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Un enfant de moins de 2 ans réchappe de l’ingestion d’un champignon hautement toxique, l’amanite phalloïde

La saison des champignons est bien entamée, alors parlons prévention des intoxications avec un cas pratique : l’intoxication d’un petit garçon allemand de 16 mois par la terrible amanite phalloïde – avec une chute heureuse !

Ce cas est rapporté dans la littérature scientifique par Elena Neumann, Kristina Hase et le Pr Stephan Seeliger dans la revue médicale pédiatrique allemande « Monatsschrift Kinderheilkunde« . L’article est paru le mois dernier.

Amanites : 90 % des intoxications dans le monde

Les amanites sont des champignons tubéreux toxiques, à l’exception de deux espèces : Amanita caesara (oronge) et Amanita rubescens (amanite rougissante)

À gauche : amanite rougissante
À droite : oronge
Source Wikipédia
Amanite phalloïde
source Wikipédia

Parmi les nombreuses autres amanites, l’amanite phalloïde (Amanita phalloïdes) est redoutablement toxique et source de confusion par sa présentation : elle ne paie pas de mine et cache parfois bien son jeu pour les non experts, loin du cliché visuel du champignon toxique, la bien connue amanite tue-mouche (voir illustration d’en-tête). Celle-ci, au chapeau rouge bien marqué constellé de tâches blanches est bien reconnaissable. Dans notre imaginaire, on l’associe facilement à quelque chose de venimeux, à l’instar de la pomme bien rouge de la sorcière dans Blanche-Neige.
L’amanite phalloïde, avec son air de champignon commun, peut être confondue avec l’agaric champêtre, champignons des prés commun tout à fait comestibles, ce qui augmente les risques pour les cueilleurs. Mais passons maintenant du conte de fées allemand dès frères Grimm à une histoire vraie tout aussi germanique.

Un petit garçon au jardin d’enfants et un champignon

Ici, on inverse tous les rôles : l’enfant n’est pas l’auditeur d’une histoire captivante et terrifiante inventée et racontée par des adultes. Ici, c’est une histoire vraie racontée aux adultes dont le protagoniste est un petit enfant. Il vit en Allemagne, et fréquente le jardin d’enfants municipal de la ville de Celle non loin de Hanovre. Le bébé faisait parti d’un groupe supervisé par des éducateurs, lorsque l’un d’entre eux a surpris l’enfant tenant un champignon blanchâtre à la main. De façon inquiétante, le spécimen n’était pas tout à fait intact : un morceau de son chapeau manquait. Les éducateurs, inquiets malgré l’état clinique normale du petit garçon, font une inspection buccale et ne trouvent aucune trace de consommation dans la bouche, et appellent néanmoins à juste titre les secours.

Prise en charge à l’hôpital

L’enfant est emmené en ambulance à l’hôpital de la ville, où il subit un examen clinique pédiatrique, la mesure des signes vitaux (pression artérielle, fréquence cardiaque), température, fréquence respiratoire, saturation en oxygène.
Une prise de sang est pratiquée pour une analyse de laboratoire complète incluant notamment électrolytes, paramètres hépatiques (ASAT, ALAT, gamma-GT), créatinine, rée, bilirubine, hémogramme.
Un paramètre est anormalement élevé : le taux de créatine kinase (CK).

Présence d’amatoxines

Le diagnostic urinaire sera quant à lui révélateur d’une possible intoxication par le champignon le plus redouté : il s’agit d’un test de détection des amatoxines, un groupe de 9 toxines présentes dans les amanites toxiques (mais aussi dans la famille des lépiotes [Lepiota]), ainsi qu’un dosage plus spécifique de l’alcaloïde toxique amanitine réalisé au moyen du test de Wieland.

En parallèle, le champignon a pu être identifié formellement par le centre anti-poison avec l’aide d’une expert en mycologie : il s’agit de l’amanite phalloïde.

Traitement

Le petit garçon reçoit un double traitement pendant trois jours : charbon activité à la dose de 12 g toutes les 4 heures (posologie : 1g/kg de poids corporel). Le but de ce traitement est d’interrompre la circulation entéro-hépatique ; il est utilisé chez les patients en état d’éveil.

Il a aussi reçu de la silibinine. Utilisé dans les dyspepsies, c’est aussi un inhibiteur de l’absorption par les cellules du foie des dangereuses amatoxines et ainsi un traitement de choix en cas d’intoxication par amanites toxiques.

Les auteurs rappellent qu’en cas d’ingestion récente, c’est-à-dire dans l’heure précédent la prise en charge, un lavage d’estomac est en général indiqué.

Gageons que l’enfant ne conservera aucun souvenir de sa rencontre gustative avec la redoutée amanite phalloïde. Et c’est une chance, car selon les auteurs de l’article, la moitié des cas d’ingestion de ce champignon est mortelle, le risque étant réduit à 20 % au maximum si prise en charge et traitement adapté.

Dans l’article scientifique objet de ce rapport de cas, les auteurs évoquent l’immigration originaire des pays de l’Europe de l’Est, Sud-Est et Proche-Orient comme cause d’augmentation des intoxications par champignons. La raison serait que dans ces pays, la cueillette et la consommation de champignons est plus répandue qu’en Europe de l’Ouest.

Rappelons à nouveau et comme toujours : Les cueilleurs de champignons doivent toujours faire vérifier leurs champignons par des experts : le pharmacien d’officine est très accessible pour une vérification. Il ne faut pas se fier uniquement aux livres et encore moins aux applications sur smartphone avec reconnaissance d’image, qui fleurissent ces dernières années.


Illustration : dessin de presse VHAE pour Science infused

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