un mois après l’action molle #NoTwitterDay, deux personnalités quittent la plateforme. Vont-elles déclencher un mouvement de départ ?
Il y a un moi le 27 octobre, un trio d’activistes sur le réseau social Twitter racheté il y a un an par le milliardaire Elon Musk avait tenté une action : une journée d’abstinence du réseau social pour marquer un désaccord avec la politique et l’évolution du réseau social. Nous en avions parlé ici, pas convaincus par cette communication qui prenait plus l’apparence d’un timide sevrage de 24 heures que d’un action forte et significative, délivrant un message contre-productif et à ce titre largement exploité par ceux qui soutiennent le réseau social X.
Un coup médiatique noyé par une action forte et concrète
Aujourd’hui, 27 novembre, soit 2 mois jour pour jour après l’acquisition de Twitter par Elon Musk, c’est la maire de Paris Anne Hidalgo qui passe à l’action concrète. Elle a publié ce matin un long communiqué expliquant son départ définitif du réseau X, également publié en tant que tribune dans le journal Le Monde.
« J’ai pris la décision de quitter X. Loin d’être l’outil révolutionnaire qui, au départ, permettait un accès à l’information au plus grand nombre, X est devenu ces dernières années l’arme de destruction massive de nos démocraties ».
Voilà l’introduction explicative d’Anne Hidalgo concernant la fermeture de son compte sur le réseau X.
Elle poursuit avec l’essentiel de la justification de son départ : « Manipulation, désinformation, amplification des pulsions de haine, harcèlement organisé, antisémitisme bet racisme avérés, meutes attaquant les scientifiques, les climatologues, les femmes, les écologistes, les progressistes et toutes celles et tous ceux de bonne volonté qui souhaitent un débat politique serein et apaisé dans un monde de plus en plus complexe : la liste des dérives est infinie.«
Pour Anne Hidalgo, X est devenu « l’arme de destruction massive de la démocratie« .
« Seul compte le nombre de likes. Qu’importent les faits »
L’algorithme de X est ainsi visé.
Rappelons néanmoins, encore une fois, que cela n’a rien de nouveau. Les plateformes de réseaux sociaux fonctionnent à l’intensité de l’activité, plus il y a de vues des publications, mieux c’est. Plus les publications sont émotionnelles et sensationnelles, plus le fameux algorithme les promeut. C’est ainsi qu’il y a une prime à l’indignation, et c’est ainsi – aussi – que la défense de la science a été dévoyée et instrumentalisée avec des clans en oppositions qui jouent sur l’émotion.
Alors, qu’il s’agisse de science ou pas, et pour revenir vers la politique plus proche des préoccupations d’Anne Hidalgo : le système X vient « exacerber les tensions et les conflits« .
C’est une vérité indéniable. Et tout le monde ne joue, quel que soit le bord.
Intérêts privés aux manettes ?
Pour Anne Hidalgo, il ne s’agit pas uniquement comme on pourrait le croire, d’une volonté commerciale de développer la plateforme rachetée. Pour elle, « Il s’agit d’un projet politique très clair qui veut se passer de la démocratie et de ses valeurs pour de puissants intérêts privés. » Ces propos vont au-delà d’un projet commercial X pur. On a du mal à croire qu’Anne Hidalgo évoque uniquement l’initiative Twitter ici. Parle-t-elle des intérêts d’Elon Musk ou d’un consortium plus large, voire des forces politiques en jeu ? On ne sait pas puisque ces affirmations ne sont pas étayées.
Quoi qu’il en soit, la décision est forte, chacun sachant que toute personne publique politique ou autre pour qui la notoriété est essentielle, voit les réseaux sociaux comme des compagnons de route plutôt que comme des ennemis. Il y a donc indéniablement ici de la part de la politique une décision courageuse.
Karine Lacombe dans le sillage
L’infectiologue a acquis une notoriété certaine dans la crise sanitaire du Covid-19. On la connaît comme voix de la science, sachant qu’elle a toujours porté le discours basé sur les acquis de la science pendant la pandémie. Pour autant, elle est aussi pionnière et mène divers combats comme celui de la place des femmes en science et de la lutte contre le sexisme et le harcèlement des porteurs de la parole scientifique dont elle a été victime. Elle n’hésite pas à se démarquer et à être pionnière pour défendre ses propres idées.
Elle a signé la tribune #NoTwitterDay peu convaincante mais elle a décidé de suivre immédiatement Anne Hidalgo dans sa démarche : elle a annoncé quitter Twitter dans la foulée de l’annonce d’Anne Hidalgo, sur le réseau X : elle a déclaré cette après-midi même : « Comme Anne Hidalgo, je vais partir de X. Merci avec cette tribune de nous pousser à accélérer le mouvement« .
Le message est clair.
Alors, qui aura le courage de suivre cette voie ouverte par deux femmes courageuses ? Difficile de faire des pronostics. Beaucoup de détracteurs d’Elon Musk et de sa politique Twitter depuis un an exploitent le réseau et le comble est que certains d’entre eux payent un abonnement volontairement, ce qui les met en relation d’affaires avec le milliardaire. La recherche de notoriété sur les réseaux sociaux est une réalité, quand bien même, hypocritement, on s’en défend et fustige ceux qui le permettent. Intérêts personnels sur base de « business is business » ? Elon Musk sait certainement l’exploiter.
Une affaire à suivre. D’autant que jusqu’ici les annonces fracassantes de départ du réseau ont souvent relevé de la mise en scène. Pour quelques « likes » ?
Image d’en-tête : capture d’écran du profil d’Anne Hidalgo sur le réseau social X le 27/11/2023
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