L’exercice physique, c’est bon pour la santé… mais avec modération. C’est le constat d’une vaste étude scientifique finlandaise
La géromédecine de précision : une révolution pour vieillir en bonne santé
L’étude observationnelle menée sur 30 ans par des chercheurs de l’Université de Jyväskylä montre qu’une activité physique modérée réduit la mortalité, mais que trop d’exercice pourrait accélérer le vieillissement biologique. Cette recherche long terme sur près de 30 000 jumeaux finlandais remet en question les idées reçues sur les bienfaits de l’exercice intensif
L’activité physique prolonge-t-elle vraiment la vie ? Maintenir un niveau régulier voir élevé d’exercice physique est souvent perçu et expliqué comme étant une clé pour vivre plus longtemps et en meilleure santé. Mais une étude menée sur trois décennies par des chercheurs de l’Université de Jyväskylä, en Finlande, apporte un éclairage nuancé sur ce lien. Publiée en janvier 2025 dans European Journal of Epidemiology, cette recherche sur 22 750 jumeaux révèle qu’une activité modérée réduit la mortalité, mais que trop d’exercice pourrait accélérer le vieillissement biologique, sans pour autant atténuer les risques génétiques de maladies. Ces résultats interrogent les recommandations traditionnelles et soulignent l’importance d’un équilibre dans la pratique sportive.
Une étude sur trois décennies auprès de jumeaux
L’étude dirigée par Anna Kankaanpää, chercheuse postdoctorale au Centre de recherche en gérontologie (GEREC) de la Faculté des sciences du sport et de la santé de l’Université de Jyväskylä, a suivi 22 750 jumeaux finlandais nés avant 1958. Les données sur leur activité physique dans le cadre des loisirs ont été collectées via des questionnaires validés en 1975, 1981 et 1990, mesurant les équivalents métaboliques (MET) en heures par jour. Les participants ont été divisés en quatre groupes : sédentaire, modérément actif, actif et très actif. Leur mortalité a été suivie jusqu’en 2020, soit sur 30 ans.
Pour un sous-ensemble de 1 153 jumeaux, des échantillons de sang ont permis d’évaluer le vieillissement biologique grâce à des horloges épigénétiques, basées sur les changements de méthylation de l’ADN. Par ailleurs, des données génétiques étaient disponibles pour 4 897 jumeaux, permettant d’étudier l’impact de l’exercice sur les risques de maladies génétiques, comme les maladies cardiovasculaires.
Des jumeaux pour supprimer les biais liés à la génétique
Pourquoi des jumeaux, notamment monozygotes (homozygotes) ? Cela permet de minimiser les biais liés aux facteurs génétiques et environnementaux partagés, comme l’hérédité ou les conditions de vie précoces, supposant des premières années de vie partagées dans le même environnement. En comparant des jumeaux ayant des niveaux d’activité physique différents, les chercheurs peuvent isoler l’effet de l’exercice sur la mortalité et le vieillissement biologique, tout en contrôlant les variables génétiques qui pourraient influencer les résultats.
Activité modérée : des bénéfices, mais des limites aussi
Les résultats montrent qu’une activité physique modérée réduit la mortalité de 7 % par rapport au groupe sédentaire, confirmant les bienfaits d’un niveau d’exercice raisonnable. Cependant, une activité plus intense par des participants très actifs n’apporte aucun bénéfice supplémentaire en termes de mortalité. Les chercheurs ont également examiné l’impact du respect des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), soit 150 à 300 minutes d’activité modérée ou 75 à 150 minutes d’activité vigoureuse par semaine. Parmi les paires de jumeaux où l’un suivait ces recommandations sur 15 ans et l’autre non, aucune différence significative en termes de mortalité ou de risque de maladies génétiques n’a été observée.
