PAXLOVID de Pfizer : oui, mais…
L’arrivée fin janvier sur le marché de l’antiviral par voie orale est prometteuse, mais il y a un peu d’ombre théorique au tableau
Vous êtes une personne à risque de forme grave de Covid, et venez d’être contaminé(e) par le SARS-CoV2 : muni de votre ordonnance, vous récupérez votre boîte de Paxlovid – 30 comprimés à la pharmacie et hop : 3 comprimés matin et soir pendant 5 jours et vous êtes censé(e) être hors d’affaire, D’autant que le mécanisme d’action est antiviral via inhibition de la protéase3C-like indispensable à la réplication du virus n’est remis en cause par aucune mutation connue des variants significatifs à ce jour.
Le tableau est presque idyllique en tout cas plein d’espoir avec des données cliniques d’étude montrant une forte réduction du risque d’hospitalisation (85 %) et des décès. Dernièrement, Pfizer a indiqué l’efficacité de son produit sur Omicron, ce qui reste à confirmer.
La France en a commandé 500 000 doses, et le médicament est déjà disponible en Israël et aux États-Unis et la Haute autorité de santé (HAS° a autorisé l’accès précoce au traitement le 21 janvier dernier, alors que le « concurrent » molnupiravir de Merck a été refoulé.
Vous voulez en savoir plus sur le mécanisme d’action du Paxlovid ? Voici des planches BD très ludiques (en anglais y compris voix off)
Les risques de l’association (nirmatrelvir + ritonavir) : les interactions
Le premier est le fameux inhibiteur de protéase (enzymes virales), le second qui joue le rôle d’adjuvant en ralentissant l’élimination du premier est un produit utilisé de longue date en infectiologie pour le VIH et l’hépatite C.
Premier risque : l’association elle-même
La Société française de pharmacologie a déjà mis en garde : le ritonavir peut potentiellement entraîner un surdosage de nirmatrelvir dans le sang, le danger est sérieux et peut mettre la vie du patient en danger.
Classiquement, le danger étant associé à une concentration trop élevée dans le sang : une insuffisance rénale ou hépatique contre-indique l’utilisation du Paxlovid car ces pathologies freinent l’élimination du médicament.
Second risque : les interactions avec d’autres médicaments
La prudence est de mise : ce couple de molécules associées à d’autres traitements que peut prendre le patient – et le risque existe puisque par principe le Paxlovid est destiné aux patients à risque et fragiles, donc souvent atteints de co-morbidités, dont les immunodéprimés, le plus souvent sous traitement.
Dans la première phase d’utilisation, il va falloir être très prudent : tenir compte des interactions théoriques/prévisibles, grâce à la science essentielle de la pharmacologie, et aussi observer de façon étroite les effets, et là le rôle de la pharmacovigilance va être crucial.
Mise à jour 27/01/2022 : la Société française de pharmacologie thérapeutique vient de publier des Recommandations thérapeutiques dans le cadre d’associations de médicaments avec le Paxlovid. Elle précise en introduction :
‘le risque d’interactions médicamenteuses ne doit pas constituer un frein à
l’utilisation du Nirmatrelvir/Ritonavir chez le patient pouvant bénéficier de ce traitement
antiviral. A l’exception de quelques situations particulières ou la co-prescription est
impossible, il est possible soit : de maintenir le traitement du patient, de l’interrompre
pendant la durée du traitement antiviral, ou d’adapter les posologies des médicaments co-prescrit »
Un gros travail qu’on ne peut que saluer, avec 4 pages de tableaux décrivant les risques existants ou non d’interactions médicamenteuses, par classe thérapeutique et pharmacologique. Exemple :
Effets indésirables : confirmés
Les essais cliniques ont montré des troubles digestifs essentiellement, ce qui est confirmé par les données d’utilisation dans le monde réel en Israël, qui apparaissent en termes de patients concernés assez significatifs.
Échappement immunitaire à évaluer
Ce risque potentiel qui entraîneraient des résistances au médicament existe d’autant qu’on a comme cible pour le Paxlovid la population des immunodéprimés.
Accès au traitement : course contre la montre
La fenêtre d’action est courte pour bénéficier du traitement, puisqu’il faut administrer le Paxlovid dès que possible après infection et au maximum dans les 3 jours. Voilà qui risque de limiter fortement l’accès dans une période où l’infrastructure de test est débordée avec la vague Omicron.
Cohorte de suivi
La HAS préconise la mise en place d’une cohorte de suivi qui permettra un contrôle étroit des effets du Paxlovid : efficacité tant sur le plan clinique qu’immuno-virologique, effets indésirables, interactions médicamenteuses, risque de résistance/échappement immunitaire.
Mine d’or potentielle pour Pfizer
Du côté du laboratoire côté économique, si Paxlovid tient ses promesses, ce sera un nouveau jack-pot , après le vaccin ARNm contre le Covid développé avec BioNTech.
Pfizer a investi 1 milliard de dollars pour produire et distribuer ce médicament, les usines tournent à plein avec une prévision de 120 millions de traitements en 2022. En France, c’est Novasep qui a décroché un contrat de production du nirmatrelvir pour son site de Mourenx (Pyrénées atlantiques), démarrage au début du 2e semestre.
Accès pays du Sud
La problématique « levée des brevets » ne se pose pas ici, car Pfizer a passé un accord avec le Medicines Patent Pool mi-novembre permettant des licences et sous-licences libres pour fabriquer des génériques du Paxlovid pendant la durée de la pandémie, dispositif bénéficiant potentiellement à plus de la moitié de la population mondiale dans 95 pays.
Cela étant permis par le fait que le médicament est facile à fabriquer. Rien à voir avec la problématique des vaccins ARNm.
Pour l’heure, préparons-nous à une surveillance étroite de ce médicament disponible incessamment en France, et scrutons son usage dans les pays qui en bénéficient aussi.
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