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Vitamine D : une pseudo-vitamine pour une pseudo-maladie

par Tim Spector, professeur d’Épidémiologie génétique, King’s College, Londres

Un siècle après leur découverte, nous sommes toujours amoureux des vitamines, avec la moitié de la population américaine et britannique les prenant comme complément. La vitamine D, la vitamine du soleil, est la plus populaire et celle dont les bienfaits sont les plus avérés. Les gouvernements, notamment le gouvernement britannique, ont déclaré que les preuves des bienfaits de la vitamine D pour la santé sont si accablantes que chaque adulte devrait en prendre sous forme de complément pendant au moins six mois de l’année.

La vitamine D a été utilisée pour la première fois pour guérir le rachitisme chez les enfants de l’époque victorienne vivant dans la pauvreté urbaine et elle est maintenant administrée de manière systématique pour prévenir et traiter l’ostéoporose et les fractures. Elle a été associée à une réduction du risque de plus de cent maladies courantes dans des études observationnelles, allant de la dépression au cancer.

La plus grande étude clinique jamais réalisée sur les bienfaits de la vitamine D dans la prévention des fractures est maintenant rapportée dans le BMJ, avec plus de 500 000 personnes et environ 188 000 fractures provenant de
23 cohortes dans de nombreux pays. Les taux de vitamine D étant fortement influencés par les gènes, les chercheurs ont utilisé des marqueurs génétiques pour les taux sanguins de vitamine D (ce que l’on appelle la randomisation mendélienne ou RM) afin d’éviter les biais habituels des études observationnelles, tels que la confusion entre la cause et les conséquencse de la maladie et les effets d’autres comportements de santé connexes (appelés « facteurs de confusion »).

Explications sure la randomisation mendélienne

Les résultats n’ont montré aucune association entre les niveaux de vitamine D au cours d’une vie et le risque de fracture. Cette dernière étude contredit l’opinion récente du gouvernement britannique, mais pas une foule d’essais cliniques antérieurs.

En 2014, un examen et une méta-analyse de 31 essais de supplémentation en vitamine D n’ont révélé aucun effet sur aucune fracture. Une grande partie de notre croyance forte dans les bienfaits de la vitamine D provient d’études sur les suppléments dans les maisons de soins dans les années 1980, qui n’ont jamais été répliquées et étaient probablement imparfaites.

Dans une méta-analyse plus récente de 33 essais randomisés portant sur plus de 50 000 adultes âgés, la supplémentation en calcium ou en vitamine D n’a eu aucun effet sur l’incidence des fractures. Il n’y avait pas non plus de bénéfices clairs sur la force musculaire ou la mobilité.

Donc, si toutes les données indiquent que la vitamine D ne prévient pas les fractures, pourquoi se préoccuper de toutes les personnes dont le taux sanguin de cette vitamine est faible ? La carence en vitamine D est devenue une épidémie moderne : un cinquième de la population britannique et américaine présenterait un taux faible. Seront-ils plus sensibles à d’autres maladies et au cancer ?

Absence de consensus sur la carence

Il n’existe pas de consensus sur la définition de la carence en vitamine D. Les niveaux de carence sont arbitraires. Les niveaux de carence sont arbitraires, dénués de consensus international, et la confusion est due aux différentes unités utilisées aux États-Unis. Un taux « normal » peut varier de 50 à 80 nanomoles par litre de sang, mais des études récentes suggèrent que 30 nmol est largement suffisant.

Si la carence clinique (<10 nmol) est souvent évidente, le fait d’étiqueter à tort des millions de personnes comme carencées en vitamine D est source de stress et de surmédicalisation. La plupart des gens supposent que le calcium et la vitamine D sont sans danger, et que plus on en prend, mieux c’est. Ma pratique clinique a changé lorsque des études ont montré que les compléments en calcium, en plus d’être inefficaces contre les fractures, pouvaient provoquer des maladies cardiaques. Les prescriptions sont maintenant en baisse.

La vitamine D étant liposoluble, des taux élevés peuvent s’accumuler dans l’organisme. Bien que les recommandations concernant les suppléments portent généralement sur des doses modestes (10 microgrammes ou 400 unités internationales (UI)), celles-ci seront inévitablement dépassées par certaines personnes qui prennent d’autres sources dans les comprimés d’huile de foie de morue ou dans le lait, le jus d’orange ou le pain enrichis. Plus inquiétant encore, les personness achètent de plus en plus souvent sur internet des suppléments fortement dosés de 4 000 à 20 000 UI.

Les patients présentant des taux sanguins de vitamine D très élevés (plus de 100 nmol) deviennent monnaie courante dans ma clinique et ailleurs, et des surdoses toxiques sont de plus en plus souvent signalées. Plusieurs essais randomisés ont montré que les patients présentant des taux sanguins élevés ou prenant de fortes doses de vitamine D (plus de 800 UI) présentaient un risque accru inattendu de chutes et de fractures. La vitamine D est loin d’être sûre.

Son utilisation ne peut plus être recommandée pour d’autres pathologies ; la grande majorité des études positives publiées pour 137 maladies ont été revues comme étant fausses. On croyait généralement que les suppléments de vitamine D prévenaient les maladies cardiovasculaires, mais les méta-analyses et les études génétiques à grande échelle sur les RM ont écarté cette hypothèse.

Pseudo-maladie

Nous avons créé une autre pseudo-maladie qui est encouragée par les fabricants de vitamines, les groupes de patients, les fabricants de produits alimentaires, les services de santé publique et les organisations caritatives. Tout le monde aime croire à une pilule vitaminée miracle et a l’impression de « faire quelque chose ».

La vitamine D, malgré son statut de star, ne serait pas qualifiée de vitamine aujourd’hui, car les doses nécessaires sont trop importantes, le corps peut la synthétiser à partir de la peau, et c’est un précurseur de stéroïdes. Au lieu de se fier à cet imposteur, les personnes en bonne santé devraient obtenir de la vitamine D en s’exposant chaque jour à de petites doses de soleil ainsi qu’en consommant des aliments tels que du poisson, de l’huile, des champignons et des produits laitiers.

Nous devrions également croire que des milliers d’années d’évolution permettraient de faire face à une baisse naturelle des niveaux de vitamine D en hiver sans que nous ayons à nous casser les membres. Environ la moitié de la population prend des vitamines quotidiennement, malgré des bénéfices nuls et des preuves croissantes de leur nocivité. La tendance mondiale consistant à ajouter des vitamines non réglementées aux aliments transformés doit désormais être sérieusement remise en question.

Si le traitement par la vitamine D a toujours un rôle médical rare dans les cas de carence grave ou pour les personnes alitées, le reste d’entre nous devrait éviter d’être « traité » avec ce stéroïde pour cette pseudo-maladie et se concentrer sur un mode de vie sain, le soleil et surtout économiser son argent et son énergie en consommant de vrais aliments très variés.

Traduit par Citizen4Science – Article original paru dans The Conversion : lien

2 réflexions sur “Vitamine D : une pseudo-vitamine pour une pseudo-maladie

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