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Rétractation d’une étude attribuant 17 000 morts à l’hydroxychloroquine dans le Covid-19 pour manquements méthodologiques : quelles conséquences ?

On évoque plus souvent des études rétractées pour falsification de données ; nous avons ici un cas de méthodologie défaillante à plus d’un titre. Ce travail de mauvaise qualité promu par des militants politisés et largement relayé dans la presse brouille les pistes tant sur le mésusage de la molécule pendant la pandémie que sur les véritables porteurs de la parole scientifique

Il s’agit d’une étude qui évaluait les décès liés à l’administration d’hydroxychloroquine comme traitement du Covid-19 dans six pays, publiée en janvier 2024 dans le journal Biomedicine & Pharmacology appartenant au grand groupe d’édition Elsevier. Pour ce groupe de six pays soit la Belgique, la France, la Turquie, les États-Unis, l’Italie et l’Espagne, l’étude estimait que la molécule utilisée de façon compassionnelle à l’hôpital pendant la première vague de la pandémie avait entraîné 17 000 décès.

Les résultats de cette étude sont scientifiquement ont été très justement décriés et invalidés car ils avancent un chiffre « sorti du chapeau ». Par ailleurs, la genèse de ce travail interroge, car cette étude rétractée semble s’inscrire dans une lutte organisée entre clans sur le réseau social X (anciennement Twitter) opposant un clan pro-Raoult et un clan anti-Raoult qui de part et d’autres tentent de se porter des coups en instrumentalisant la science.

Didier Raoult et l’hydoxychloroquine dans le Covid-19

Il est question ici en permanence de protéger ou de porter atteinte au professeur Didier Raoult, pourtant retraité. Ce dernier avait intensément promu l’usage de l’hydroxychloroquine (médicament utilisé dans le traitement du paludisme et du lupus erythémateux) dans le traitement du Covid-19 en 2020 et 2021 et administré la molécule à des milliers de patients à l’IHU de Marseille. Or l’administration du médicament hors indication autorisée est de la recherche clinique, soumise à autorisation préalable par les autorités de santé et consentement éclairé écrit de chaque patient afin de s’assurer qu’il accepte de participer à une recherche médicale, sa nature, contraintes, risques et bénéfices potentiels. En outre, la conception de cette étude ne permettait pas de conclure à l’efficacité ou non de l’hydroxychloroquine dans le Covid-19 malgré les affirmations péremptoires du Pr Raoult, donnant de faux espoirs au public.

Les lanceurs d’alerte précoce

Dès la publication de cette étude « 17 000 morts », des voix s’étaient levées pour critiquer la valeur scientifique publiée en février 2024 par le journal Biomedicine & Pharmacotherapy, signée par Alexiane Pardelle, Sabine Mainbourg, Steeve Prochencher, Emmanuel Massy, Guillaume Grenet et Jean-Christophe Lega, pour la plupart affiliés aux Hospices civils de Lyon.

On notera particulièrement l’article du journal belge Le Soir, qui dès le 4 janvier 2024, sous la plume de la journaliste Anne-Sophie Leurquin, se lançait dans un fact-checking condamnant le sérieux de cette étude avec un verdict « FAUX » au jeu du « vrai ou fake ». L’article titrait : « L’hydroxychloroquine a-t-elle vraiment coûté la vie à 17.000 personnes ? » La réponse était donc un « non » rédhibitoire. « Un calcul hâtif qui pourrait être surestimé comme sous-estimé et dont les résultats ne correspondent pas à la réalité belge… »

Sur les réseaux sociaux, quelques voix s’étaient levées pour confirmer et saluer l’article de notre confrère belge, ici avec la diffusion de l’article complet du confrère :

Entouré, l’avis d’un expert en pharmacovigilance, doyen de la faculté de médecine, qui résume bien le problème : « Ce chiffre de 17 000 morts ne veut absolument rien dire ! « .
Il faut saluer Anne-Sophie Leurquin aussi pour le fait de ne pas céder à la facilité de nombreux médias français qui puisent dans le vivier des réseaux sociaux pour s’appuyer sur des militants politisés de clans sans expertise en la matière médicale, manque d’expertise souvent inversement proportionnelle à la véhémence des propos et à la recherche de lumière. La journaliste est allée cherche un expert en la matière et précisément la matière abordée par l’article, la pharmacovigilance.

