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Tensions d’approvisionnement pour les antibiotiques : recommandations de la Direction générale de la santé aux professionnels de santé

La DGS a émis le 12 décembre 2022 un « DGS urgent » avec des mesures recommandées pour faire face au risque de rupture d’antibiotiques courants comme l’amoxicilline. Passons cette circulaire en revue.

Rappelons tout d’abord qu’un « DGS-Urgent est une circulaire émise par la Direction générale de la santé (DGS) à destinations de professionnels ciblés médicaux et paramédicaux ou encore techniciens.
Il s’agit donc de communication professionnelle, non destinée au grand public. Avec la crise du Covid-19, sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes se sont mis à commenter ces circulaires.

À noter : il s’agit de recommandations (donc non contraignantes pour les professionnels visés).

Professionnels ciblés : les prescripteurs et dispensateurs d’antibiotiques

Il s’agit donc des médecins, sage-femmes, pharmaciens,

L’amoxicilline est un antibiotique d’usage très courant, il est utilisé seul ou en association avec l’acide clavulanique (spécialité Augmentin). Ces deux formes sont concernées par les tension d’approvisionnement.

Médecins français : une surprescription d’antibiotiques qui perdure, le spectre de l’antibiorésistance galopante

On le sait, les antibiotiques sont trop prescrits, donc pas toujours utilement/à bon escient : en première ligne, ce sont donc bien les médecins qui sont en cause. Nous avons publié récemment des articles sur cette surconsommation telle que mesurée par Santé publique France sur le territoire français, ainsi le rapport de l’OMS sur son dernier rapport comportant de nouveaux indicateurs importants sur la consommation mondiale juste après sa publication samedi.
Les médecins prescrivent trop et donc mal les antibiotiques, et c’est un problème qui perdure depuis longtemps. La bonne nouvelle dans ce constat inquiétant, tant du fait de la pénurie que par sa conséquence dramatique : le développement de l’antibiorésistance, une autre pandémie bien silencieuse.

Dispensation à l’unité (DAU) : rôle clé du pharmacien

Les antibiotiques se prennent sur une durée déterminée. Pas question d’initier un traitement et de ne pas le terminer. Pas question non plus de poursuivre la consommation après la fin du traitement. Une mesure a donc été prise pour économiser le médicament sans impact sur la qualité du traitement : la dispensation à l’unité. Cela veut dire que le pharmacien va ce que l’on appelle « déconditionner » les boîtes, c’est-à-dire les ouvrir pour dispenser au patient le nombre exact d’unités requises pour le traitement, en fonction de la posologie et de la durée du traitement.

La DAU est de toute façon possible pour le pharmacien pour les médicaments sous blister et sachets doses depuis mars 2022, dans un objectif de lutte contre le gaspillage et le mésusage.

En pratique, le pharmacien délivre le nombre exact d’unités de médicaments nécessaires pour le traitement prescrits, dans un emballage approprié avec toutes mentions nécessaires.

Propositions de sociétés savantes pour les formes pédiatriques orales

Le DGS urgent intègre des recommandations du Groupe de Pathologie Infectieuse de la Société Française de Pédiatrie, de l’Association Française de Pédiatrie ambulatoire et de la Société Française de Pathologie Infectieuse de Langue Française portant sur les formes pédiatriques d’amoxicilline seul ou associé à l’acide clavulanique, antibiotiques les plus prescrits chez les enfants.

Ces recommandations d’indication et de posologie pour les enfants sont détaillées dans une annexe du DGS urgent.

Les médecins principaux responsables de la surconsommation


Les sociétés savantes rappellent que beaucoup de prescriptions d’antibiotiques chez l’enfant comme chez l’adulte sont inutiles et « ne sont plus admissibles ». Elles ne le sont plus au titre des tensions d’approvisionnement, mais aussi parce qu’elles favorisent l’antibiorésistance, un fléau de santé publique mondial dont nous parlons régulièrement et encore ces derniers jours avec un rapport de l’OMS.

Outre la nécessité que les médecins cessent de prescrire inutilement, pour les prescriptions justifiées, les sociétés savantes conseillent de réduire la durée de traitement pour toutes les pathologies fréquentes. 5 jours est suffisant dans la plupart des cas courants.

Ainsi la DSG dans sa circulaire s’adresse aussi aux médecins en particulier pour leur rappeler des règles de base malheureusement négligées :

  • on ne prescrit pas d’antibiotiques pour les infections virales, qui sont très majoritaires, et donc en cas de
  • Rhinopharyngite, laryngite ; ● Otite congestive, otite séreuse et otite de diagnostic incertain ; ● Bronchiolite, bronchite aiguë ; ● Angine aiguë chez l’adulte

sauf en cas de test d’orientation rapide de diagnostic (Trod) à streptocoque bêta-hémolytique du groupe A (sga) avec résultat positif. Le streptocoque n’est pas un virus mais une bactérie à traiter par antibiotiques.

Le médecin peut recourir à une ordonnance de dispensation conditionnelle d’antibiotiques, le pharmacien pourra ainsi délivrer les médicaments si et seulement si le Trod fait à la pharmacie est positif, dans les situations cliniques suivantes :
Angine aiguë chez un enfant âgé de moins de 3 ans ; ● Grippe et Covid-19 ; ● Crise d’asthme fébrile ; ● Suspicion de pneumonie sans examen de confirmation (radiographie ou échographie, dosage de la CRP sérique) ; ● Infections cutanées superficielles (impétigo) et dermatoses impétiginisées ; ● Fièvre non expliquée

L’ordonnance de non-prescription

On le sait en France, un patient est plus satisfait s’il ressort du cabinet médical avec une ordonnance. En conséquence les médecins ont malheureusement la main leste. Une ordonnance indiquant l’absence de prescription médicamenteuse s’agissant par exemple d’un diagnostic d’infection virale, peut être une solution judicieuse (sauf pour la consommation de papier inutile).

Actualité en lien

Hier 13 décembre, les sénateurs du groupe Communiste Républicain Citoyen et Ecologiste (CRCE) ont annoncé le lancement d’une commission d’enquête sur les ruptures d’approvisionnement touchant différents médicaments. Chaque groupe de l’Assemblée nationale peut lancer une telle initiative chaque année. Celle-ci débutera début 2023.

Du côté du gouvernement, on tente de calmer le jeu avec des déclarations successives du ministre de la Santé François Braun, qui tout d’abord a justifié les tensions actuelles concernant le Doliprane (amoxicilline) essentiellement par « un mouvement social » chez le fabricant de la spécialité, Sanofi, qui serait « en train d’être réglé. Il pense qu’on est en train de revenir à « un niveau normal ».

Après avoir demandé aux Français de ne pas faire de réserves d’antibiotiques, il leur a ensuite demandé de porter un masque en cette période hivernale, soit d’essayer de ne pas tomber malade comme moyen de contribuer à lutter contre les pénuries.

Pour aller plus loin

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