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Nouveaux traitements de la surdité : une révolution portée par l’IA

La prise en charge des problèmes d’audition, qui touche beaucoup de personnes en particulier avec le vieillissement de la population, a bien évolué ; nous vous proposons un tour d’horizon des solutions proposées souvent augmentées voire à base d’intelligence artificielle

La surdité, qu’elle soit congénitale, liée à l’âge ou à des traumatismes, affecte environ 6,3 millions de personnes en France (INSEE) et 1,5 milliard dans le monde (OMS, 2023). Les prothèses auditives, désormais boostées par l’intelligence artificielle (IA), restent la solution la plus courante pour les pertes auditives légères à modérées, tandis que les implants cochléaires s’imposent pour les surdités sévères, bien que sous-utilisés. Cependant, l’avenir se tourne vers la régénération des cellules ciliées de la cochlée, avec des avancées prometteuses comme la bioimpression, les thérapies par cellules souches et les thérapies géniques, illustrées par un succès clinique récent chez un enfant. Cet article explore ces évolutions, en s’appuyant sur des sources scientifiques récentes.

Prothèses auditives : une révolution portée par l’IA

En France, environ 1,2 million de personnes portent des prothèses, mais leur coût (1 500 à 2 000 euros par appareil) et la stigmatisation freinent leur adoption, malgré une prise en charge par la Sécurité sociale améliorée ces dernières années, pouvant être intégrale (100 % Santé). Ces innovations, bien qu’efficaces, ne restaurent pas l’audition naturelle, car elles ne régénèrent pas les cellules ciliées endommagées de la cochlée, l’organe clé de l’audition.

Cela étant dit, les prothèses auditives ne se contentent plus d’amplifier les sons. Grâce à l’intégration de puces IA, elles offrent une analyse en temps réel des environnements sonores. En 2024, des modèles comme Starkey Genesis AI et Phonak Audeo y utilisent des algorithmes d’apprentissage automatique pour isoler la parole dans des contextes bruyants, comme les restaurants bondés. Une étude du Journal of the American Academy of Audiology (2024) montre une amélioration de 30 % de la compréhension vocale par rapport aux prothèses classiques. Ces appareils intègrent des fonctionnalités avancées : transcription en temps réel, traduction automatique via des applications connectées, et suivi de la santé auditive. Par exemple, Oticon More (2023) ajuste les réglages pour réduire la fatigue auditive, tandis que Widex Moment (2024) utilise des capteurs de mouvement pour optimiser la directivité des microphones.

Implants cochléaires : une solution établie mais limitée

Pour les surdités sévères à profondes, les implants cochléaires, qui stimulent directement le nerf auditif, sont une option éprouvée. En France, environ 15 000 personnes en bénéficient, mais seulement 15 % des candidats éligibles y recourent, selon le Collège national d’audioprothèse (2023). La chirurgie, coûtant environ 45 000 euros (pris en charge par la Sécurité sociale), est efficace : une étude du CHU de Toulouse (2024) indique que 80 % des enfants implantés avant 2 ans développent un langage proche de la norme.

À l’instar des prothèses auditives, les implants évoluent également grâce à l’IA. En 2024, Cochlear Limited a introduit un processeur externe avec IA intégrée, qui personnalise les réglages en fonction des environnements sonores. Cependant, la perception sonore reste artificielle, et l’efficacité dépend des neurones auditifs résiduels, limitant les résultats chez les patients avec une dégénérescence avancée. De plus, la chirurgie invasive et la rééducation orthophonique longue découragent certains candidats.

Bioimpression : une technologie pour la régénération cochléaire

a bioimpression émerge comme une solution innovante pour régénérer les cellules ciliées de la cochlée. À Bordeaux, le projet BIOIMPRESS, dirigé par le Dr Damien Bonnard et le Pr Raphaël Devillard (Inserm BioTis), utilise la bioimpression assistée par laser pour déposer des microgouttelettes de substances thérapeutiques (médicaments, gènes ou cellules) sur la fenêtre ronde de la cochlée. Selon Audiologie Demain (2023), cette méthode offre une précision inégalée et réduit les risques de lésions par rapport aux injections classiques. Testée sur des modèles murins, elle vise à administrer des thérapies régénératives pour restaurer les cellules ciliées.

À l’international, des progrès renforcent cet espoir. Une étude de l’Université de Californie à San Diego (Biofabrication, 2024) a démontré la faisabilité de bioimprimer des structures cochléaires in vitro, utilisant des hydrogels biocompatibles pour recréer un environnement favorable à la régénération cellulaire. Ces travaux, encore précliniques, suggèrent que la bioimpression pourrait un jour produire des tissus cochléaires fonctionnels. Cependant, des défis subsistent : biocompatibilité, intégration fonctionnelle et miniaturisation des dispositifs. Les chercheurs estiment qu’aucun essai clinique chez l’humain n’aura lieu avant 2030.