Laura Joensuu, co-auteure de l’étude et chercheuse postdoctorale au GEREC, déclare : « Malgré un suivi prolongé et la prise en compte de divers biais, nous n’avons pas pu confirmer que suivre les recommandations de l’OMS réduit de manière causale la mortalité ou atténue le risque de maladies cardiovasculaires génétiques. »
Horloges épigénétiques : un outil pour mesurer l’âge biologique
Les horloges épigénétiques, utilisées dans cette étude pour évaluer le vieillissement biologique, sont des outils scientifiques qui mesurent les modifications chimiques de l’ADN, notamment la méthylation. Ce processus, qui consiste en l’ajout de groupes méthyles à certaines régions de l’ADN, influence l’expression des gènes sans modifier leur séquence. Avec le temps, ces modifications s’accumulent et reflètent l’âge biologique d’une personne, qui peut différer de son âge chronologique. En analysant ces marqueurs dans des échantillons de sang, les chercheurs peuvent estimer si une personne vieillit plus ou moins vite que prévu, offrant une fenêtre sur les effets du mode de vie, comme l’activité physique, sur le vieillissement cellulaire.
Une relation en forme de courbe en U avec le vieillissement biologique
Un constat frappant de l’étude concerne l’effet de l’activité physique sur le vieillissement biologique. Les chercheurs ont observé une relation en forme de U : les groupes sédentaire et très actif présentaient un vieillissement biologique accéléré par rapport au groupe modérément actif. Après ajustement pour des facteurs comme le tabagisme ou l’alimentation, le groupe très actif était, en moyenne, biologiquement plus âgé de 1,2 an que le groupe modérément actif et de 1,6 an que le groupe actif.
Elina Sillanpää, professeure au GEREC et autrice correspondante, explique : « Le vieillissement biologique était accéléré chez ceux qui faisaient le moins et le plus d’exercice. Cette absence de lien direct entre une activité physique intense et un vieillissement plus lent suggère que l’âge biologique ne joue pas un rôle central dans la relation entre exercice et mortalité.
Les biais classiques des études observationnelles
Les chercheurs soulignent très justementque les études observationnelles comme celle-ci, peuvent être influencées par des biais. Par exemple, un état de santé sous-jacent peut limiter l’activité physique et entraîner une mortalité plus élevée, faussant ainsi les résultats. « Un état pré-maladie peut limiter l’exercice et finalement causer la mort, et non le manque d’exercice lui-même », précise Sillanpää. De plus, les associations positives entre activité physique et réduction de la mortalité observées dans d’autres études pourraient refléter un mode de vie globalement plus sain, plutôt que l’exercice seul.
L’étude a tenté de minimiser ces biais en utilisant des jumeaux, notamment monozygotes, pour contrôler les facteurs génétiques et environnementaux, et en ajustant les résultats pour divers facteurs de confusion, comme le tabagisme ou la consommation d’alcool. Malgré cela, les conclusions restent prudentes.
Implications pour la santé publique
Ces résultats remettent en question l’idée qu’un niveau élevé d’activité physique est toujours bénéfique. Si une activité modérée offre des bénéfices similaires à une activité intense en termes de mortalité tout en évitant un vieillissement biologique accéléré, les campagnes de santé publique pourraient davantage encourager des pratiques accessibles, comme la marche ou le jardinage. Cela rendrait les recommandations plus inclusives, notamment pour les populations moins mobiles ou âgées.
L’étude suggère également que les bénéfices de l’exercice pourraient être amplifiés par un mode de vie sain global, incluant une alimentation équilibrée et l’absence de tabagisme, plutôt que de se focaliser uniquement sur des niveaux élevés d’activité physique.
Quels messages retenir ?
L’étude de l’Université de Jyväskylä montre que l’activité physique modérée est bénéfique pour réduire la mortalité, mais que trop d’exercice peut accélérer le vieillissement biologique sans offrir de bénéfices supplémentaires. Ces résultats rappellent que, comme souvent, la modération plutôt que l’excès est la clé pour une vie saine et équilibrée. Bouger et faire du sport reste essentiel, mais avec mesure, pour profiter pleinement d’effets bénéfiques sur la santé.
Illustration d’en-tête : Filip Mroz
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