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Origine du SARS-CoV2 et du Covid-19 : le ministère de l’Énergie américain pense très probable une « fuite de laboratoire » en Chine, ce qui relance la polémique sur les réseaux sociaux

Les complotistes voient depuis le début une « plandémie » à partir d’un virus modifié et relâché par le laboratoire P4 de Wuhan, alors que les scientifiques ont défendu la thèse d’une zoonose transmise naturellement à l’humain dès mars 2020.
Fourni à quelques officiels privilégiés, le rapport est classifié et basé sur des informations nouvelles, à ce jour non divulguées au public.

Le rapport du ministère de l’Énergie, une autorité de référence pour son expertise dans les analyses biologiques, est classifié et nous n’avons donc pas pu le consulter. C’est le Wall Street Journal qui a révélé son existence en exclusivité le 26 février sur son site internet (sous paywall), précisant que ce rapport avait été transmis à la Maison blanche et à des membres clés du Congrès. Nous avons lu l’article papier de l’édition du lundi 27 janvier.
Le journal rappelle que jusqu’ici, ce ministère était indécis mais que de nouveaux renseignements ont fait évoluer son avis, pour rejoindre celui du FBI (Federal Bureau of Investigation, les services de renseignements), à savoir la fuite accidentelle du virus SARS-CoV2 d’un laboratoire chinois. Le FBI avait émis son avis en 2021 avec une « confiance moyenne ».
Le nouveau rapport préciserait comment les divers services de renseignements seraient arrivés à « des jugements disparates » sur l’origine de la pandémie.

Quatre autres agences, dont l’identité n’est pas révélée par le gouvernements ainsi que le National Intelligence Council estiment de leur côté que l’hypothèse d’une transmission naturelle est plus probable, pour ce dernier avec une « confiance faible » et c’est d’ailleurs celle qui avait été très tôt adoptée par la communauté scientifique, on verra à la fin de cet article dans quelles circonstances remarquables.

Vue d’une partie du site de l’Institut de virologie de Wuhan – Chine – Source : l’Institut

Deux avis de poids qui convergent via des analyses différentes

On pourrait penser que ce nouvel avis n’apporte pas grand chose de nouveau si ce n’est concourir aux avis globalement divergents. Mais il est important de tenir compte du fait que l’agence de l’Énergie a du poids en tant qu’autorité car elle possède une haute expertise scientifique sur le sujet exploré. Elle supervise tout un réseau de laboratoires d’analyse américains dont des analyses biologiques de pointe. Or ce rapport conclut que l’hypothèse de la fuite de laboratoire est « très probable« .
Certains lecteurs privilégiés du rapport, membres du Congrès, se sont empressés de déclarer au WSJ que l’avis de l’agence de l’Énergie avait été fait avec une « faible confiance« . Belle contradiction.

Pour l’instant, nous n’en saurons pas plus car les officiels américains ont refusé de donner des informations sur les nouveaux renseignements collectés et l’analyse ayant permis ce nouvel avis. Ils révèlent cependant une information très intéressante : le FBI et le ministère de l’Énergie sont arrivés à la même conclusion de fuite probable d’un laboratoire chinois pour des raisons différentes.

Réaction de rejet de la Chine

La réaction de la Chine ne s’est pas fait attendre : Pékin a balayé aujourd’hui l’hypothèse de la fuite de laboratoire. La ministre chinoise des Affaires étrangères a ainsi intimé : « Arrêtez de politiser » l’affaire de l’origine du Covid-19 via sa porte-parole Mao Ning.

La pandémie est une source importance de tensions entre les deux grandes puissances depuis son émergence, d’autant que les missions scientifiques internationales sur place n’ont pas pu aboutir ; il avait été évoqué à l’époque une dissimulation d’informations par les autorités chinoises.

L’hypothèse zoonotique clamée haut et fort puis affaiblie au fil du temps

Au tout début de la pandémie, la communauté scientifique s’est positionnée très vite pour une transmission naturelle à l’homme à partir d’un réservoir animal. Les chauve-souris et le pangolin ont été suspectés. Finalement, ce réservoir naturel potentiellement à l’origine de la pandémie n’a pas pu être identifié à ce jour.
L’analyse du génome du SARS-CoV2 avait particulièrement appuyé l’hypothèse du réservoir animal face à celle d’une ingénierie génétique malicieuse à savoir la modification et l’introduction de séquences génomiques par l’homme dans le coronavirus.