Processus et motifs de la rétractation par l’éditeur

L’éditeur explique dans sa note apposée sur l’article rétractée que le journal avait été mis au courant de débats de lecteurs concernant l’article, et qu’il avait reçu de nombreux courriers. Au départ, il était question de publier ces correspondances accompagnées des réponses des auteurs. Mais, vu « l’étendue et la profondeur des critiques », le responsable éditorial a décidé de modifier l’approche et de soumettre la question au Comité d’éthique des publications (Committe on Publication Ethics, COPE). Cette structure promeut l’intégrité de la recherche et des publications associées. Ce processus a amené le rédacteur en chef du journal a rétracter l’article. Il invoque à ce titre un double problème lié à la méthodologie de l’étude :
« 1. La fiabilité des données et le choix de données. En particulier, l’ensemble de données belges a été déterminé comme n’étant pas fiable sur la base des estimations
2. L’hypothèse selon laquelle tous les patients admis à l’hôpital ont été traitées de la même façon pharmacologiquement était incorrect. »

Sur cette base, les conclusions de l’étude ne sont pas fiables, nécessitant la rétractation de l’article.

Science versus Pseudoscience : le raisonnement scientifique substitué par la rationalisation

Ce malheureux épisode de rétractation nous amène à réfléchir à l’instrumentalisation de la science, un danger omniprésent comme on a pu le voir de façon spectaculaire pendant les années de pandémie de Covid-19. Il s’agit, en réalité des techniques utilisées par la pseudoscience : valider un message en l’enrobant dans un discours scientifique, voire une démonstration biaisée . C’est ce que l’on peut expliquer en opposant la démonstration par le raisonnement scientifique, par comparaison au raisonnement par rationalisation qui part d’une conclusion prédéfinie.
On en trouve l’illustration dans l’un de nos articles de la série consacrée à la pensée critique :

Infographie ThinkingIsPower et Citizen4Science – Copyright

Ce sont là les dangers du militantisme. À force de marteler un message et avec l’envie de l’appuyer, on peut être amené à en construire la démonstration de façon fallacieuse. C’est exactement le message de l’expert belge en pharmacovigilance de l’article du Soir quand il parle de cette volonté dangereuse de vouloir réécrire l’histoire, ici pour des raisons politiques (chasse à l’homme) ou pour se mettre personnellement en avant.

Militants sans expertise en la matière et aux actions douteuses

La chasse à l’homme ou sa défense n’a rien d’un combat scientifique. On perçoit bien avec les péripéties « pro-Raoult » et « anti-Raoult » qu’elle est instrumentalisée et finit par avoir le rôle du punching-ball qui encaisse les coups et atteintes à son intégrité. Pour ces clans en opposition, tout ce qui va dans le sens de leur message est bon à prendre et à promouvoir pour des intervenants qui n’ont pour beaucoup aucune formation ni pratique dans le domaine de la santé et du médical.
Concernant cette étude rétractée, certains « pro-Raoult » n’hésitent pas à suggérer que les « anti-Raoult » seraient les commanditaires de ce travail peu recommandable. Il faut dire qu’il y a des précédents qui ne font pas de cette hypothèse une idée totalement farfelue. En effet, il y a quelques mois en 2023, ce groupe de militants avaient monté une opération farfelue qu’ils avaient confié être un « outil marketing » après qu’elle ait été démasquée : la promotion d’une association de victimes de l’hydroxycholoroquine visant Didier Raoult. Nous avions relaté cette histoire rocambolesque d’association fantôme qui avait percé dans les médias sans la moindre vérification de son existence ni des qualifications et antécédents de sa présidente autoproclamée.

Brouillage des pistes sur la notion d’expertise et l’identification des experts

On note de façon similaire pour cette étude rétractée un relais très fort des médias, qui ont repris comme vérité, sans analyse ni consultation d’experts les résultats de l’étude biaisée, dont en premier lieu, évidemment, les médias particulièrement poreux aux militants « anti-Raoult » très « bruyants ». Reste à savoir s’ils vont faire autant de publicité pour cette rétractation, ce qui serait la moindre des choses pour avoir porté la mauvaise science.

Quoi qu’il en soit, la rétractation de cette étude biaisée qui avait bénéficié d’une médiatisation intense est à nouveau une opération qui brouille les messages des véritables porteurs de la science et experts en la matière ; ceux qui sont capables de résister à l’appel de militants politisés agissant sous couvert de défense de la science. En effet, ce sont aujourd’hui les « pro-Raoult » qui crient victoire, certains ayant activement participé à expliciter les biais de l’étude.
Car le pas a vite été franchi : si l’étude qui affirme que l’hydroxychloroquine dans le Covid a fait 17 000 est rétractée, c’est que ce médicament n’a fait aucun mort. On ne pouvait pas permettre pire de la part du clan « anti-Raoult » obnubilé par sa cible humaine.

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