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Comment parler science

par Melanie Trecek-King et traduit par Science infuse et fruit d’un travail conjoint au sein de la Rédaction de sélection pour le public français issue du site internet anglophone Thinking is Power dédié à la pensée critique


Ces six mots ont des significations différentes lorsque les scientifiques les utilisent

Le vocabulaire scientifique peut être assez déroutant. Non seulement les scientifiques utilisent un jargon très technique, mais ils emploient parfois aussi les mêmes mots que le grand public… mais avec des significations différentes. Malheureusement, le résultat final est que les scientifiques peuvent être mal compris.

Pour moi, en tant qu’Américaine qui aime voyager, l’anglais du Royaume-Uni peut être une source inattendue de confusion. Par exemple, je ne recommanderais pas de dire « fanny pack » [sac banane, NDLR] à un Anglais, car pour eux, « fanny » est un terme d’argot désignant les organes génitaux féminins. (Et si un Américain dit qu’il est « pissed », il veut dire par là qu’il est en colère, alors que les Britanniques veulent dire qu’ils sont ivres (et oui, ces exemples révèlent mon sens de l’humour sophomorique [ce terme est typiquement américain, on peut le traduire de façon plus parlante par « humour puéril », NDLR]).

Nous utilisons le langage pour communiquer des concepts complexes, il est donc important de comprendre ce que quelqu’un veut dire lorsqu’il utilise un terme. Voici une brève liste de six des mots les plus couramment mal compris, et ce que les scientifiques veulent dire lorsqu’ils les utilisent.

SCEPTICISME

Le scepticisme est souvent associé au cynisme, au contrarianisme (esprit contrarian, NDLR), à la négativité, voire au déni. C’est regrettable, car le scepticisme scientifique consiste simplement à insister sur les preuves avant d’accepter une affirmation… ce qui est une bonne chose ! Essentiellement, le scepticisme consiste à fonder l’acceptation d’une affirmation sur la force et la qualité des preuves qui l’étayent. Et si les preuves changent, les sceptiques sont prêts à changer d’avis.

Il est important de noter que le scepticisme et le déni diffèrent dans leurs motivations et leur acceptation des preuves. Les négationnistes ne veulent pas accepter des conclusions scientifiques qui entrent en conflit avec leurs croyances fondamentales, ils se concentrent donc sur de petites zones d’incertitude et exigent des normes de preuve incroyablement élevées. Les sceptiques, quant à eux, sont prêts à suivre les preuves où qu’elles mènent.

OPINION

Les non scientifiques pensent souvent que leurs opinions sont égales à celles des scientifiques en raison d’une mauvaise compréhension du mot « opinion ». Dans le langage courant, les opinions sont des préférences, des goûts ou des points de vue. Elles sont généralement subjectives par nature et reposent sur le point de vue, les émotions et les préjugés d’une personne. Par exemple, selon moi, les chats sont les meilleurs animaux de compagnie et le beurre de cacahuète est le meilleur parfum pour une crème glacée. (J’ai objectivement raison sur ces deux points).

En revanche, les opinions scientifiques sont des jugements ou des conclusions fondés sur l’expertise et basés sur des preuves. Les experts possèdent des connaissances spécialisées et de l’expérience, et peuvent s’appuyer sur leur compréhension approfondie d’un sujet pour fournir des idées, des interprétations et des recommandations éclairées.

Il peut être tentant de refuser une position déplaisante sous prétexte qu’il ne s’agit que d’une « opinion », mais toutes les opinions ne se valent pas. Les avis d’experts ont plus de poids et de crédibilité en raison de leurs connaissances approfondies.

THÉORIE

La théorie pourrait bien remporter le prix du mot le plus souvent mal compris en science. Dans l’usage courant, une théorie est une intuition. Une supposition. Une pure spéculation. Par exemple, j’ai une théorie sur la raison pour laquelle mon chat crie (chante ?) la nuit ; il invoque les esprits de ses ancêtres pour qu’ils le libèrent de la captivité de sa vie luxueuse.

