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Pseudo-sciences et fake médecine à l’assaut des maisons de santé : un danger pour la santé publique

Les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), conçues pour pallier la pénurie de médecins, sont infiltrées par les praticiens de pseudo-médecines, pratiques non éprouvées, formés dans des écoles privées agréées par l’État ou des DU ambigus. Le phénomène touche aussi d’une façon générale les cabinets médicaux

Les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) ont été créées pour renforcer l’accès aux soins dans les territoires en pénurie de médecins. Ces structures réunissent médecins, infirmiers et kinésithérapeutes, mais accueillent aussi un nombre croissant de non-professionnels de santé exerçant des « médecines alternatives » ou autres pratiques non conventionnelles », comme l’ostéopathie, l’homéopathie, la réflexologie ou la naturopathie. Souvent issus d’écoles privées aux agréments trompeurs, de diplômes universitaires (DU) dont la persistance voir l’essor interroge ou reconvertis via des formations douteuses, ces praticiens profitent de défaillances réglementaires. Ce problème est aggravé, voire entretenu par un puissant lobby qui cherche à institutionnaliser les pseudo-médecines avec des appuis politiques et universitaires. Un phénomène inquiétant qui menace la santé publique

L’essor des pratiques non conventionnelles dans les MSP… et ailleurs

Les pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) séduisent environ 40 % des Français, selon une enquête de la DGCCRF (2020-2021), souvent par méfiance envers la médecine conventionnelle ou pour pallier un manque d’écoute. Dans les MSP, la pénurie de professionnels pousse à intégrer des praticiens non conventionnels pour combler les locaux vacants. Le Dr Claire Siret, dans un rapport de l’Ordre des médecins (2023), alerte : « Certaines MSP sont majoritairement occupées par des praticiens aux approches non validées, créant une confusion pour les patients. » Ces praticiens, qu’ils soient ostéopathes affichant un « DO » (diplôme d’osthéopathie) ou réflexologues, utilisent des plaques professionnelles évoquant la médecine, renforçant leur apparente légitimité. Le rapport annuel de la Miviludes (2022) note une augmentation des signalements liés à des PSNC dans des structures médicales, soulignant que « l’intégration de ces pratiques dans des lieux officiels accroît leur crédibilité indue ».
En ville y compris loin des déserts médicaux, on constate un phénomène à l’identique avec des cabinets médicaux qui accueillent en leur sein des praticiens non professionnels de santé ni auxiliaires médicaux.
Dans les rues, des plaques de pseudo-médecins et autres thérapeutes fleurissent, témoignant de l’installation d’auto-entrepreneurs en quête de « patients ».

Écoles privées et reconversions : une fabrique de pseudo-praticiens

Les écoles privées dédiées sont au cœur de cette infiltration. Elles proposent des formations coûteuses (5 000 à 10 000 euros par an) en ostéopathie, réflexologie, naturopathie ou sophrologie, souvent estampillées « agréées par l’État ». Le titre « DO » (diplômé en ostéopathie), délivré par des écoles comme l’Institut Toulousain d’Ostéopathie ou le Collège Ostéopathique Européen, est présenté comme un diplôme officiel, alors qu’il n’a pas de valeur médicale (Le Monde, 2022). La DGCCRF a recensé des allégations thérapeutiques illégales, comme des promesses de « guérir » des troubles graves par la réflexologie plantaire ou la naturopathie. Ces écoles attirent des professionnels libéraux reconvertis, kinésithérapeutes, infirmiers, mais aussi enseignants ou esthéticiennes devenues réflexologues, via des formations courtes (parfois un an). Par exemple, l’École Internationale de Réflexologie ou le Centre de Formation en Naturopathie délivrent des « certificats professionnels » sans contrôle scientifique, permettant à ces reconvertis de s’installer dans des MSP. Ces populations de praticiens se font souvent appeler « thérapeutes » et parlent de leurs « patients ». Nous avons aussi identifié des surfeurs sur cette vague qui s’affichent comme « accélérateurs de cabinet » de « thérapeute », qui ne s’intéressent guère à ce que vous vendez mais promettent de vous faire vendre beaucoup grâce à un plan marketing.

Des diplômes universitaires qui brouillent les pistes

Certaines universités aggravent la confusion en proposant des DU en lien avec des PSNC, comme la « médecine anthroposophique » à Strasbourg ou l’« aromathérapie » à Dijon. Ces formations, bien que n’accordant pas de titre médical, sont perçues comme une validation académique. Le rapport de l’Ordre des médecins (2023) critique ces DU, appelant à limiter leur développement. Nous avions dénoncé l’an dernier dans ces colonnes notamment les DU interuniversitaires d’homéopathie en plein essor. La MIVILUDES, dans son rapport 2023, souligne que « ces DU, en légitimant des pratiques non validées, contribuent à la confusion dans l’esprit du public ».

