Actualitésbois de BoulogneChampignonsFact-checkingIntoxication alimentaireMycologiePharmaciePharmacienSanté publiqueToxicologievesse-de-loup

Vesse-de-loup : puis-je cuisiner sans danger ce champignon ?

Dans l’épisode initial de notre saga Champignons, nous nous étions promis de retourner le week-end suivant dans la Haute Vallée de Chevreuse, un parc naturel régional au sud de Paris où, conviés par des amis, nous avions découvert une belle zone à bolet bai, un boletus qui n’a gustativement rien à envier au prestigieux cèpe de Bordeaux.

Défi cueillette au Bois de Boulogne !

C’est partie remise. En effet, la décision est prise ce week-end de s’aventurer au Bois de Boulogne. Et oui, on aime les défis, et on est curieux. Situé dans le 16e arrondissement en bordure du périphérique ouest, ce bois de près de 850 hectares est beaucoup plus « civilisé » qu’un parc naturel comme Chevreuse. Les promeneurs, joggeurs et cyclistes sillonnent les nombreuses allées du Bois en ce week-end incroyablement clément pour une fin de mois d’octobre. En tant que cueilleurs de champignons, on ne va pas se plaindre.

Commençons par une vue du bois de Boulogne prise de la Tour Eiffel ! Au fond le quartier d’affaires de la Défense, dans les Hauts-de-Seine, au milieu du bois et de la photo : notre premier gros « champignon » de style « déconstructiviste » : la Fondation Louis-Vuitton, qui a « poussé » et ouvert ses portes en 2014 et tout proche du Jardin d’Acclimatation.

Le Bois de Boulogne vu de la Tour Eiffel

En ce week-end, il y a beaucoup de monde en promenade au Bois de Boulogne. Néanmoins, nous y avons nos petites habitudes de balade (de chiens) dans une zone qui a l’avantage de ne pas être des plus fréquentées. Evidemment, on garde la localisation secrète…

Contre toute attente pour un lieu parisien, nos découvertes de champignons seront multiples. Aujourd’hui, on va se focaliser sur un champignon trouvé en abondance au Bois de Boulogne : un petit champignon tout blanc (jeune) et tout rond, la vesse-de-loup perlée.

‘Vesse-de-loup’ ou ‘pet-de-loup’ : un lycoperdon qui porte bien son nom

Dans la division des Basidiomycètes, le genre Lycoperdon a la particularité de voir son terme construit étymologiquement de façon inverse : en effet, c’est le nom commun du champignon « pet-de-loup », qui a servi à nommer le genre, sur la base des mots grecs λύκος (loup) et πέρδομαι (péter).
Attribuons ainsi un bon point à nos amis québécois chez qui « pet-de-loup » est le nom d’usage de ce champignon, au plus proche de sa racine, alors qu’en France on utilise le terme « vesse-de-loup » (plus pudiquement peut-être, « vesse » étant du vieil argot désignant les pets silencieux malodorants)

Caractéristiques notables :

  • pas de pied ou plus précisément pas de pied séparé, la vesse-de-loup est tout d’une pièce, présente un peu une forme d’ampoule
  • les spécimens adultes/âgés produisent une fumée poussiéreuse quand on appuie dessus, d’une odeur désagréable ; maintenant vous savez pourquoi on parle de pet ou de vesse.

Les spores sont à l’intérieur de la membrane enveloppante, qui en vieillissant devient visqueuse puis poussiéreuse.

Parfois un film vaut mieux qu’une image ou une longue description. Voyez le dégagement de « poussière » :

Les champignons du genre Lycoperdon comptent une bonne quarantaine d’espèces. Celle, commune, que nous avons trouvé au bois de Boulogne est la vesse-de-loup perlée (Lycoperdon perlatum).

À noter qu’il existe quelques espèces de Lycoperdon du genre Bovista et du genre Calvatia (principalement). Cela reste des vesses-de-loup.

Vesse-de-loup âgée – Source Wikipedia

Quelques vesses-de loup plus ou moins comestibles

Les espèces présentées ci-dessous sont toutes comestibles uniquement à l’état jeune, mais sont de médiocre intérêt gastronomique.

