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Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) publie une recommandation « anti-cadeaux » aux journalistes

C’est le troisième position du l’instance consultative après celle relative au traitement des erreurs dans les articles journalistiques. et celle relative au traitement des questions scientifiques que nous avons largement commentée.

Evidemment, en tant que service de presse piloté par une association qui fait de la médiation scientifique particulièrement dans le domaine biomédical, on pense directement au dispositif « anti-cadeaux » qui s’applique de façon réglementaire aux relations entre les professionnels de santé avec les prestataires et fabricants de l’industrie pharmaceutique. Nous en avons parlé récemment avec le scandale des laboratoires URGO, qui viennent d’être condamnés pour avoir violé ce dispositif auprès des pharmaciens d’officine, offrant des cadeaux à la place de ristournes contractuelles.

Et puis il y a la polémique récente : des journalistes ont été invités par le président de la République Emmanuel Macron à un déjeuner où il leur a livré des « éléments de langage » concernant la réforme des retraites actuellement en cours de discussion houleuse sur fond de grèves massives. Certains détracteurs de l’événement voient de la corruption à accepter une telle invitation, pendant que d’autres et en particulier des journalistes considèrent normal d’aller à la source des informations.

La recommandation du CDJM qui vient d’être publiée a été entérinée le 10 janvier 2023, indique le document disponible sur le site de l’association consultative.

Postulat : non aux cadeaux

Déjeuners, dîners, voyages, cadeaux, les journalistes sont très sollicités, aussi le CDJM souhaite-t-il proposer quelques « repères déontologiques » avec en toile de fon un principe de base : « un journaliste n’accepte pas de cadeaux, sous quelque forme que ce soit » dans l’exercice de ses fonctions, rappelant que la remise de cadeaux à un journaliste n’est jamais désintéressée.
Il précise que l’acceptation de cadeaux est en opposition avec les « règles de rigueur, d’exactitude, d’impartialité, d’équité et d’intégrité » qui président à la profession de journaliste.

Un abécédaire en guise de bonnes pratiques

C’est le format choisi pour présenter les recommandations. Passons-les en revue.

L’Accès gratuit à des événements est courant pour les journalistes (manifestations sportives ou culturelles, salons professionnels). Le CDJM précise de ne jamais les accepter en échange d’un article, la liberté éditoriale devant rester totale. Dans le même ordre d’idée, il ne faut pas accepter une relecture ou validation imposée par l’organisateur de l’événement.

Comme indiqué en introduction, le principe pour le CDJM est de refuser tout Cadeau « autre que symbolique« . Pour cela il suggère que la rédaction indique une valeur maximale acceptable.
Les cadeaux « journalistiquement utiles qui sont davantage des outils de travail » que des cadeaux sont acceptables.

Nous avons interrogé Yann Guégan, journaliste et vice-président du CDJM sur ce que peut être en pratique un cadeau journalistiquement utile. Il nous répond qu’il s’agit un objet dont le journaliste peut avoir besoin pour faire son travail, par exemple un livre à chroniquer ou un jeu vidéo à tester. Voir aussi à “Rubricard” dans notre recommandation ».

Notre commentaire : Certains cadeaux seraient donc acceptables selon leur destination, indépendamment de leur valeur monétaire.

Le journaliste doit se mettre à l’abri des Conflits d’intérêt et demande à être déchargé du sujet le cas échéant.

Notre commentaire : il est normal quel que soit le métier d’avoir une politique pour la gestion des conflits d’intérêt. Mais on ne voit pas trop le rapport avec les cadeaux et invitations, d’autant que le principe est de ne pas les accepter.

Pour le CDJM, un cadeau peut être accepté par Courtoisie « exceptionnellement au titre de relations conviviales de « bon voisinage ». Mais sans obligation en contre-partie.

