La plupart des personnes sont favorables au partage des vaccins avec d’autres pays – nouvelle étude
Par Philip Clarke, Professor of Health Economics, University of Oxford, Laurence Roope, Senior Researcher, Health Economics, University of Oxford, Raymond Duch, Director of the Nuttfield Centre for Experimental Social Sciences, University of Oxford
Contagion, un film de 2011 portant sur une pandémie de grippe, se termine par l’attribution des premières doses d’un vaccin par tirage au sort.
Les vaccins COVID-19 sont maintenant déployés, y compris par tirage au sort dans certaines régions des États-Unis. Les gouvernements du monde entier doivent écrire leur propre scénario pour ce qui pourrait être considéré comme la suite de ce film, couvrant la période allant de la livraison initiale du vaccin à son utilisation dans la lutte mondiale contre le COVID-19.
Certains pays riches, comme le Royaume-Uni et les États-Unis, ont vacciné une grande partie de la population. Ces pays ont pu obtenir des contrats pour la fourniture préférentielle de plusieurs vaccins, et disposent de contrats ou d’options pour suffisamment de doses pour vacciner tout le monde plusieurs fois.
Pour le reste du monde, l’accès aux vaccins est beaucoup moins certain. Si les dirigeants du G20 se sont engagés à assurer une distribution équitable des vaccins contre le coronavirus dans le monde entier, des défis importants restent à relever. Covax, une initiative qui vise à garantir que tous les pays auront un accès égal aux vaccins COVID-19, présente un déficit de financement de 4,3 milliards de dollars US (3,1 milliards de livres sterling) pour acheter les vaccins nécessaires. Certains pays devront peut-être attendre au moins jusqu’en 2022 avant que même les plus vulnérables soient vaccinés.
Les avantages d’un accès mondial rapide aux vaccins COVID-19 sont évidents. Une étude de modélisation a suggéré qu’une stratégie dans laquelle l’allocation des doses au niveau international est proportionnelle à la taille de la population des pays est proche de l’optimum pour éviter les décès. Il est important de noter qu’une telle stratégie réduirait également le risque d’émergence et de propagation de nouveaux variants, dont certains pourraient être résistants à nos vaccins actuels.
Le rythme de diffusion des vaccins influe également sur la rapidité de la reprise économique. On a estimé que le coût économique du nationalisme en matière de vaccins – où quelques pays font pression pour obtenir un accès préférentiel – pourrait représenter jusqu’à 1,2 mililards de dollars par an pour l’économie mondiale.
En outre, des appels ont été lancés pour que les pays développés mettent à disposition une partie de leurs doses de vaccin à titre de tampon humanitaire pour des groupes tels que les demandeurs d’asile. Lors de la précédente pandémie de grippe H1N1 (grippe porcine), les pays développés ont coordonné leurs efforts pour produire un vaccin destiné à protéger les plus pauvres dans le monde. Le président Obama s’était notamment engagé à faire don de 10 % des stocks de vaccins américains, ce qui avait été soutenu à l’époque par l’opinion publique.
Un soutien massif au partage du vaccin
L’opinion publique est un facteur clé qui pourrait déterminer la volonté des gouvernements de placer les stocks de vaccins COVID-19 à la disposition d’autres pays. En d’autres termes, la population des pays qui disposent déjà de vaccins est-elle prête à donner une partie de ses doses ?
Alors que les sondages d’opinion sur les attitudes à l’égard de l’aide étrangère ne datent pas d’hier, il y a étonnamment peu d’informations sur les attitudes du public à l’égard de l’aide aux vaccins COVID-19. Pour y remédier, nous avons entrepris une enquête internationale auprès d’échantillons représentatifs de 8 209 adultes d’Australie, du Canada, de France, d’Italie, d’Espagne, du Royaume-Uni et des Éats-Unis. Tous ces pays ont pré-acheté un ou plusieurs vaccins COVID-19 par le biais d’accords nationaux ou d’arrangements multilatéraux tels que le pré-achat par l’Union européenne.
En adaptant une question posée précédemment dans le contexte du H1N1, nous avons demandé aux personnes interrogées si elles étaient favorables à ce que leur gouvernement fasse don de certaines doses de vaccin COVID-19 pour les distribuer aux pays pauvres qui n’ont pas les ressources nécessaires pour acheter leur propre vaccin. Les personnes disposées à faire un don ont indiqué si elles préféraient une quantité supérieure, égale ou inférieure à 10% du stock du pays.
Nos résultats, qui ont récemment été publiés dans Nature Medicine, montrent une remarquable uniformité d’opinion entre les pays, avec entre 48 % et 56 % de personnes favorables à un certain niveau de don de stocks de vaccins. Parmi ceux qui sont favorables aux dons de vaccins, plus de 70 % sont en faveur du don d’au moins 10 % des doses de leur pays.
Le graphique ci-dessous montre l’accord moyen sur trois arguments différents pour donner la priorité à la distribution mondiale des vaccins (où zéro signifie très en désaccord, et 100 signifie très en accord).
Comment les vaccins devraient être répartis, selon le public
Le public est favorable à une allocation basée sur le besoin, suivi de l’incapacité à acquérir la vaccination. Il existe moins de soutien au fait de donner la priorité à l’allocation aux habitants des pays qui ont développé les vaccins. Il semblerait donc que les gouvernements disposent d’un soutien majoritaire pour commencer à mettre en œuvre leurs promesses de distribution des vaccins COVID-19 dans le monde.
Comme de nombreux politiciens le savent, le soutien du public peut être éphémère et ils doivent donc communiquer les avantages majeurs qu’un programme de vaccination mondial efficace apporterait, non seulement aux bénéficiaires, mais aussi aux donateurs.
Plus généralement, comprendre et éventuellement influencer l’opinion publique seront des éléments importants de toute stratégie à long terme visant à combattre le COVID-19 et à prévenir de futures pandémies.
Préparer l’avenir
Au-delà de COVID-19, le soutien de l’opinion publique sera vital pour mettre en place des institutions de santé publique nationales et internationales durables, capables de contribuer à la prévention de futures pandémies.
La plupart des institutions internationales actuelles, comme l’Organisation mondiale de la santé, ont été créées au lendemain de la seconde guerre mondiale. La réussite d’un effort international coordonné pour lutter contre le COVID-19 pourrait servir de base à la mise à jour et à la réforme de ces institutions pour les adapter au XXIe siècle.
Les suites de films sont rarement à la hauteur de l’original, mais il serait difficile de faire mieux qu’une fin dans laquelle la menace du COVID-19 serait effectivement éliminée de la planète.
Traduit par Citizen4Science – Article original paru dans The Conversation le 19/04/2021 – lien vers l’article original