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Quel modèle économique pour les médias en ligne ? tendances actuelles et notion d’indépendance

Récemment, un twitto nous a interpellé en découvrant des messages publicitaires sur le site internet de Citizen4Science, considérant que faire du profit avec des clics de visiteurs n’était pas compatible avec une association à but non lucratif.

On en profite donc, en guise de hors d’œuvre, pour faire un petit fact-checking sur le statut d’association à but non lucratif.

« But non lucratif » ne signifie pas de s’interdire toute entrée de fonds à l’exception de cotisations des membres ou dons.

À vrai dire, C4S pourrait vendre toutes sortes de produits et services. La question n’est pas là. Ce qui compte, c’est la destination des fonds. S’ils sont utilisés pour faire fonctionner la structure et accomplir la mission de l’association, et bien cela reste un but non lucratif.
Nous ajouterons que Citizen4Science a une activité intensive et continue depuis son démarrage il y a plus d’un an, c’est du temps, des ressources, donc de l’argent, car nous n’avons pas de bénévoles disponibles pour assurer tout cela qui représente du travail à plein temps, qui plus est en grande partie de nature professionnelle, ni l’autonomie financière requise – car contrairement à la légende urbaine développée par les antiscience, complotistes et autres détracteurs heureux de colporter cette fable car craignant qu’on ne leur fasse de l’ombre : Citizen4Science est une petite association naissante totalement indépendante financée par quelques citoyens via leurs cotisations et dons.

Données en overdose et turn-over rapide

Dans le monde d’aujourd’hui, c’est la quantité de données et d’informations en multi-flux continu qui prime dans beaucoup de modèles de médias en ligne. Le « système » entraîne les producteurs d’information à publier beaucoup, et vite, pour faire le buzz et gagner en audience.
Cela entraîne un modèle de fonctionnement basé sur le quantitatif : nombre d’informations, rapidité de leur mise à disposition, scrutation de la quantité d’audience générée.

Modèle économique : gratuit, paiement au clic

Le début du XXIe siècle marqué par la transition vers les médias numériques a été fortement été développée sur ce modèle ces dernières années. Certains aujourd’hui sont toujours rivés sur leur audience, inspectant frénétiquement leur tableau de bord Google Analytics à la recherche des « mots-clés » du succès. Associé à de la publicité payante, on a le modèle économique : gratuit pour attirer le maximum de monde, rémunéré par leurs clics.

Retour vers les principes de la presse classique ?

On peut se demander si le modèle gratuit payé aux clics a vécu, du moins dans certains de ses excès. Si on regarde l’industrie des géants des médias numériques aux États-Unis, on constate que certains acteurs ont été sanctionnés ou recadrés, comme par exemple Buzzfeed, média numérique introduit en bourse en décembre dernier qui s’est dramatiquement cassé la figure à cette occasion,

Sur le fond, la course aux visiteurs et au clics peut faire craindre malheureusement que cela n’affecte la qualité : celle des informations diffusées, l’instantané, le vite-fait n’ayant jamais été synonyme de niveau transcendant – quant à la recherche d’audience, elle favorise l’émotion donc le sensationnel et l’exagération et peut sérieusement affecter la fourniture d’informations objectives, et surtout fait passer au second plan l’analyse. Car analyser ça fait prend du temps, celui de la réflexion.

Regardons les nouveaux entrants de la presse en ligne. Si on reste aux États-Unis avec les gros « players », on découvre que certains nouveaux arrivants d’envergure sont en fait des journalistes éventuellement de renom qui abordent leur projet de média numérique différemment :

Modèle économique : journalistes aux manettes et abonnements

Puck, par exemple, est une jeune pousse média d’information en ligne qui rassemble des « journalistes d’élite » renommés. Ils sont actionnaires de leur société de presse, la consultation est sur abonnement annuel des lecteurs « membres » de Puck. D’autres structures sur ce modèle se sont créées récemment à l’initiative de journalistes parfois issus de journaux de premier plan.

En France, le décret du 21 décembre 2021 vient de fixer des règles qui limitent les aides publiques à la presse aux structures garantissant un traitement journalistique… et pourvu de journalistes professionnels.
Par ailleurs, on voit se développer également le système de la contribution des lecteurs, par abonnement et/ou dons, certains mettant en avant l’absence de toute publicité en ligne comme contrepartie bénéfique.

Tout cela n’est pas gage de réussite dans un univers très concurrentiel, mais des modèles « qualitatifs » de ce type peuvent sans doute aider à relever le niveau des médias en ligne.

Science infuse est le webzine de Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique doté d’une Rédaction avec journalistes professionnels. Nous défendons farouchement notre indépendance. Nous existons grâce à vous, lecteurs. Pour nous soutenir, faites un don ponctuel ou mensuel.

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Indépendance comme maître-mot, oui, mais indépendance de quoi ?

La rhétorique de l’indépendance du média d’information ou de presse est très présente.

Un modèle économique sans publicité assure que le média ne dépend pas de la pub et d’annonceurs. Plutôt positif comme on l’a vu.

Une rédaction avec des « journalistes indépendants » cela fait joli mais cela veut dire quoi ? C’est souvent une façon de dire que ces journalistes, souvent pigistes, sont mis à contribution occasionnellement et ne font pas partie de la Rédaction permanente du média. Ce n’est pas nécessairement un gage de qualité, bien au contraire.
Avec les nouvelles contraintes de requis de journalistes professionnels, on peut craindre le développement des rédactions à journalistes professionnels sollicités à l’article. C’est loin de l’image du « journal » avec une ligne éditoriale propre et ses fidèles journalistes. Et puis on le sait, les pigistes occasionnels sont souvent payés au lance-pierre.

Le modèle d’indépendance vis-à-vis des investisseurs privés peut être un idéal justifié. Un média d’information qui refuse le mécénat pour n’être financé que par son lectorat est un gage de transparence et d’indépendance. Imaginez un « gros » mécène ou une poignée qui prend le contrôle du média…

Le modèle qui revendique son indépendance vis-à-vis des subventions publiques (si si, on l’a vu) peut cacher un échec à les obtenir. Car les subventions publiques sont basées sur des critères de professionnalisme, de rigueur et de transparence et n’orientent pas une ligne éditoriale et des contenus.

En résumé : soyons prudents face aux discours « d’indépendance » qui peut être instrumentalisée pour faire du marketing.

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