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Sexisme à l’hôpital : une prise de conscience tardive à base de #MeToo grâce à la lanceuse d’alerte Karine Lacombe

Une enquête de Paris-Match a permis de mettre publiquement un nom sur un médecin prédateur sexuel hospitalier, selon les révélations de l’enquête. Le retour de la professeure Lacombe, devenue médiatique pendant la crise sanitaire par ses alertes et sa défense de la parole scientifique

Les langues se délient, dans le sillage du mouvement #MeeToo dans le monde du cinéma. Dans le cas présent, c’est le monde hospitalier qui est visé, que connaît bien la femme médecin Karine Lacombe qui y a fait carrière. Cela fait quelques années, à savoir depuis sa médiatisation début 2020 lors de la pandémie de Covid-19, qu’elle évoque le sexisme omniprésent dans son univers professionnel, mais aussi les réseaux sociaux où elle a été la cible de harcèlement et de menaces violentes imprégnées de remarques sexistes et misogynes.

Une vraie lanceuse d’alertes

À l’origine des attaques ciblant l’infectiologue, le fait que ce soit elle qui a lancé l’alerte auprès du grand public, sur les plateaux TV de grandes chaînes, en prime time midi et soir, un jour de mars 2020. Interrogée par les journalistes, elle évoque les travaux douteux de l’IHU Marseille-Méditerranée dirigé par Didier Raoult, aujourd’hui à la retraite. Ce jour-là, elle dénonce l’essai clinique menée hors des clous méthodologiques et éthiques sur l’hydroxychloroquine initié et conduit par l’IHU. L’inclusion des patients a perduré malgré cela et l’interpellation des parties prenantes et des autorités pendant près d’un an, pour au final avoir des milliers de patients séduits par l’aura charismatique du professeur marseillais qui voulait, disait-il, les « soigner ». Mais sans leur avoir fait signer un consentement éclairé écrit comme la loi sur les études cliniques l’exige, et surtout, en menant des recherches non valides scientifiquement, ne permettant pas de conclure à l’efficacité ou non de l’hydroxychloroquine.

Suite à ses premières interventions médiatiques clés, Karine Lacombe a été très sollicitée par les médias pour couvrir la crise sanitaire. Comme elle l’expliquait alors, on lui a permis de prendre la parole, c’était précieux, alors, cette parole, elle a décidé de la garder. Tout au long de la crise sanitaire, elle fera le point régulièrement sur les plateaux TV pour faire part, avec pédagogie, des avancées scientifiques face à un virus et une maladie inconnus et des connaissances qui progressent petit à petit.

Au cours de ces dernières années très médiatiques, elle évoque régulièrement la cause des femmes de science. Elle évoque régulièrement, ce médecin qu’elle a côtoyé de près à l’hôpital Saint-Antoine, qu’elle qualifie de prédateur sexuel. pour autant jamais elle ne le nomme, préférant ne pas pointer du doigt des personnes, mais des attitudes et un système délétère. On retiendra donc pour l’histoire et les éventuels tribunaux dont elle est déjà menacée à ce titre, que Karine Lacombe n’a jamais désigné la cible. Non. C’est la journaliste de Paris-Match, qui dans le cadre de son enquête, aurait fait le rapprochement entre les descriptions accusatoires de Karine Lacombe et le sieur Patrick Pelloux. Soit, c’est la journaliste qui s’attribue la dénonciation.

#MeeToo, son exploitation opportuniste

Le phénomène #MeeToo a du bon : quelqu’un lance l’alerte, victime personnelle d’un abus ou non. S’ensuit le courage de victimes pour confirmer, ou dénoncer à leur, courage qui leur avait manqué jusque-là mais que le lanceur d’alerte a permis. Les victimes se mettent à révéler, forcément trop tardivement, mais c’est tant mieux quand même.
Participe de ce processus également le #MeeToo de pseudo lanceurs d’alerte, qui se bombardent en tant que tel rapidement dans le sillage des vrais, soit pour tenter de masquer leur participation à l’omerta, soit pour récupérer un peu de lumière médiatique, tant qu’à faire. Voire les deux. Sur un malentendu, et le temps faisant son affaire, ça peut passer. On l’a largement vu avec le cas de Didier Raoult, avec des « surfeurs de vague » sur les réseaux sociaux se bombardant experts en recherche et éthique médicale en reprenant à leur compte l’alerte de Karine Lacombe sans aucune compétence en ses matières très techniques.