Le lobbying de l’A-MCA : une infiltration au sommet de l’État

L’Agence des Médecines Complémentaires et Alternatives (A-MCA), créée en 2020, ambitionnait de devenir une agence gouvernementale pour réguler les PSNC, chaperonnée par la ministre de la santé éphémère, Agnès Firmin-Le Bodo. Dénoncée par les Académies nationales de médecine et de pharmacie et Citizen4Science, association d’information et de médiation scientifique qui est notre éditeur et lanceur d’alerte sur cette structure, l’A-MCA bénéficie d’appuis politiques et universitaires. Nous avons déjà pointé les conflits d’intérêts des dirigeants de l’A-MCA, comme un médecin membre d’une mutuelle santé et un professeur lié à des formations privées. Un article du 20 septembre 2023, D’autres lanceurs d’alerte, ont révélé des pressions exercées par un professeur de médecine, président du CUMIC (lié à l’A-MCA), menaçant un chercheur pour protéger les intérêts des PSNC, illustrant l’infiltration au plus haut niveau. La MIVILUDES, dans son rapport 2022, met en garde contre « l’influence croissante de structures comme l’A-MCA, qui cherchent à légitimer des pratiques non validées au sein des institutions ».

Un danger amplifié par les réseaux sociaux

Les réseaux sociaux amplifient ces dérives. Des praticiens reconvertis, comme des réflexologues ou naturopathes, se présentent comme « experts en santé naturelle » sur Instagram ou TikTok, attirant des patients avec des promesses illusoires. Le rapport de la MIVILUDES (2023) cite un patient décédé d’un cancer après avoir suivi les conseils d’un naturopathe reconverti prônant des jeûnes, soulignant que « les dérives sectaires dans les PSNC sont en hausse, avec des risques graves pour la santé ». Nous avions suivi pendant la crise du Covid le cas d’expert en santé auto-proclamé exilé hors France bien qu’elle reste sa seule cible, Jérémie Mercier, dont l’activité semble fort heureusement en perte de vitesse. Une série d’articles est dédiée à ses pratiques douteuses. Elle illustre bien le phénomène et ses ressorts.

La responsabilité du gouvernement

En accordant des agréments à des écoles privées et à leurs formations diplômantes sans exiger de standards scientifiques, il permet la formation de praticiens aux compétences douteuses. Le Code de la santé publique, réservant le diagnostic et le traitement aux professionnels de santé, est contourné par l’absence de contrôle sur l’usage du terme « médecine » et l’utilisation de termes alternatifs comme « praticien » ou « thérapeute ». Les sanctions pour exercice illégal sont rarement appliquées (DGCCRF, 2021). Les DU et agréments d’écoles privées confèrent une légitimité imméritée, tandis que le lobbying de l’A-MCA, infiltré au niveau parlementaire et gouvernemental, pousse à institutionnaliser les pseudo-médecines.

Un péril pour la santé publique

L’intégration de non-professionnels de santé et de professionnels paramédicaux dans leur spécialité exclusive dans les MSP met en danger la santé publique. Leur proximité avec des médecins prête une crédibilité imméritée, qui peut inciter les patients à se détourner de traitements validés. Une étude de la DREES (2022) montre une défiance croissante envers la médecine conventionnelle, alimentée par des promesses illusoires. Les conséquences incluent des retards de diagnostic, des abandons de traitements et des décès évitables. Il existe également un risque de dérives sectaires établi.

L’infiltration des non-professionnels, issus de reconversions via des écoles privées ou des DU ambigus, et soutenue par le lobbying de l’A-MCA au plus haut niveau de l’État, constitue une menace certaine pour la santé publique. Le gouvernement, en validant ces formations douteuses et en tolérant l’influence de l’A-MCA, a une responsable clairement établie. Une régulation stricte, interdisant l’usage abusif du terme « médecine », renforçant les contrôles sur les écoles privées, en supprimant les agréments de formations pseudoscientifiques et neutralisant les lobbies, est urgente pour garantir que les MSP et les cabinets médicaux restent des lieux de soins fiables, ancrés dans la science pour des pratiques éprouvées.

Illustration d’en-tête : source www.sante.gouv

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