La nomination de Michel Barnier, homme politique figure de la droite, met fin au suspens du choix du Premier ministre d’Emmanuel Macron
La longue attente a pris fin en ce 5 septembre après la valse des candidats officiels et plusieurs jours de consultations par le président ; il a fait le choix surprise d’un politique qui a un long parcours de postes à responsabilité
La dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République au lendemain des élections européennes avait été aussi brutale que l’attente s’est avérée longue pour nommer un nouveau chef de gouvernement : 50 jours de tergiversations, de tractations et de spectacle politicien pour enfin voir disparaître incessamment le gouvernement démissionnaire paralysé dans la « gestion des affaires courantes ».
Un choix périlleux
Étant donné la composition très particulière de l’Assemblée nationale actuelle dont aucun parti n’a la majorité, l’exercice était difficile pour Emmanuel Macron. Tout d’abord face à la menace d’une motion de censure qui peut déboulonner le Premier ministre dans la foulée de sa nomination. À ce jeu, Marine Le Pen du Rassemblement national (RN) qui est le parti politique en force à l’Assemblée ne s’est pas privé de le faire valoir pour les deux noms qui circulaient ces tous derniers jours : Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, menaçant de les éliminer illico presto via ce recours.
Tout au long de l’été, on a eu aussi la motion de censure brandie par les uns et les autres pour les représentants LFI, et aussi pour Lucie Castets, la comptable de la mairie de Paris qui a joué tout au long de l’été le rôle de la Première ministre à nommer d’urgence, enchaînant appels solennels et prestations dans les médias. Il faut dire que la fonctionnaire avait été nommée par le NFP, Nouveau Front Populaire, qui semble évoluer comme une coalition de circonstance pour les législatives anticipées qui risque de ne pas perdurer. Son initiateur, Jean-Luc Mélenchon n’a pas le vent en poupe ni son bébé LFI et ses têtes d’affiche.
Barnier, cinquante ans de vie politique
Michel Barnier, savoyard, homme d’État, figure de la droite, membre LR (Les Républicains) a 73 ans et un demi-siècle de vie politique intense à des postes à responsabilité très variés à son actif. D’abord député puis président du Conseil régional de Savoie pendant 17 ans, il a été plusieurs fois ministre : Environnement sous François Mitterrrand, Affaires européennes et Affaires étrangères sous deux gouvernements Chirac, Agriculture sous Sarkozy, sénateur, vice-président et commissaire européen à plusieurs reprises en charge notamment des négociations du Brexit.
Il est clairement un homme de consensus et de négociation, et c’est sans doute un élément de décision important pour Emmanuel Macron, qui comme nous l’avons vu, était soumis en premier lieu au risque immédiat de motion de censure. Avec Michel Barnier, le risque pourrait sembler sur le papier s’éloigner à court-terme, mais on va voir que quelques heures à peine après l’annonce, rien n’est joué.
L’homme est ambitieux, rappelons qu’il avait été candidat à l’élection présidentielle de 2022 au congrès des Républicains mais éliminé, avec un score honorable de 24 %, en troisième position.
Pour un « gouvernement de rassemblement »
L’Élysée a publié un communiqué du chef de l’État en tout début d’après-midi : « Le Président de la République a nommé Monsieur Michel BARNIER Premier ministre. Il l’a chargé de constituer un gouvernement de rassemblement au service du pays et des Français. Cette nomination intervient après un cycle inédit de consultations au cours duquel, conformément à son devoir constitutionnel, le Président s’est assuré que le Premier ministre et le gouvernement à venir réuniraient les conditions pour être les plus stables possibles et se donner les chances de rassembler plus largement. »
Premières réactions politiques
Cet après-midi suite à l’annonce, on pouvait notamment compter sur la réaction du RN, Marine Le Pen déclarant : « Michel Barnier semble répondre au moins au premier critère que nous avions réclamé, c’est-à dire, quelqu’un qui soit respectueux des différentes forces politiques et capable de pouvoir s’adresser au Rassemblement national, qui est le premier groupe de l’Assemblée nationale. » Mais aussi : « Nous ne participerons pas à un gouvernement de Michel Barnier. Nous sommes aujourd’hui dans la situation que nous avions annoncée, celle du chaos. Nous verrons bien si Michel Barnier arrive, au moins, à faire en sorte que le budget puisse être équilibré. »
Jean-Luc Mélenchon a quant à lui pris la parole pour contester le choix du Président : « Emmanuel Macron nie officiellement le résultat des élections législatives. Il vient de nommer Michel Barnier. Un membre, parmi d’autres, d’un parti qui a été le dernier à l’élection législative. Emmanuel Macron a volé l’élection au peuple français. » . On s’en doute, LFI va voter une motion de censure.
Il se trouve que le Parti Socialiste (PS) a déjà annoncé faire de même dans un communiqué cinglant dont voici un extrait : « Près de deux mois après les élections législatives, le Président Emmanuel Macron vient de nommer Michel Barnier Premier ministre. Après avoir précipité le pays dans une crise institutionnelle sans précédent suite à une dissolution inattendue décidée par lui seul et une longue période d’attente avant d’engager la discussion avec les forces politiques du pays, Emmanuel Macron va abîmer encore un peu plus notre démocratie. En refusant de désigner comme Premier ministre une personnalité issue du Nouveau Front Populaire, coalition de gauche pourtant arrivée en tête des élections législatives, Emmanuel Macron tourne la page d’une tradition républicaine partagée et respectée jusqu’alors dans notre pays. En imposant à la tête du Gouvernement, le représentant d’une force politique sortie vaincue des dernières élections législatives, qui a recueilli moins de 10% des suffrages, il piétine le vote des Françaises et des Français. »
La tâche s’annonce ardue pour Michel Barnier, dans une situation politique particulièrement instable et électrisée. Si tant est qu’il ne soit pas empêché de mettre la main à la pâte par certains opposants déjà menaçants.
La passation de pouvoir avec Gabriel Attal a été annoncée pour 18h ce soir.
Image d’en-tête : Michel Barnier le 29 janvier 2020 lors du vote de sortie du Royaume-Uni de l’UE – Source Wikipéia
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