Pour revenir au cas du harcèlement sexiste ou sexuel, fort du succès de son article initial, Paris-Match remet une couche avec Anne Jouan qui a publié, toujours au format interview, l’avis de la médecin Agnès Buzyn, également femme politique ancienne ministre de la santé. Cette dernière confirme les propos et la position de Karine Lacombe sur le milieu médico-hospitalier. Elle en profite pour attaquer l’Ordre des médecins, le considérant plus comme un syndicat que comme « une instance déontologique ». Elle assène : « l’Ordre a trop souvent protégé les comportements violents, que ce soit chez les harceleurs ou chez les charlatans, en attaquant ceux qui les dénonçaient ». La réaction ne s’est pas fait attendre, sous forme d’une publication sur le réseau social X (anciennement Twitter) de Jean-Marcel Mourgues, vice-président du Conseil national de l’Ordre des médecins : « 

Curieusement Madame Agnès Buzyn, Ministre de la Santé, de mai 2017 à février 2020, ne s’épanchait alors auprès de l’Ordre des médecins des violences commises par les médecins…[…] Mme Buzyn était très taiseuse sur le sujet dans ses relations de Ministre de la Santé- Ordre des médecins. Porter une cause juste en accusant à présent l’Ordre des médecins laisse extrêmement perplexe….chacun aura son interprétation sur les raisons d’une telle attitude. »

En effet, c’est un peu facile de dénoncer le sexisme et l’omerta tout en y ayant participé permettant aux méfaits de perdurer, qui plus est en étant une femme au cœur du pouvoir et des instances concernées en son temps.
D’autres instances y compris des syndicats, sont dans le même cas, y allant tout à coup de déclarations et communiqués pour dénoncer… l’omerta. Sans pour autant faire de mea culpa d’y avoir participé. C’est le jeu du #MeToo.
D’ailleurs, Agnès Buzyn multiplie désormais les interventions, ici relatant son parcours de médecin hospitalier abandonné à cause de tout cela, tout qu’elle n’a pas dénoncé avant le top départ de Karine Lacombe, sa consœur courageuse.

« Les Patrick Pelloux », bourreaux et victimes d’un système ?

C’est toujours aller vite en besogne que d’avoir ce type de raisonnement : les coupables ne sont que le fruit de ce qui les a tentés à passer à l’acte, voire de ce dans quoi ils ont été élevés. Non bien sûr, le sexisme n’est pas excusable au XXIe siècle. Mais force est de constater qu’il règne une culture très ancrée de patriarcat à l’hôpital Le poids séculaire d’un état d’esprit, pas facile de s’en extirper. Dans le milieu médical, il y a en outre des rites, des intronisations, qui vont on le sait, jusqu’à des fresques graveleuses dans les salles de garde, où l’on montre des femmes sexuellement au service de la satisfaction des hommes.
Patrick Pelloux, lui, s’est défendu en déclarant d’une part qu’être « grivois » à une époque, c’était normal et que les temps ont changé, et d’autre part qu’il comptait porter plainte contre Karine Lacombe, qui comme on le sait a déjà réfuté toute accusation directe le nommant.

Poids de la hiérarchie, management absent

Mais il y a un autre aspect, qu’a évoqué l’ex ministre de la santé Agnès Buzyn, médecin de qualification : à l’hôpital, le corps médical n’est pas formé au management. Et oui, comme dans beaucoup de métiers « techniques », on monte en grade et en hiérarchie automatiquement, indépendamment des capacités managériales. C’est particulièrement le cas dans les métiers de la santé, et exacerbé chez les médecins. Oui mais « c’est un bon chirurgien » fait valoir comme excuse courante Mme Buzyn pour illustrer le propos. Au poids du haut diplôme médical vite assimilé à pouvoir intouchable s’ajoute celui de la hiérarchie écrasante et une domination masculine du métier. Sur ce dernier point, une clé parmi les solutions est nécessairement d’aller vers plus de parité au sein du corps médical, pour faire respecter celui de la femme.

Frédéric Valletoux sur le coup

Le ministre délégué à la santé s’est empressé de recevoir la lanceuse d’alerte fin avril. Il posent ensemble sur une photo publiée sur le réseau X par Frédéric Valletoux qui commente : « Riches échanges avec le Pr Karine Lacombe avec qui nous partageons une même volonté d’avancer sur la question des violences sexistes et sexuelles dans le domaine de la santé ». Le 29 avril, je réunirai les acteurs concernés pour avancer sur ces sujets ».

Image d’en-tête : dessin de presse VHAE pour Science infuse

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