Cinéma : « À son image » : une plongée dans l’eau amère des jeunes militants corses indépendantistes des années 80
En adaptant le roman éponyme, Thierry de Peretti, originaire d’Ajaccio, retourne cinématographiquement pour la troisième fois sur l’île de Beauté ; une pérégrination insulaire troublante mais hésitant un peu trop entre documentaire et drame romanesque
Synopsis : « Fragments de la vie d’Antonia, jeune photographe de Corse-Matin à Ajaccio. Son engagement, ses amis, ses amours se mélangent aux grands événements de l’histoire politique de l’île, des années 1980 à l’aube du XXIe siècle. C’est la fresque d’une génération. »
Ce film a une vraie valeur documentaire, mêlant images d’ archives à la romance de l’ héroïne, photographe journalistique, tombée amoureuse d’ un jeune nationaliste.
La couleur est donnée d’ emblée: un destin tragique. Celui d’ Antonia la chasseuse d’images ; celui des combats politiques identitaires avec ici celui du FLNC (Front de libération nationale de la Corse), un acronyme et un logo familiers pour les Français de plus de 50 ans, car il a marqué l’actualité politique et défrayé la chronique du pays à l’aube du XXIe siècle, celui des amours contrariées, celui aussi des questionnements sur les choix de vie et leurs motivations.
Thierry de Peretti est corse, A son regard » est la 3e fois qu’ il le porte dans un film sur son île. Il ne faut pas s’ attendre pour autant à une mise en valeur de la beauté de l’ île: On se concentre sur les événements historiques et personnels, pas très gais. On ira même, pour montrer l’ empreinte d’ une nostalgie lancinante, faire un tour pour une unique escapade hors de la Corse, du côté de Belgrade, dans l’ ex-Yougoslavie en guerre avec des images urbaines déprimantes. Sans doute pour nous rappeler que l’ambiance fin de XXe siècle était sommes toutes, assez moche en Europe avec de multiples conflits. On s’intéresse au parcours de la jeune femme qui s’éprend d’un jeune militant, on partage ses interrogations au travers de la photographie, la sienne ou celles, puissantes, tirées d’archives historiques. On apprécie que le réalisateur ne tombe jamais dans les clichés (au figuré !) quand il raconte son histoire. Néanmoins, on peut être gêné par l’ hésitation que l’on ressent entre la fiction et le documentaire. Le film comporte des scènes où on a le sentiment d’ être dans un reportage, ce qui casse un peu le rythme. On y gagne en contrepartie en réalisme. Le malaise est palpable, Antoni aime faire de la photo, cela devient son métier, mais c’est ambivalent : elle trouve son travail parfois inutile ou absurde. On aborde d’ailleurs très bien le conflit entre la vérité des photos, et le récit qui en est tiré au journal Corse-Matin ; on comprend qu’il y a une histoire à raconter, qui pour cela peut ne pas s’embarrasser des faits. On verra ainsi l’héroïne détruire ses clichés de Belgrade. Est-ce l côté vintage des années 80 où l’ on baigne la plupart du temps, ou la style cinématographique qui donne un côté un peu « nouvelle vague » ? Les deux sans doute. On ressent la frustration des personnages face à leurs combats personnels ou politiques, les déceptions, les incompréhensions. Mais il y a une retenue ou pudeur dans les émotions que l’on trouve un peu frustrante, à l’ instar des plans qui restent souvent larges sur les personnages ; comme des tableaux figuratifs plutôt de vraies introspections. Peut-être cette impression est-elle dû à notre comparaison indue avec « Les choses de la vie » de Claude Sautet : l’accident, puis le flash-back en scènes morcelées. Les jeunes acteurs principaux sont inconnus, il faut reconnaître qu’ils s’en sortent très bien pour leur première rencontre avec la caméra. La narration du film est aidée par une voix « off » qui nous guide tout au long de l’histoire et c’est un peu paradoxal, pour un film basé sur l’image ; peut-être s’agissait-il de faire l’économie de dialogues, mais on ressent une gêne, mais d’autres trouveront cela subtil.
« À son image » de Thierry de Peretti, avec Clara-Maria LAREDO, Marc’Antonu MOZZICONACCI, Louis STARACE, Barbara SBRAGGIA, Saveria GIORGI
– durée 1h53 – Sortie : 4/09/2024
Cet article GRATUIT de journalisme indépendant à but non lucratif vous a intéressé ? Il a pour autant un coût ! Celui de journalistes professionnels rémunérés, celui de notre site internet et d’autres nécessaire au fonctionnement de la structure. Qui paie ? nos lecteurs pour garantir notre indépendance. Votre soutien est indispensable.
Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0329X94873) piloté par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique.
Notre média dépend entièrement de ses lecteur pour continuer à informer, analyser, avec un angle souvent différent car farouchement indépendant. Pour nous soutenir, et soutenir la presse indépendante et sa pluralité, faites un don pour que notre section presse reste d’accès gratuit, et abonnez-vous à la newsletter gratuite également !
ou via J’aime l’Info, partenaire de la presse en ligne indépendante