Vesse-de-loup hérissée ou hérisson ou Lycoperdon echinatum

Avouez que cela ressemble plus à un oursin qu’à un hérisson !

Vesse-de-loup hérisson ou Lycoperdon echinatum – Source Wikipedia

Vesse-de-loup en forme de poire

Vesse de loup piriforme, Lycoperdon pyriforme – Source Wikipedia

Vesse-de-loup fétide

Comestible très médiocre, auquel rares s’attaqueront car comme son nom l’indique, ce Lycoperdon présente une odeur désagréable. Sa couleur n’est pas blanche et vire au marron parfois très foncé.

Lycoperdon foetidum – Source Wikipedia

Vesse-de-loup géante

Un champignon spectaculaire, pesant plusieurs kilogrammes, de la taille d’un ballon de football ou bien plus, jusqu’à 25 kg… et jusqu’à un mètre de haut ! Il s’agit de Calvatia gigantea.
Plutôt présent en sous-bois et dans les prairies, les déjections des ruminants aident à sa croissance.

Non, ce n’est pas l’énorme boule blanche échappée de la série culte des années 70 Le Prisonnier ci-dessous. C’est une vesse-de-loup ou lycoperdon géant(e), tranquille dans un pré à vache. Cela se mange, et c’est très bon (le champignon).

Vesse-de-loup géante (Calviatia gigantea en Belgique – Source Wikipedia


Faux-amis : sclérodermes et jeunes amanites vénéneuses !

Les sclérodermes sont des champignons qui ont à peu près la même forme que les vesses-de-loup (quoique plutôt en forme ovoïde bicéphale, une forme d’estomac ), mais présentent une enveloppe externe verruqueuse épaisse.
Ils sont comestibles à l’état jeune mais sans qualités gustatives, et parfois toxiques. Leur particularité est qu’ils ressemblent aux goûteuses et chères truffes, il existe un véritable trafic frauduleux de sclérodermes en morceaux vendus comme de la truffe !
La coupe montre bien l’enveloppe épaisse différenciée du « cœur » noir ici : on verra que les bonnes vesses-de-loup pour la gastronomie sont blanches intégralement.

Scléroderma verrucosum et coupe – Source Wikipedia

Pour les amanites, le risque est plus important car il en existe beaucoup de toxiques. Voici la redoutable amanite phalloïde toute jeune, et mortelle :

Amanita phalloïdes – Source : centre anti-poison belge

À l’examen plus attentif on découvrira quand même rapidement que cette espèce est un champignon lamellé, avec un pied distinct.

À table avec nos vesses-de-loup perlées du bois de Boulogne

Vesse-de-loup perlée, bois de Boulogne 23/10/2022

Ces vesses-de-loup perlées parisiennes sont jeunes, très blanches, de petite tailles (3 à 8 cm), et présentent des pointes caractéristiques. La pandémie de Covid-19 est passée par là, elle peuvent faire penser aux protéines spike du SarS-Cov2. Heureusement, elles sont inoffensives et même très gustatives.

Nous les dégustons en lamelles, poêlées avec du persil (ou à votre goût).

Maintenant vous savez que les champignons de Paris sont divers et variés. Nous en découvrirons d’autres ensemble prochainement.

Conseil : montrez votre cueillette à un pharmacien au moindre doute, c’est l’expert es-champignons par excellence ! Ne vous fiez surtout pas aux applications de reconnaissance proposées sur internet et smartphones

Pour aller plus loin…

Image d’en-tête : vesses-de-loup perlées – 23/10/2023 Paris 16e

Abonnez-vous à la newsletter gratuite pour ne rien rater des prochains épisodes de la saga Champignons avec Fabienne la pharmacienne.

Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0324 x 94873) piloté par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique doté d’une Rédaction avec journalistes professionnels. Nous défendons farouchement notre indépendance. Nous existons grâce à vous, lecteurs. Pour nous soutenir, faites un don ponctuel ou mensuel.

Propulsé par HelloAsso

2 réflexions sur “Vesse-de-loup : puis-je cuisiner sans danger ce champignon ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Solve : *
28 − 14 =