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Une « CRO » c’est quoi ?

La Rédaction a été interpellée à l’occasion de discussions à ce sujet sur les réseaux sociaux. Une occasion de donner un aperçu de ce que ce terme recouvre, puis de rappeler avec un cas illustratif que faire ses propres recherches sur internet pour chercher la vérité, c’est dangereux.

La signification de l’acronyme

« CRO » signifie « Contract Research Organisation » et désigne les entreprises qui travaillent comme sous-traitants ou partenaires externalisés pour l’industrie pharmaceutique, dispositifs médicaux et biotechs, ou tout organisme de recherche privé ou public.

On traduit en français par ‘Société de recherche sous contrat/contractuelle’ ou encore « Organisation de recherche sous contrat/contractuelle ». En pratique, on utilise le plus souvent en français l’acronyme anglais CRO.

Comme la plus grosse partie de l’activité des CRO concerne les activités de recherche clinique tant en volumes qu’en proportion de partenaires externes, les CRO concernées sont appelées également « Clinical Research Organisation« .

Un existence réglementaire

Les CRO sont des acteurs importants de la R&D. Elles sont ainsi définis dans lignes directrices internationales (ICH) : « personne ou une organisation (commerciale, universitaire ou autre) engagée par le promoteur pour exécuter une ou plusieurs des tâches et fonctions liées à l’essai du promoteur. »
Le promoteur est l’entité qui initie et finance le projet et en a la responsabilité in fine pour l’ensemble des tâches réalisées, sous-traitance ou non. D’où un contrôle strict de l’activité des CRO par le promoteur.

Le Code de la santé publique cite spécifiquement les CRO dès lors qu’un sous-traitant est engagé dans la réalisation de tâches incombant au promoteur pour la recherche biomédicale (exemple : modèle de convention unique).

Vue d’ensemble de la R&D pharmaceutique

Toutes les activités ci-dessus entrant dans le cadre des activités de la R&D pharma peuvent être sous-traitées à une CRO, dans les étapes précliniques et cliniques, pré- et post mise sur le marché des médicaments étudiés, et même en amont de tout cela pour des activités de conseil.

La segmentation

Il existe des CRO spécialisées sur certaines parties de la R&D, comme la recherche préclinique in vitro, la recherche clinique in vivo (animaux), d’autres spécialisées dans la phase d’évaluation clinique, dont des CRO spécialisées uniquement en phase I, les études chez les volontaires sains. Ces CRO possèdent leurs propres centres de recherche pour réaliser ces études de première administration chez l’homme.

Certaines CRO sont spécialisées dans les phases cliniques plus tardives, notamment les phase III qui sont des études cliniques qui nécessitent une grosse infrastructure logistique car ces études sont réalisées dans de multiples centres et souvent dans plusieurs pays.
D’autres CRO ou divisions de CRO ont des spécialisations « transversales » sur toute la chaîne de R&D, prenant en charge par exemple les analyses biologiques, nécessaires quelque que soit la phase préclinique et clinique, elles ont alors leurs propres laboratoires d’analyse.
Il existe des CRO spécialisée dans la mise au point des médicaments à l’essai (formulation, galénique,…), elles s’occupent donc de la fabrication des médicaments expérimentaux, y compris les fameux « placebos » fréquemment utilisés.

Des CRO sont spécialisées dans la gestion et l’analyse des données : le « data management ». Elles sont garantes du traitement des données « brutes » issues des recherches à leur mise à disposition pour les analyses statistiques.
La prestation qui suit cette étape est la biostatistique qui consiste à analyser les données d’étude.

Des CRO peuvent être spécialisées en post-marketing : réalisation d’essais de phase IV, études marketing (« market research » dans le jargon).

D’autres sont des spécialistes des « Affaires réglementaires », c’est-à-dire tout ce qui concerne la soumission des dossiers aux autorités sanitaires en vue de l’obtention de la mise sur le marché.

Il existe aussi de grosses CRO généralistes qui font à peu près tout, on les appelle des CRO avec des services « intégrés », elles ressemblent finalement à des laboratoires pharmaceutiques puisqu’elles disposent de toutes les fonctions, un peu en miroir, comme les laboratoires qui les sollicitent À tel point que certaines d’entre elles peuvent prendre potentiellement en charge le développement complet de médicaments.
Ces CRO sont des « leaders » du marché dans le secteur en volumes ce sont des partenaires stratégiques des laboratoires pharmaceutiques. Elle font l’objet de contrats cadres élaborés pour qu’elles s’investissent de façon personnalisée dans des processus et standards qui tiennent compte des exigences qualité du donneur d’ordre (le labo pharmaceutique).

En résumé, c’est un paysage très diversifié que celui des CRO, avec des spécialistes et des généralistes, pour globalement deux tiers d’activité comme en recherche clinique.

Les CRO sont des partenaires à forte technicité. Il ne faut pas prendre le mot « sous-traitance » de façon péjorative dans ce domaine, Ce sont souvent des partenaires de R&D souvent impliqués dans la faisabilité et la conception de ce que le laboratoire pharmaceutique va leur confier.