Thérapies par cellules souches : une autre voie pour la régénération cochléaire

Les thérapies par cellules souches visent à régénérer les cellules ciliées ou les neurones auditifs, en utilisant notamment des cellules souches pluripotentes induites (iPSCs). Les études animales dominent ce champ. Une étude de l’Institut Pasteur (Nature Communications, 2025) montre que l’injection de progéniteurs cellulaires dans la cochlée de souris induit une régénération partielle des cellules ciliées, avec des améliorations mesurées par ABR. Des travaux sur des cochons d’Inde (2015) et des porcs (2016) ont également démontré que des cellules souches mésenchymateuses humaines peuvent migrer vers la cochlée et améliorer les réponses auditives.

Chez l’humain, les greffes de cellules souches dans la cochlée restent rares. Une étude de 2016 (Stem Cell Research & Therapy) a rapporté la transplantation autologue de cellules mononucléées de moelle osseuse (BM-MNC) chez des patients recevant un implant cochléaire, via une électrode biohybride. Cette approche visait à protéger les neurones auditifs, mais n’a pas démontré de régénération des cellules ciliées. Une autre étude (2018, Journal of Audiology & Otology) a testé l’administration systémique de cellules souches de cordon ombilical autologue chez des enfants avec surdité sensorielle acquise, montrant une amélioration modeste des seuils auditifs, mais sans preuve de régénération cochléaire directe, probablement en raison d’effets paracrines.

Aucun essai humain récent (2023-2025) ne documente la greffe directe de cellules souches dans la cochlée pour régénérer les cellules ciliées. Les défis incluent l’accès chirurgical à la cochlée, la survie des cellules greffées et les risques immunologiques. Cependant, des essais cliniques sont prévus, notamment par Rinri Therapeutics, qui teste Rincell-1, une thérapie cellulaire ayant restauré 40 % des seuils auditifs chez des animaux (RNID, 2024). Des essais humains sont attendus dès 2026, combinant cellules souches et implants cochléaires.

Thérapie génique : un succès clinique marquant

Un progrès spectaculaire a marqué 2024 : un enfant de 11 ans, né avec une surdité profonde due à une mutation du gène otoferline, a retrouvé une audition modérée grâce à une thérapie génique (Nature Medicine, 2024). Cette mutation, responsable de la surdité DFNB9, empêche la production d’otoferline, une protéine essentielle à la transmission des signaux sonores par les cellules ciliées. La thérapie, administrée par injection directe dans la cochlée, a utilisé un vecteur viral (adénovirus associé) pour livrer une copie fonctionnelle du gène. Six mois après le traitement, l’enfant pouvait entendre des sons conversationnels et reconnaître des mots, une première mondiale pour ce type de surdité génétique.

Ce succès, réalisé dans le cadre d’un essai clinique aux États-Unis, est limité à un sous-type rare de surdité (DFNB9 représente moins de 2 % des surdités génétiques). Cependant, il démontre la faisabilité des interventions intracochléaires chez l’humain et ouvre la voie à des thérapies combinées, où des cellules souches pourraient amplifier les effets des corrections génétiques. Des essais similaires sont en cours en Chine et en Europe, avec des résultats attendus d’ici 2026.

Perspectives et défis


Les prothèses auditives, dopées par l’IA, offrent des solutions immédiates et performantes, mais elles ne guérissent pas la surdité. Les implants cochléaires, bien qu’efficaces, restent invasifs et limités par la qualité des neurones auditifs résiduels. Les technologies régénératives – bioimpression, cellules souches et thérapies géniques – incarnent l’espoir d’une restauration naturelle de l’audition. La bioimpression et les cellules souches, encore au stade préclinique, visent à reconstruire les tissus cochléaires, tandis que la thérapie génique a franchi une étape clinique majeure.

Ces avancées soulèvent des défis. Les technologies régénératives nécessitent des investissements massifs et des progrès en bioingénierie pour surmonter les obstacles techniques, comme la survie cellulaire ou la précision des interventions. Les coûts, potentiellement élevés, risquent de limiter l’accès à ces traitements. De plus, des questions éthiques émergent : certains membres de la communauté sourde, qui considèrent la surdité comme une identité culturelle, pourraient rejeter ces innovations. Enfin, la réglementation stricte des essais cliniques humains ralentit la transition des laboratoires aux cliniques.

En conclusion, la prise en charge de la surdité évolue rapidement. Les prothèses et implants dominent aujourd’hui, mais les thérapies régénératives, illustrées par le succès de la thérapie génique en 2024, redéfinissent les perspectives. D’ici 20 à 30 ans, la régénération cochléaire pourrait transformer la surdité d’une condition chronique en une affection curable, offrant une audition naturelle à des millions de personnes.

Illustration d’en-tête : Yunus Tuğ

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