Nous avons également demandé des précisions à Yann Guégan à ce sujet, qui précise : « Le seuil pour les “cadeaux de courtoisie” est à définir dans chaque rédaction« . En guise d’exemples il évoque « le carnet et stylo offert aux participants d’une conférence, un totebag ou un mug« 

Notre commentaire : donc plutôt ici C comme Clause d’exception.
Accepter des cadeaux par courtoisie est compréhensible mais on l’on peut très bien expliquer la politique de non acceptation en la matière, désormais même en citant la recommandation du CDJM. Quant au « bon voisinage »…. les relations dans l’exercice de sa profession peuvent-elles être l’objet de principes de « bon voisinage » ?
On est quant même rassuré par les réponses de Yann Guégan : fixer un seuil monétaire pour ce type de cadeaux, ce qui aurait pu figurer dans le texte de la recommandation.

Le CDJM préconise que les journalistes informent sa Hiérarchie de tout cadeau, avantage, etc. et que la Rédaction entière quelle que soit son niveau hiérarchique soit soumise aux règles de ces bonnes pratiques.

Les invitations à repas sont acceptables uniquement si strictement ponctuel et au motif professionnel. « Mieux vaut inviter qu’être invité« , conseille le CDJM ainsi que de proscrire les conjoints.

Le CDJM considère que la Ligne éditoriale ne doit en aucun cas être influencée par « ce qui est reçu ou offert« .

Les journalistes en charge d’une rubrique ne doivent pas être influencés par les Marques « qui le sollicitent avec des nouveautés au détriment de celles qui le font moins. Il doit être conscient de la pression des marques et s’en libérer pour choisir les produits qu’il chroniquera. »

Notre commentaire : quel rapport avec les cadeaux et invitations ? Ou alors faut-il comprendre que les « pressions » évoquées sont à base de cadeaux ? C’est bien possible avec les « Rubricards », voire ci-dessous.

La Mise à disposition (véhicules, matériel électronique, articles de mode ou autre) ne peut être que ponctuelle et limitée dans le temps nécessaire au reportage ou test.

Un point est dédiée aux contacts de Politique (acteurs de la vie publique) : les additions doivent être réglées de préférence par le journal sur note de frais, comme ça pas de « retour » (d’ascenseur).

Le CDJM suggère que les objets envoyés spontanément à un journaliste « qui n’en a pas l’utilité professionnelle » soient renvoyés à l’expéditeur.

Commentaire : voilà qui valide donc que ce que l’on reçoit qui est utile professionnellement n’est pas considéré comme un cadeau…

Un point final sur les Rubricards (responsables de rubrique, les amenant à tester des nouveaux produits) qui doivent être soumis à forte exigence éthique : aucun cadeau pour usage personnel n’est acceptable, dit le CDJM.
Notre commentaire : donc pour usage professionnel, oui, comme déjà précédemment vu.

Conclusion

Cette nouvelle recommandation du CDJM est bienvenue. Pour la rendre effective par les services de presse il faudra néanmoins l’intégrer dans les politiques et procédures des Rédactions, et il faudra définir ce fameux seuil monétaire qui fait qu’un cadeau n’est plus symbolique et doit être refusé.

Le bémol : les cadeaux d’usage professionnel sont acceptés même hors « rubricards ». Cela laisse la porte ouverte à tout, puisque c’est bien un cadeau de valeur monétaire. Puisque c’est défini comme un « outil journalistique », c’est utile, donc le journaliste, ou son service de presse en fait l’économie de l’achat. Idem pour les cadeaux dits de « courtoisie », non nécessairement d’usage professionnel. Il faudrait donc définir, comme évoqué par Yann Guégan, d’autres seuils monétaires d’acceptabilité.

On pourra trouver dommage que le CDJM ne se soit pas rapproché du dispositif anti-cadeau sans concession que nous évoquions en introduction concernant l’industrie pharmaceutique : les cadeaux sont des avantages quel que soit l’usage et la destination, et même la fréquence, et les proscrire sans exception est sans doute la seule façon d’y couper court, si telle est réellement la volonté (hors cas particulier et sensible des Rubricards). Mais peut-être est-ce une étape nécessaire s’agissant d’une recommandation nouvelle du CDJM.

Pour aller plus loin

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