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« Médecine » et « Docteur » sans autre mention : l’Ordre des médecins veut les réserver à la médecine et aux médecins

Le rapport de l’Ordre des médecins paru le 27 juin alerte sur les pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) et les dérives associées à la veille de l’invitation par le ministère de la Santé de « Agence des MCA », qui défend des pratiques de pseudoscience

La mise en garde et les demandes de l’Ordre des médecins tombe à pic : demain se tiendra une première réunion organisée par Agnès Firmin-Le Bodo, supporter historique de l’association « Agence des Médecines complémentaires et alternatives » (A-MCA) qui veut devenir comme son nom l’indique une agence d’État pour réguler et autoriser certaines pratiques de santé non éprouvées.

L’association Citizen4Science a pris position en 2021 et dénoncé l’entrisme de cette association très proche du gouvernement et soutenue pour accomplir son plan dès le premier jour de sa création fin 2020. L’Académie des Sciences et l’Ordre des pharmaciens en ont fait de-même, rappelant que la médecine est par définition basée sur les preuves et que cette A-MCA est un danger.

Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement

Aujourd’hui, et enfin, c’est l’Ordre des médecins qui se positionne. Lui aussi dénonce l’imposture de l’A-MCA et le danger de santé publique que représentent les dérives des pratiques de soins non conventionnelles : l’Ordre a reçu 1 700 courriers de signalement en 2022.

Il souhaite que ce qui relève de pratiques de bien-être non validées par la science, le reste et ne soit pas assimilé à de la médecine, traitements ou thérapie, et ce pour la protection des patients. Médecines douces, médecines traditionnelles, médecines alternatives, médecines naturelles… sont autant de termes trompeurs sur ces pratiques non conventionnelles qui induisent les patients en erreur et sont faussement rassurants.

Aussi, l’Ordre des médecins demande à ce que le terme « médecine » soit protégé et réservé à la médecine.

Mais il va plus loin, non sans raison : n’importe qui disposant d’un doctorat dans un domaine non médical peut aujourd’hui utiliser le titre de « docteur ». Nous avons largement décrit dans ces colonnes les abus par des personnes qui se font passer pour des professionnels de santé ou exerçant des activités médicales. Un titulaire de doctorat en psychologie n’est pas médecin, mais il peut se faire appeler officiellement « Docteur X ». Imaginons qu’il propose des pratiques de médecines « douces » à ses clients : ceux-ci risquent d’avoir un doute sur la pratique : médicale ou non ? assimilée possiblement.

En allant plus loin : un titulaire de doctorat en chimie, en sociologie ou en informatique ouvre un cabinet de réflexologie ou de méditation : il pourra lui aussi très bien mettre « Docteur X, réflexologue » ou toute autre pratique non médicale sur sa plaque. C’est un véritable danger et une tromperie pour le consommateur.

Nous signalons cette dérive dans notre série d’articles sur Jérémie Mercier (épisode 5 sous presse), un soi-disant « normalien-docteur, éducateur en santé » qui joue sur son titre de docteur en chimie pour vendre des pratiques de soins dangereuses (exemple : lavage du foie) sur internet.
Il en de même dans notre série « Expertise & Experts » qui pointe notamment de faux experts qui pullulent sur les réseaux depuis la crise sanitaire du Covid, mettant en avant leur doctorat (PhD) pour se prétendre compétents en médecine ou en pharmacie.

Dans un entretien accordé ce jour à nos confrère de Ouest-France, la Dr Claire Sirat, présidente de la section Santé Publique de l’Ordre des médecins évoque parmi les signalements reçu le jeûne et la ventousothérapie comme prenant « un essor important » et « une vingtaine de pratiques (de l’iridologie à la naturopathie) » comme faisant régulièrement l’objet de « dérives thérapeutiques ou d’exercice illégal de la médecine ».

Ainsi l’Ordre des médecins préconise dans son rapport que l’utilisation du titre « Docteur » soit conditionnée, à la précision de la matière à laquelle est attachée le titre. Une excellente idée de notre point de vue, qui pourrait amener tout simplement certains se garder d’afficher un titre de « docteur » qui n’a rien à voir avec la santé, pas très vendeur.

Le communiqué de presse de l’Ordre des médecin ce jour :

Le terme « docteur » dans la loi

Docteur : « Personne qui a obtenu le doctorat conféré par une université : un docteur ès lettres ou docteur en droit. » mais aussi « Personne qui, pourvue du doctorat, est habilitée à exercer la médecine, la chirurgie dentaire, la pharmacie, l’art vétérinaire. »
Le diplôme national de doctorat, prévu par le code de la recherche, correspond à la reconnaissance d’une expérience professionnelle de recherche menée à son terme. Il se distingue des diplômes d’exercice en médecine, en chirurgie dentaire ou en pharmacie qui, eux, permettent principalement l’exercice des professions correspondantes.
Dans le nouveau cursus LMD (licence, master, doctorat), les filières accédant à un doctorat de recherche sont très nombreuses : droit, psychologie, biologie, génétique, sciences humaines, informatique, etc.

Nous avons consacré un article en janvier 2021 à l’usage du titre de docteur et au doctorat.

Il est important de noter aussi que l’usage trompeur du titre docteur par des praticiens non médecins pour dispenser des soins touche au droit de la consommation : L’Ordre rappelle qu’utiliser des allégations thérapeutiques non justifiées, ou des qualités professionnelles dont on ne dispose pas sont des pratiques commerciales trompeuses.

La question du contrôle des pratiques de soins non conventionnelles

L’Ordre des médecins prône un contrôle des PSNC par un organisme indépendant. Mais pas l’A-MCA, l’Ordre considérant à juste titre qu’elle n’a aucune légitimité. Chez Citizen4Science, on prône tout simplement de donner plus de moyens aux instances existantes, comme l’ANSM, dont le rôle est précisément de valider et contrôler les pratiques de soins et les médicaments, permettant de facto de classer les pratiques : soit elles relèvent de la médecine, soit ce n’est pas le cas.

Cet appel de l’Ordre des médecins sera-t-il écouté demain ? Nous nous permettons d’en douter, car pour l’heure, le redoutable plan de « Agence des médecines complémentaires et adaptées » semble se dérouler sans accroc, puisque le ministère de la santé l’a conviée à la table des négociations avec certains de ses opposants historiques. Mais Citizen4Science ne s’y joindra pas, fidèle à son combat.

Mise à jour 28/6/2023 : ajout de précisions légales (Code de la santé publique, droit de la consommation, lien article)

Pour aller plus loin

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