Dans le jargon scientifique, une théorie est exactement le contraire : il s’agit d’une explication générale d’un large éventail de phénomènes, étayée par un grand nombre de preuves. Au fur et à mesure que la science progresse et que les preuves s’accumulent, les idées connexes sont combinées en une explication unique, claire et puissante. Les théories constituent la base de nos connaissances scientifiques et sont utilisées par les scientifiques pour faire des prédictions en vue de tests ultérieurs et, en tant que telles, sont continuellement soumises à un examen minutieux. Parmi les exemples, citons la théorie de la gravitation, la théorie de la tectonique des plaques, la théorie de l’évolution, la théorie des cellules, la théorie des germes et la théorie atomique. La compréhension du monde naturel est l’objectif ultime de la science, et les théories sont aussi proches de la « vérité » que possible. Ne vous laissez donc pas abuser lorsque quelqu’un doute de la science parce que « ce n’est qu’une théorie ».

CONSENSUS

Dans le langage courant, un consensus fait référence à un accord général ou à une compréhension partagée au sein d’un groupe sur un sujet ou une question particulière. Il est souvent fondé sur des perspectives subjectives, des préférences personnelles ou des opinions dominantes. Par exemple, le consensus dans ma famille est que je ne fais pas bonne figure quand j’ai les cheveux courts (ils ont raison).

En revanche, un consensus scientifique représente un accord général au sein de la communauté scientifique sur un sujet spécifique. Il reflète le jugement collectif d’experts et se fonde sur un vaste ensemble de preuves. L’obtention d’un consensus est un aspect crucial du processus scientifique, car il sert de base à la poursuite de la recherche et permet (espérons-le) d’éclairer les décisions de politique publique.

Cependant, et c’est là une distinction importante, la science n’est pas démocratique et un consensus scientifique n’est pas le résultat d’une réflexion de groupe. Les scientifiques sont motivés et incités à trouver des erreurs et des lacunes dans les preuves et les conclusions qui en découlent. Les scientifiques n’aiment pas être d’accord et ne le seront que s’il n’y a aucune raison valable de ne pas l’être. La meilleure explication est celle qui fonctionne le mieux et qui a survécu à des tentatives répétées de réfutation, et non celle qui est la plus populaire.

FAIT

Dans le sens courant, les « faits » offrent ce qui semble être une preuve absolue. Si l’idée est séduisante, surtout dans un monde plein d’incertitudes, ce n’est pas si simple. Les cours de sciences ne sont souvent pas d’un grand secours, car beaucoup d’entre eux se concentrent sur la mémorisation d’un manuel rempli de « faits ».

Un fait scientifique est une observation qui a été largement testée et confirmée, et qui est largement acceptée par la communauté scientifique. Les faits sont les éléments constitutifs de la connaissance scientifique sur lesquels sont construits les théories, les lois et les modèles. Il est important de noter que si les « faits »» peuvent sembler être des vérités absolues, ce n’est pas le cas ! Les faits sont susceptibles d’être affinés, révisés, voire infirmés au fur et à mesure de l’émergence de nouvelles preuves ou de nouvelles connaissances.

[En savoir plus : Comment faire vos propres recherches]

INCERTITUDE

Pour le public, l’incertitude signifie ne pas savoir. Pour les scientifiques, en revanche, l’incertitude est une mesure de la confiance que nous avons dans la qualité de nos connaissances.

Cela peut sembler étrange aux non scientifiques, mais les scientifiques font ouvertement état de leurs découvertes en indiquant leur degré de certitude, qui va de la quasi-certitude (> 99 % de probabilité) à l’exceptionnellement improbable (moins de 1 % de probabilité). La certitude absolue n’existe pas en science. Les connaissances scientifiques sont toujours provisoires et sujettes à révision en fonction des découvertes futures. Cela dit, au fur et à mesure que les preuves s’accumulent, l’incertitude diminue. Malheureusement, alors que le public entend souvent dire que les scientifiques ne savent pas, la réalité est presque exactement l’inverse ! L’incertitude n’est pas un aveu d’ignorance, mais l’expression du degré de confiance des scientifiques dans une plage qui se resserre au fur et à mesure que la science progresse.

En fin de compte, la science n’est jamais figée, mais les théories et les résultats consensuels assortis d’un degré de certitude extrêmement élevé sont ce qui s’en rapproche le plus.

Le message à retenir

Le langage scientifique peut être déroutant pour les non scientifiques, mais ce n’est pas une fatalité ! Apprenez le vocabulaire des « locaux » pour éviter les échanges gênants et les malentendus. (Et n’oubliez pas qu’on ne dit pas « fanny pack » à Londres).

Traduit par la Rédaction. La traduction étant protégée par les droits d’auteur, ce article traduit n’est pas libre de droits. Veuillez contacter la Rédaction pour tout souhait de reproduction. – lien vers l’article original

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