Il faut dire aussi que l’Institut de Virologie de Wuhan se trouve à proximité immédiate du marché de poissons et fruits de mer de Wuhan où a démarré l’épidémie, et qu’on y mène une recherche intensive sur le coronavirus. De plus, on sait qu’il y a eu des inquiétudes et alertes quant au niveau possiblement défaillant de la sécurité dans ce laboratoire, et ce avant la pandémie, dès 2018.

Alors, le marché a-t-il généré le fameux « patient 0 » ou n’est-il que la première « victime » d’une diffusion communautaire dans un second temps ? Certains scientifiques même en Chine ne l’excluent pas,

En tout état de cause, le président Joe Biden a déclaré en 2021 que la piste d’un programme chinois d’armes biologiques par la Chine était exclue.

Le Wall Street Journal rappelle que dès mai 2020, un laboratoire national américain, le Livermore National Laboratory, avait fait une étude concluant à la fuite de laboratoire comme plausible et la nécessité d’une enquête approfondie. Il rappelle aussi qu’en novembre 2019, trois chercheurs de l’Institut de virologie de Wuhan étaient tombés suffisamment malades pour être hospitalisés. Le Congrès avait écarté ces événements comme appuyant la thèse de la fuite de laboratoire arguant qu’on peut aussi être hospitalisé pour une grippe saisonnière.

Émulation des clans sur les réseaux sociaux

Depuis hier, les « complotistes » et les activistes « pro-science » et « factcheckers » se tirent dans les pattes.

Via son compte de veille des réseaux sociaux sur Twitter, l’association Citizen4Science a réagi ce matin :

D’un côté donc, les complotistes clament fièrement qu’ils avaient raison et titillent les « pro-science » et fact-checkers » qui se sont rangés au discours scientifique consensuel, à savoir l’hypothèse de la zoonose avec un réservoir hôte animal.

Dans cette affaire et comme souvent, tout n’est pas blanc ou noir.
les premiers qui vont souvent au bout de leurs théories complotistes, avaient évoqué surtout la manipulation intentionnelle du génome du virus relâché tout aussi intentionnellement dans la nature pour provoquer la pandémie. On n’en est pas là à ce stade puisque le nouveau rapport de l’agence américaine parle bien de fuite accidentelle.
Quant aux seconds, ils ont parfois confondu hypothèse consensuelle et preuve scientifique dont on aurait pu se rapprocher avec la découverte du fameux chaînon manquant, l’animal hôte appuyant la zoonose originelle. Mais une hypothèse reste une hypothèse. C’est ici le travers du « Vrai ou Fake », celui de la polarisation et de l’affirmation avec aplomb qui inonde les réseaux sociaux, et dont s’accommode en vérité peu la science, toujours prudente et nuancée. Sur les réseaux sociaux, il faut être tranché, et vite, pour capter une audience.
Ils ont aussi oublié l’article du journal Le Monde fin décembre 2022 : « Révélations sur la genèse d’un article majeur sur l’origine du SARS-CoV2 », article publié dans le prestigieux journal « Nature » qui prétend démontrer, dès mars 2020, qu’aucun scénario impliquant un laboratoire n’est plausible.

En-tête de la correspondance à Nature

Cet article consulté près de 6 millions de fois exclut donc toute hypothèse de fuite de laboratoire pour affirmer qu’en conclusion, il y a forcément un réservoir animal et que la transmission à l’homme s’est faite naturellement (dans la nature).
« Une série d’e-mails obtenus en vertu de la loi américaine sur la liberté d’accès aux informations (FOIA) par diverses ONG et médias américains montrent comment cette position tranchée s’est imposée en dépit des doutes initiaux de certains signataires. » explique Le Monde dans son article, à propos de « la fabrique du discours scientifique dans un contexte polémique ».

Hier, John Kirby, porte-parole du National Security Council a déclaré lors d’un briefing de la Maison-Blanche : « Il n’y a pas de consensus actuellement au sein du gouvernement américain sur la façon exacte dont le Covid a commencé ». « Nous n’en sommes pas encore là », a-t-il ajouté. « Si nous obtenons quelque chose prêt à être présenté au peuple américain
américain et au Congrès, nous nous le ferons. »

Voilà de quoi calmer les esprits.

Pour conclure, évitons le piège du faux dilemme ici : la fuite du SARS-CoV2 d’un laboratoire n’exclut pas pour autant son origine naturelle.

Le fact-checking est-il soluble dans les réseaux sociaux ?

Pour aller plus loin

Mise à jour 28/02/2023 – ajout de l’intervention de Kirby et du paragraphe final factchecking vs réseaux sociaux

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