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Bientôt au cinéma : « En attendant la nuit » : le thème du vampire brillamment renouvelé mêlant étrangeté, émotion et justesse

Sortir du lot sur ce thème n’était pas évident, Céline Rozet le fait, avec modernité, esthétisme et un casting parfait.

Le film sort le 5 juin. On l’a vu en avant-première en présence de la réalisatrice Céline Rouzet et de Mathias Legoût-Hammond qui joue le personnage principal du film.

Synopsis : « Philémon est un adolescent pas comme les autres : pour survivre, il a besoin de sang humain. Dans la banlieue pavillonnaire un peu trop tranquille où il
emménage avec sa famille, il fait tout pour se fondre dans le décor. Jusqu’au jour où il tombe amoureux de sa voisine Camila et attire l’attention sur eux…
« 

La musique de Jean-Benoît Dunkel, du groupe français « Air » qu’on avait découvert justement au cinéma avec la musique lancinante du film de Sofia Coppola ‘Virgin Suicides’, nous frappe dès l’ouverture du film. Comme la scène inaugurale violente qui nous fait réaliser le destin à venir d’un enfant pas comme les autres. Cette bande originale de film est à l’ image de l’œuvre : esthétique, recherchée et empreinte d’étrangeté avec ses sonorités complexes, mais aussi puissante avec des sons bruts de guitare électrique.
La nature, la forêt, les massifs du Jura… nous sommes en Franche-Comté pas loin de Besançon. Les paysages et la nature sont mis en valeur, la lumière et les ombres, l’aube et le crépuscule où les nuages violacés annoncent la nuit libératrice. Ici, on fait honneur au mythe du vampire, son rythme chronobiologique décalé du quotidien des humains normaux. Le vampire est un thème prolifique. Nos références sont dans la littérature, pour des romans portés brillamment à l’écran : ‘Dracula’ de Bram Stocker, transféré à l’écran par Francis Ford Coppola en 1992, avec Gary Oldman dans le rôle titre. Mais aussi, et surtout, la saga de la regrettée Anne Rice avec son vampire Lestat. Le roman initiatique ‘Entretien avec un vampire’ a été portée à l’écran de façon somptueuse par Neil Jordan en 1994. À l’époque, on avait déjà lu l’essentiel de l’œuvre entamée en 1978. Quand il fut annoncé que les rôles principaux seraient tenus par Tom Cruise et Brad Pitt, ce fut un choc comme la promesse d’une opération marketing qui ne laisserait pas la place à la poésie, à la puissance et au romantisme gothique de l’œuvre littéraire. Et bien on avait tout faux. Bien plus tôt au cinéma, il y avait eu l’inaugural Nosferatu, et puis dans les années 60, Christopher Lee en Dracula éternel, sans oublier le déjanté Bal des Vampires de Roman Polanski au cœur des Carpates. Alors l’héritage est lourd, et on ne parlera même pas des séries pour teenagers tout simplement parce qu’on ne les a pas vues. On aime toute la symbolique autour du vampire : la différence, la quête de tolérance, la monstruosité, la bête qui traque et finit traquée, le besoin de survivre et de s’adapter, la poésie, le romantisme. Renouveler le thème dans une histoire de vampire à la française aux XXIe siècle ? un pari osé. Contre toute attente, c’est une vraie réussite. Le casting est parfait. Céline Rouzet a eu l’instinct et le courage de miser sur un parfait inconnu totalement débutant : le jeune franco-britannique Mathias Legoût-Hammond. Il a une beauté peu standard, un côté étrange délicat et fort à la fois. Il est tour à tour sensible et animal. Son jeu est émouvant et sobre, plein de spontanéité. Le jeu naturel de la jeune Céleste Brunnquell colle parfaitement à son rôle de teenager éprise et surprise par Philémon. Quant à Elodie Bouchez, elle nous embarque avec réalisme et angoisse dans les affres de l’engrenage terrible dans lequel elle plonge au quotidien, tête baissée, par amour maternel. Les thèmes clés de la conformité en société, de la tolérance, du harcèlement, du mal-être, du handicap ingérable, du renoncement, sont omniprésents. On apprécie la tension qui monte progressivement, avec au départ une famille réellement unie, qui cache un secret mais le fait bien. Elle a mis en place des routines et démontre sa capacité à s’insérer dans un nouveau cadre de vie apparemment paisible, au prix néanmoins de quelques mensonges.
La petite zone pavillonnaire d’emménagement et ses habitants semblent bien sous tous rapports. Tout va se fissurer progressivement. Le vernis va craquer, au fil d’événements successifs et l’on s’enfonce inéluctablement dans le drame, comme une machine fatale, et Céline Rouzet parvient parfaitement à nous faire comprendre qu’on y va. Et là, on découvre la violence des uns et des autres, combien la société et ses conventions forment un équilibre finalement fragile, où tout peut basculer et sombrer dans la destruction, en toute sauvagerie. Le vampire est un être sensible et plein d’espoir, finalement victime d’un handicap lourd. Inadapté au monde, poignant dans ses rêves et efforts pour croire un moment à son insertion possible dans la société, il va abandonner à cause de la mise à l’épreuve, impuissant, dans un élan sacrificiel pour libérer sa famille et ses victimes.
Si vous avez aimé « Le règne animal« , courez voir « En attendant la nuit », c’est de la même veine, avec quelques similitudes et une différence essentielle : Céline Rouzet n’a pas fait appel à l’imagerie fantastique de créatures monstrueuses. L’absence d’effets spéciaux majeurs est une grande force de ce film : la monstruosité surgit de la normalité apparente et de jeux d’ombres et de lumières, avec beaucoup d’esthétisme. Peut-être d’autres verront-ils à ces titres, la filiation avec Virgin Suicides, bien au-delà du lien de la composition de la bande original du film.

Le film a obtenu le prix du Jury au festival du film fantastique à Gérardmer et il a été sélectionné à la Mostra de Venise.

Mathias-Legoût et Céline Rouzet le 27 mai – UGC Ciné Cité la Défense (crédit Science infuse)

« En attendant la nuit » de Céline Rouzet, avec Mathias Legoût Hammond, Elodie Bouchez, Jean-Charles Clichet, Céleste Brunnquell – durée 1h44 Sortie : 06/06/2024

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