McKinsey : la réalité des pratiques de consulting à l’épreuve de l’emballement politico-médiatico-RS
L’affaire McKinsey est emblématique du traitement médiatique monté en épingle sur des problématiques mal connues du public et des médias qui s’en emparent.
Il faut dire que la période électorale est peu propice aux déclarations nuancées et à la recherche d’apaisement…
Citizen4Science avait réagi sur Twitter notamment à un article de L’Express qui parlait d’un « recours incessant » qui serait motivé par l’idéologie :
Il s’agit d’un entretien avec Claude Revel, énarque et ex-déléguée interministérielle à l’intelligence économique qui « réfute l’idée que l’État manque de compétences en interne » et a alerté il y a déjà 10 ans sur ce recours qu’elle considère abusif.
Dans le même sens, une commission d’enquête du Sénat le 17 mars parle de « phénomène tentaculaire » et de recours « devenu un réflexe ».
Coût en 2021 : près de 900 millions d’euros, alors qu’il était de moins de 400 millions d’euros en 2018.
Oui, mais la pandémie est passée par là. Et il est possiblement justifié dans de telles circonstances exceptionnelles de faire plus appel au consulting.
Comme toujours, pour une analyse scientifique, l’évolution de données ne doivent pas être interprétés hors contexte.
Les diplômes… et l’expérience et les moyens
Dans l’hebdomdaire L’Obs du 7 avril, Myriam Revault d’Allones, professeure et chercheuse associée au Cevipof (centre de recherches politiques de Sciences-Po) parle à son tour d’idéologie mettant en avant un argument présenté comme de l’implacable logique pour prouver l’inutilité ou en tout cas l’usage excessif des cabinets de conseil :
Avoir les mêmes diplômes confèrerait les mêmes compétences… c’est considérer que l’expérience, personnelle à chacun, n’a pas de valeur différenciante, ni les moyens disponibles au sein des cabinets de consulting : pour qui les pratique, on travaille aussi avec eux pour la valeur des bases de données dont ils disposent, une grande partie de leur travail étant de faire de la veille de l’information et de constituer des bases de données très convoitées.
Nuancer le discours « MacKinseyGate »
Nous ne sommes pas en mesure de dire si il y a eu abus de consulting par l’État, mais il peut être utile de remettre en contexte l’usage habituel du consulting.
Déjà, sortons du contexte franco-français pour constater qu’en Europe les 900 millions d’euros dépensés l’an dernier par la France ne ferait pas broncher grand monde., comme le font remarquer Les Echos :
- près de 2 milliards d’euros en 2020 pour les Pays-Bas, utilisation historique habituelle depuis des décennies
- 1,2 milliards d’euros par l’Allemagne pour les Big Four du consulting Deloitte, PwC, EY et KPMG
- 3 milliards d’euros pour la Grande-Bretagne
Et puis qui, parmi les détracteurs virulents, repris en cœur sur les réseaux sociaux, ou en émanant, à la moindre expérience de l’usage de cabinets de consulting en commanditaire ou utilisateur ? La loi de l’#Ultracrépitruc est puissante.
L’Obs dans un autre article du 7 avril l’évoque aussi :
Alors la rédaction de Science infuse, qui ne l’a pas justement et se targue de parler sur la base d’expérience et de pratique de terrain, souhaite préciser que l’usage du consulting est
– habituel tant dans le public que dans le privé
- habituel tant dans le public que dans le privé et qu’on ne peut ainsi parler d’une « idéologie » spécifique à l’État
- qu’il est particulièrement utilisé pour les questions d’organisation, processus et changement,
- que ces questions-là sont mieux traitées quand on fait appel à un regard tiers et qui a une expertise des problématiques traitées dans d’autres entités
- que les cabinets ne remplacent pas leurs clients et leurs instances dirigeantes pour la prise de décision
Reste quand même à savoir à savoir si les règles de marchés public et donc mise en concurrence n’ont pas été bafouées avec favoritisme à la clé.
Comme indiqué dans le post Twitter de Citizen4Science présenté en introduction, outre le grave problème de la montée en épingle et de l’indignation autoentretenue des réseaux sociaux, reprise par les médias, et exploitée par les politiques,
on peut se demander s’il n’y a pas plutôt qu’un problème idéologique, un problème culturel qui est que tout est appréhendé dans un rapport de force binaire, les collaborations en particulier public-privé, qui apportent de la complémentarité et des perspectives plus variées et donc enrichissantes, étant diabolisées.
Pourtant, comme en science, recherche ou santé : le partenariat public privé est clé et il en va certainement de même pour les réflexions stratégiques, organisationnelles et de changement.
Article mis à jour le 7 avril 2022.
[Expertise revendiquée de la Rédaction sur ce sujet : expérience en Procurement, Outsourcing stratégique, Achats de prestations de conseil y compris Big4]
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