Menace nucléaire : fact-checking sur la prise de comprimés d’iode
Faisons un point juridico-pharmaceutico-médical sur les comprimés d’iode comme parade au risque de contamination nucléaire, un emballement étant en cours à ce sujet un Ukraine mais aussi dans les pays voisins, l’UE dont la France
On parle abondamment depuis quelques jours comme parade à la menace nucléaire brandie par Poutine, mais aussi tout simplement parce que l’Ukraine dispose de 15 réacteurs nucléaires répartis sur son territoire. Le principal, Zaporijjia, 6 réacteurs et la plus grosse centrale d’Europe, est passé cette nuit sous contrôle russe suite à des affrontements locaux.
Les militaires russes ont précédemment également pris le contrôle symbolique de Tchernobyl, théâtre d’une catastrophe nucléaire en 1986 et dont le sarcophage contient des dizaines de milliers de tonnes de matériel radioactif. Le site est ainsi surveillé de très près et il a été noté une élévation faible de la radioactivité qui pourrait selon les spécialistes être due au passage de véhicules militaires lourds ayant « remué » le sol du site.
Le souci est surtout une frappe accidentelle dans le cadre des affrontements, qui ne peut être exclu même si toujours selon les spécialistes, les sites sont suffisamment sécurisés pour que dans un tel cas, le pire ne se produise pas. Le risque pour autant est loin d’être nul.
La fake news : prendre de l’iode à titre préventif
Citizen4Science a réagi ce matin à cette communication de BFM rapportant l’idée de prendre des comprimés d’iode à titre préventif.
Objectif et mécanisme d’action de la prise de comprimés d’iodure de potassium
La glande thyroïde fixe l’iode ingéré ou inhalé, qu’il s’agisse d’iode stable ou radioactif. Dans ce dernier cas, le risque est un cancer de la thyroïde. L’idée est donc, en cas d’accident nucléaire réalisé et présence d’iode radioactif, de saturer la glande thyroïde avec de l’iode stable (les comprimés d’iodure de potassium), ce qui empêche, « la place étant prise », à l’iode radioactif de se fixer sur la glande.
La saturation de la thyroïde par de l’iode stable via prise d’iodure de potassium (KI) est utilisé notamment pour traiter certaines hyperthyroïdies (entraîne une réduction de la sécrétion de thyroxine), en médecine nucléaire (imagerie) lorsque de l’iode radioactif est utilisé.
En cas d’accident de contamination nucléaire, se trouvent parmi les radionucléides volatils, l’iode 131, qui peut se fixer sur la thyroïde. La prise d’un comprimé d’iodure de potassium dosé à 130 mg (dosage adulte) en temps utile va protéger la glande d’une fixation par l’iode radioactif ingéré ou inhalé pendant environ 24 heures.
Ainsi, la protection ne concerne que la thyroïde et ne protège donc pas des conséquences générales de l’exposition ; il convient de suivre les recommandations des autorités notamment de mise à l’abri le cas échéant.
Ironie (du sort) : le traitement radiothérapeutique du cancer de la thyroïde se fait avec de ….l’iode 131.
Dosages recommandés par l’OMS dans le cadre d’un accident nucléaire :
Ainsi, on ne prend pas de comprimés d’iode à titre préventif, mais il faut le prendre précocement.
Consommer trop d’iode est dangereux
L’iode est présent dans l’alimentation et la dose normale ingérée est de 150 µg par jour. Un excès d’absorption d’iode expose à des effets indésirables mutliples dès 1 000 fois la dose alimentaire, qui vont des maux d’estomac à de la fièvre, de la fatigue, le gonflement d’organes , des ulcération buccales, des troubles cutanés, parmi d’autres.
Il est donc proscrit de se gaver de comprimés d’iode à titre préventif, parce que c’est dangereux et que ça ne sert à rien.
…mais pas assez aussi
L’iode, oligo-élément, est néanmoins une substance essentielle car nécessaire, une carence en iode entraîne une hypothyroïdie, si elle intervient lors de la croissance, elle peut entraîner un retard mental (« crétinisme »). L’introduction d’iode dans le sel de table a été une grande avancée sanitaire, sachant que jusqu’au XIXe siècle, la carence en iode était fréquente.
Une distribution encadrée en France
Seules les pharmacies situées dans un rayon de 20 km autour des centrales nucléaires sont approvisionnés en comprimés d’iode, et de plus, la dispensation ne peut avoir lieu que sur liste nominative établie par EDF de citoyens étant autorisés à s’en procurer.
Une extension selon les mêmes modalités est prévue dans le futur pour les centres de recherche nucléaire et les ports militaires.
En lien avec le mode d’action de ces comprimés, c’est uniquement en cas d’accident qu’on le prend, entre 1h avant et 6 à 12 heures après l’exposition à la radiation.
Il est donc inutile et irrationnel aujourd’hui de se presser à la pharmacie ou de chercher des voies alternatives d’approvisionnement en pastilles d’iode.
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