Littératie en santé : Près de la moitié des Français ont des difficultés à comprendre les informations médicales
C’est ce que révèle une enquête internationale de l’Organisation Mondiale de la santé (OMS) à laquelle la France a pris part pour la première fois. La recherche médicale n’est pas épargnée par les problèmes de compréhension du monde de la santé
La littératie scientifique, c’est la capacité à comprendre et à utiliser les informations dans le domaine de la science : décoder et interpréter les textes y compris contenus internet, les schémas, les graphiques. En bref, comprendre et analyser les informations en question. La littératie dans le domaine de la santé est considérée comme un composant majeur de santé publique, le niveau de littératie en la matière ayant un impact sur la santé même de la population.
HLS19 : une enquête fruit d’une collaboration internationale
‘HLS’ est l’abréviation de « Health Literacy Survey », qui signifie « Enquête de littératie en santé ». Une première enquête internationale HLS avait eu lieu en 2009 – 2012, conduite par le réseau Action Network on Measuring Population and Organizational Health Literacy (M-POHL) créé sous l’égide de l’initiative européenne d’information sur la santé de l’OMS/Europe.
La nouvelle étude a eu lieu de 2019 à 2021. Elle a concerné 15 pays dont la France pour la première fois. Pour cela, il a fallu, comme pour tout pays participant, valider les outils de mesures utilisés dans l’enquête LS (littératie en santé) en langue française. Ces outils ont ensuite permis de mesurer le niveau de LS de la population et d’identifier les principales difficultés rencontrées dans ce domaine. Une analyse des résultats a été faite en fonction des données sociodémographiques des participants, ainsi que d’autres variables d’intérêt. L’enquête a été menée en ligne de mai 2020 à janvier 2021 auprès de 2 003 adultes résident en France métropolitaine, issu d’un panel d’Ipsos ISay sélectionné selon la méthode des quotas pour permettre d’obtenir un échantillon représentatif de la population.
44 % des Français en difficulté, avec l’information santé mais aussi les professionnels de santé
Le résultat de l’étude montre que près d’une personne adulte interrogée sur trois a un niveau de littératie en santé « problématique », et 14 % un niveau jugé « inadéquat ». Cela fait près de la moitié des personnes ayant des difficultés à comprendre et analyser les informations et données relatives à la santé. D’autres paramètres de littératie ont été explorés : la difficulté à naviguer dans le « système santé » français pour les trois quarts des personnes (73 %) y compris les informations de santé disponibles en ligne sur internet. En outre près d’un tiers des personnes (29 %) ont des difficultés de communication avec les professionnels de santé.
Un problème international
L’enquête le prouve, cette insuffisance marquée en littératie santé n’est pas spécifique à la France, des résultats étant disponible dans de nombreux pays de l’Union européenne mais aussi en Suisse, Israël, Russie.
Voici, pour un peu plus de concret, le pourcentage des réponses des participants « très difficile » ou « difficile » pour les items de la partie de l’enquête HLS Q12, en bleu pour les participants Français, le rouge représentant la moyenne multinationale.
Perception de la recherche médicale en France
Parmi les groupes professionnels, les médecins sont ceux à qui les Français accordent le plus de confiance, suivi des scientifiques. On voit qu’au contraire les politiques ne sont pas considérés comme dignes de confiance, de même que les journalistes.
Les essais cliniques, c’est-à-dire l’évaluation des candidats médicaments chez les humains, étaient très peu connu du grand public avant la pandémie. La perception de connaissance est aujourd’hui bien différente, probablement lié à la médiatisation de l’affaire Raoult et son étude clinique géante de l’hydroxychloroquine dans le Covid-19, considérée comme « sauvage » car ne respectant pas les critères éthiques et réglementaires. Quasiment tout le monde déclare connaître le terme « essai clinique » et la majorité savoir de quoi il retourne. Plus d’une personne sur cinq pense maîtriser le sujet.
Pourtant, c’est un domaine très spécialisé et technique. La perception n’est pas la réalité, comme le démontre les résultats de littératie dans ce domaine, qui a été exploré par l’enquête. Sur ces aspects, on connaît bien le phénomène des faux experts, notamment sur les réseaux sociaux : Beaucoup d’internautes novices en santé et/ou de toute pratique se sont bombardés experts en recherche clinique et souvent en Covid-19, épidémiologie et vaccinologie, un sujet à la mode et valorisant ces dernières années.
La réalité de l’enquête, c’est que la finalité, la méthodologie et les principes éthiques ne sont pas maîtrisés, comme le montre le fait que 43 % des répondants pensent qu’un essai clinique est une opportunité d’éviter un traitement que l’on ne souhaite pas, 15 % qu’un essai clinique est réservé aux personnes en danger de mort, 27 % que les essais cliniques font des participants de simples « cobayes », 20 % qu’un traitement expérimental est un traitement comme un autre.
Dans l’incompréhension des essais cliniques, un facteur est joué par la perception de l’industrie pharmaceutique, historiquement mal perçue en France, et non comprise dans son rôle et son importance. Ainsi un tiers des Français pensent que les industriels du médicament ne devraient pas avoir de rôle important dans la recherche médicale et pour près des deux tiers, pas de responsabilité dans le domaine. Or l’industrie pharmaceutique est le principal promoteur et concepteur d’essais cliniques et garant des normes de qualité en la matière. Dans les perceptions erronées aussi, on constate qu’un tiers des Français croient que la recherche médicale est réalisée uniquement par des médecins. C’est faux puisque les médecins (praticiens) ne sont pas ceux qui conçoivent et analysent les essais cliniques. On peut en conclure que la médiatisation et l’appropriation de ce domaine complexe par des non experts des domaines de la recherche médicale et clinique n’a pas aidé à développer la littératie en santé sur ces aspects, mais a développé une perception fausse de connaissance du sujet.
Image d’en-tête : Andrea, graphiste pour Science infuse
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