Aperçu du marché

Contract Research Organization Services Market 2020 Global Market Growth,  Size, Supply, Outlook, Regional Trends and 2026 Forecast Research Report |  Medgadget
Source : Medgadget

L’activité des CRO, apparues dans les années 1970; n’a fait que croître et les prévisions pour les années à venir confirment la tendance.

L’externalisation en R&D est stratégique, choisir les bons partenaires, sous-traiter pour les bons projets et les bonnes activités est une réflexion complexe et technique pour les laboratoires pharmaceutiques et des équipes entières y sont consacrés, en lien étroit avec les services d’Assurance qualité car l’enjeu est que l’externalisation ne souffre d’aucune baisse de la qualité attendue.

Parts de marché par type d’activité sous-traitée

Healthcare Contract Research Organization Market Report 2028

L’origine de cet article : une demande de vérification

Cet article a été inspiré par un demande de vérification comme nous le proposons dans la section « à la demande » du site de Citizen4Science.

Nous avons étés interpellés sur cette accusation de mensonge sur une biographie Twitter :

La personne visée indiquait donc qu’elle avait dirigé une « CRO : Clinical Research Organization ».

Le « debunker », pour l’occasion, a fait ses propres recherches et a conclu qu’une CRO c’est contract research et non clinical reseach. Il y a vu une tentative de se faire « mousser » en faisant passer de la vulgaire sous-traitance (Contract Research) pour de la noble recherche clinique (« Clinical Research »).

Faire ses propres recherches


Absence d’expertise + biais de confirmation sont un mélange détonnant pour s’égarer.

Jackpot ! Sur Google, il a trouvé ça :

Et même, notre enquêteur du net a trouvé la preuve absolue du mensonge de sa cible avec cette déclaration qu’elle a faite, toujours grâce à une recherche Google :

Vous savez, puisque vous avez lu cet article, que toute CRO travaillant sur des essais cliniques s’appelle dans le métier indifféremment Contract ou Clinical Research Organisation. Et que la majeure partie des CRO sont des Clinical Research Organisations.

Sur le fil Twitter de « debunker », cette accusation de mensonge mis à nu et confondant la cible sera un flot d’acclamations aveugles, dans un biais de confirmation collectif, ou sans doute plutôt de confiance aveugle.

Seule une petite voix s’élèvera courageusement, celle de Juliette, pharmacienne hospitalière:

Juliette semble consciente que rétablir une erreur du « debunker » est mal, alors il y va avec des pincettes, ajoute entre parenthèse que le faire n’est pas synonyme de prendre parti pour la cible : « non pas que je la défende »…. mais….

Son commentaire sera purement et simplement ignoré, aussi bien par le debunker que son auditoire.
(Le retweet unique est celui du compte Citizen4Science, qui s’attache au fact-checking plutôt qu’aux cibles).

Par la suite, le « debunker » va copier-coller ses messages partout où il peut pour imprégner la toile, de façon compulsive, propageant au final, de la désinformation, que s’approprieront eux-mêmes ses fans en toute confiance :

« ExpertBashing » : une pratique répandue sur les réseaux sociaux

C’et un phénomène qui est proportionnel au niveau de connaissances : certains « debunkers » n’aiment pas les experts et encore moins les experts dans leur domaine d’expertise.
Citizen4Science avait déjà debunké cette question, un internaute nous a envoyé sa réaction après avoir lu cet article, nous le remercions : le jargon du métier est pour le débunker « le langage de la rue ». Tout un état d’esprit.

Au-delà de sa vexation, il ne supprimera ni n’apportera de rectificatif sur la plateforme.
Un problème déontologique qui permet de s’interroger sur la motivation ultime entre l’auto-promotion et la bonne information du public. Alors bien sûr, il ne s’agit pas d’un « debunker » professionnel, mais il nous semble important de signaler ces pratiques et l’impact qu’elles peuvent avoir.

L’importance du contrôle qualité du debunk pour ne pas fabriquer de la désinformation ni retourner l’arme à l’usage du debunké

Ce qu’il est important de retenir, c’est qu’il est essentiel que les « debunkers » ignorants d’un domaine qu’ils explorent sur Google fassent vérifier leur travail par des experts du domaine, quand il s’agit de sujets techniques en particulier.
Une technique journalistique, en fait.
Une technique que l’on recommande à tout non expert du domaine exploré finalement.
Nous insistons là-dessus parce que le public ne fait pas la différence entre les choses importantes et celles qui le sont moins, sur le fond, et accordent une confiance tacite à une personne qui se met l’étiquette de « debunker. »

L’accusation par le « debunker dans notre exemple ‘CRO » est donc fausse (diffamation) sur base d’une démonstration qui se veut implacable mais est complètement erronée, générant de la désinformation, ce que la cible peut utiliser en retour pour au mieux semer la confusion dans le public, au pire pour accroître encore son audience.

Les intentions des « debunkers’ de réseaux sociaux, sont louables, ils est donc dommage qu’ils sombrent dans les biais de leurs cibles complotistes avec cette façon de faire leurs propres recherches, sans les faire vérifier afin de ne pas donner des armes à leurs cibles tout en désarmant le public en quête de vérité.

Mises à jour 9-13/06/2022 : ajout des 2 derniers paragraphe et de copies d’écran illustratives, suppression d’une phrase et modification d’une terminologie.

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