ActualitésAMFBourseFinanceMarchés financiersScandaleSuicide

Scandale financier H2O AM : l’AMF inflige des sanctions record avec 93 millions d’amende et 5 ans d’interdiction d’exercice pour le fondateur Bruno Crastes

La commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers a lourdement sanctionné H2O Asset Management et ses dirigeants le 3 janvier 2023. La société qui a reçu un blâme compte interjeter appel auprès du Conseil d’État.

H2O AM : le symbole chimique de l’eau pour des promesses de liquidité et de transparence dans la gestion de fonds (AM pour Asset Management.
La société a été fondée en 2010 par quatre associés, qui emploie près de 70 personnes dont 14 gérants de fonds pour plus de 12 milliards d’euros d’actifs sous gestion.

Avec un siège social à Londres, H2O qui se présente comme une société de gestion « alternative » a par la suite ouvert des bureaux à Monaco, Singapour, Paris et Genève.

Elle publie sur son site la liste de ses procédures allant de la rémunération du personnel à la gestion des conflits d’intérêt, en passant par les procédures MiFID et de transactions ou et la protection des données. Elle affiche aussi fièrement sa politique de « swing pricing » (protection contre la dilution).

De fait, H2O a toujours eu bonne presse durant cette première décennie de vie, sur la base du track-record prestigieux de ses fondateurs et son assortiment de fonds variés, avec en outre l’adossement rassurant à Natixis IM. Les fonds H2O étaient très prisés des clients, conseillers en gestion de patrimoine et assureurs vie jusqu’en 2019.

Société de gestion H2O AM

Des sanctions d’une ampleur historique

La société de gestion écope d’un blâme et de 75 millions d’euros d’amende. Bruno Crastes, cofondateur, et Directeur général, se voit infligé d’une amende de 15 millions d’euros avec interdiction d’exercice de l’activité de gérant pendant 5 ans. Un autre cofondateur, Vincent Chailley, directeur des investissements, a reçu un blâme et une amende de 3 millions d’euros.

À vrai dire, tous les griefs du réquisitoire du Collège de la commission des sanctions de l’AMF ont été retenus, réquisitoire qui demandait même une interdiction d’exercice de 10 ans pour Bruno Craste.

Le cœur du problème ?

Investissement massif dans des instruments illiquides

Pour H2O, qui prône via son nom, son logo et ses valeurs fondatrices la liquidité de ses fonds, c’est-à-dire la facilité de transaction des actifs financiers concernés à l’achat ou à la revente sans être pénalisé, la faute est certainement un comble.
La société de gestion a ainsi investi pour ses fonds (OPVCM) 1,6 milliards d’euros d’obligations illiquides émises par Tennor, holding des sociétés de Lars Windhorst, un financier allemand. C’est en juin 2019 que ces investissements douteux ont été connus du public, avec à la clé des clients d’H2O revendant massivement leurs parts des fonds de la société avant que les fonds visés ne soient gelés un an plus tard.

Fautes de gestion notamment sur le risque de liquidité

L’AMF dans sa décision analyse que le gérant de fonds n’a pas tenu compte de la politique des fonds concernés en matière de liquidité pour ces investissements. En effet, au-delà des valeurs fondatrices de la société qui ne sont pas liant d’un point de vue contractuel ou réglementaire, chaque OPVCM fait l’objet d’un « prospectus », document réglementaire qui précise les conditions d’investissement du gérant de fonds de la société de gestion. L’AMF indique que le gérant n’a pas respecté les requis de liquidité spécifiés dans le propectus. En pratique, la présence des obligations illiquides représentait un risque de liquidité important se traduisant par l’incapacité pour H2O le cas échéant d’honorer les rachats de parts par les porteurs des OPCM concernés. Outre le caractère illiquide problématique des investissements, des ratios d’investissements sur divers types d’instruments sont définis dans le prospectus de chaque fonds. On appelle cela dans le jargon les « ratios d’emprise ». Ils n’ont pas été respectés puisque le maximum était de 10 % des investissements provenant d’un même émetteur (ici les obligations allemandes). Enfin pour l’AMF, le gérant a péché aussi parce qu’il n’avaient pas suffisamment d’informations pour valoriser correctement les titres de créances dans lesquels il avait investi. D’autres limitations de niveaux de risque, comme celui de contrepartie (5 % maximum), n’ont pas été respectés, a précisé l’AMF.

Des milliers d’épargnants lésés réunis pour action

Au final : des produits à risques, dont la valeur est mal cernée, et dont les clients H2O risquent de ne pas pouvoir se séparer facilement en cas de souhait de revente. Aujourd’hui, tout un programme se met en place par tranches pour rembourser les porteurs de leurs investissements dans les fonds incriminés, qui ont perdu de la valeur : l’investissement initial de 1,6 milliards d’euros n’en vaudrait aujourd’hui plus qu’à peine 1 milliard.

Une association a été créée, « Collectif Porteurs H2O » réunit les porteurs qui ont bien l’intention d’intenter un procès à la société de gestion. Elle espère rassembler un maximum de titulaires des fonds H2O dans les prochaines semaines avant de l’assigner en justice.

Le fondateur de ce groupe, Gérard Maurin, a déclaré : « Cette sanction valide les fautes commises par H2O et nous permet d’agir avec les meilleurs arguments; les sociétés de gestion peuvent se tromper, mais elles n’ont pas le droit de trahir la confiance des épargnants, qui leur confient parfois leurs économies de toute une vie. » suite à la décision de l’AMF pour expliquer la dureté des sanctions.

D’autres collectifs se sont créés, selon le quotidien Les Echos rassemblant plus de 3 300 épargnants et professionnels de la gestion.

Outre les collectifs d’investisseur, l’association de protection des consommateurs, CLCV se joint à des procédures comme celle qui attaque Natixis IM en tant qu’actionnaire de H2O AM actuellement pour 23 %.

Avec les sanctions de l’AMF, ces actions devraient avoir un poids certain et ce n’est donc pas la faim des déboires (sans jeu de mot) de H2O AM, ancienne star de la gestion londonienne, aujourd’hui déchue.

Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0324 x 94873) piloté par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique doté d’une Rédaction avec journalistes professionnels. Nous défendons farouchement notre indépendance. Nous existons grâce à vous, lecteurs. Pour nous soutenir, faites un don ponctuel ou mensuel.

Propulsé par HelloAsso

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
24 ⁄ 4 =